PLUS BELLE LA VIE : DISCUSSION AVEC PAULINE ROCAFULL (SCÉNARISTE/DIALOGUISTE) ET GUILLAUME DESOUHANT (DIALOGUISTE) : « Nous voulions écrire une fin lumineuse »

Il n’y avait pas que les acteurs et les actrices de Plus Belle la Vie qui étaient présents au Festival de la Fiction de La Rochelle. La scénariste/dialoguiste de PBLV Pauline Rocafull et le dialoguiste Guillaume Desouhant étaient aussi sur place. Dans cette entretien improvisé, le duo s’est confié sur les critiques reçues au cours des années, sur l’arrêt de la série, mais également sur la fin de la quotidienne qui nous réserve quelques surprises étonnantes…

« Ces personnages resteront orphelins d’histoires et c’est déchirant » – Guillaume Desouhant.

Vous faites partie d’une équipe de 30 auteurs. Comment avez-vous réagit aux commentaires vous reprochant l’arrêt de Plus Belle la Vie ?
Guillaume Desouhant : Il y avait certainement des attentes en termes d’histoire. Après, ce n’est pas n’importe quelle série. C’est un feuilleton qui a 18 ans, avec une dose d’affect colossale. Il est normal que les téléspectateurs soient attachés à l’évolution de certains personnages, à des protagonistes historiques qui n’étaient plus là et qu’ils voulaient voir revenir. Il y avait une demande d’événementialisation avec des retours d’anciens mais en termes d’histoire, il est vrai qu’on nous a souvent reproché d’aller dans le sombre, vers des choses qui étaient moins dans le « contrat PBLV ». Maintenant, nous avons toujours eu à cœur de montrer les choses de la société actuelle et, ce n’est pas si courant dans les feuilletons quotidiens. Néanmoins, je pense qu’on a tenu le contrat jusqu’au bout.

Que ressent-on, lorsqu’on met le dernier point à la toute dernière réplique ?
GD : J’ai passé quasiment 5 ans à temps plein sur ce feuilleton. C’est une grosse page qui se tourne. Mais ce qu’on quitte avec le plus de regret, ce sont les personnages. Il y a des personnages qui avaient une vraie chair, qui étaient tellement bien incarnés, que nous finissions par nous prendre au jeu. C’est comme si nous refermions une boîte un peu magique. Ces personnages resteront orphelins d’histoires et c’est déchirant.
[…] Le lendemain, on se sent vide. Car c’était une flamme qui nous portait tous. Souvent, les scénaristes, entre nous, nous nous disions qu’on rêvait Plus Belle la Vie. Il m’est arrivé, à plusieurs reprises, la nuit, de me retrouver dans une scène de Plus Belle. Parfois, même, ça débloquait des idées pour une scène sur laquelle je butais. J’étais avec les personnages. Nos vies privées et pro s’entremêlaient.

Pauline Rocafull : Il y a quelque chose de l’ordre du deuil. Que va-t-il exister après ? Rien…

« À partir de là, plus aucun mot n’allait être écrit pour la série. C’était hyper émouvant » – Pauline Rocafull.

Vous qui avez travaillé toutes ces années dans l’ombre, comment avez-vous vécu cette fin ?

PR : Pour nous, c’est fait. Nous sommes déjà dans l’après. Mais il y a eu des moments forts après l’article dans Le Figaro car, à ce moment-là, nous entamions l’écriture du prime de juillet. Chaque jour qui passait depuis 18 ans, quelqu’un écrivait l’Histoire de Plus Belle la Vie. Tous les jours, y compris le dimanche. La nuit aussi, comme Guillaume. Puis, un mardi, à 18h, plus rien. C’était terminé. A partir de là, plus aucun mot n’allait être écrit pour la série. C’était hyper émouvant.

GD : Côté comédiens, ils font face chaque jour à un départ. [….] C’est vraiment violent mais il y a une telle bienveillance entre eux.

Image : Les comédiens et comédiennes de Plus Belle la Vie au Festival de la Fiction de La Rochelle.
Crédit photo : Le Parisien

PR : Nous sommes protégés du fait d’être dans l’ombre. Pour eux, ils va falloir se réinventer. Nous, nous pouvons écrire plus facilement. Les comédiens vivent un vrai changement pour beaucoup. J’espère de tout cœur qu’ils réussiront à rebondir. Nous sommes actuellement au Festival de la Rochelle, une vingtaine de comédiens et de comédiennes sont là, et nous vivons un grand moment. C’est leur dernier tour de piste, ici, avec Plus Belle la Vie.

« Plus Belle la Vie est un énorme tremplin » – Guillaume Desouhant.

Stephane Strano me confiait pendant une interview que Sous le Soleil avait fait naître de grands scénaristes qui ont, par la suite, contribué à la fiction française, et que ça serait aussi le cas pour les auteurs de Plus Belle la Vie. Vous partagez ce constat ?
PR : Complètement. Guillaume en est la preuve. Il n’avait jamais fait ce métier auparavant. Il est rentré au dialogue et est devenu co-directeur des dialogues. Il existe plein d’autres exemples de gens qui ont écrit, parfois de façon affichée, parfois avec un pseudo, et qui sont devenus de très grands scénaristes ou même réalisateurs.

GD : C’était une pépinière de talents incroyable. Chez les réalisateurs, par exemple, certains ont commencé comme monteurs puis, sont passés 1er assistant, réalisateurs, réalisateurs de prime… dans des délais qu’ils n’auraient jamais eu ailleurs. C’est valable pour les techniciens, pour les comédiens et pour les auteurs. Plus Belle la Vie est un énorme tremplin.

« Il y a des cadeaux qui seront faits à quelques personnages » – Guillaume Desouhant.

Depuis le jeudi 15 septembre a débuté l’une des dernières grandes intrigues de Plus Belle la Vie, « Les Évadés ». D’où est née l’envie de terminer PBLV avec le retour de méchants emblématiques (Livia) et d’anciens personnages (Agathe Robin) ?
PR : Parce que c’est la fin et que nous avions envie de les revoir. Je pense que les spectateurs aussi.

GD : Il y avait l’envie de faire un cadeau, tout simplement. Un cadeau d’adieu. Mais aussi l’envie des comédiens – qui n’auraient peut-être pas répondu présents dans un autre contexte – de revenir pour conclure la série. […] Alors oui, c’est une intrigue policière sombre mais, vous le verrez, on se dirige vers la lumière par certains aspects. Il y a des cadeaux qui seront faits à quelques personnages.

Vous qui n’êtes sur la série que depuis 5 ans, comment travaille-t-on sur des personnages comme Livia, qui était donc là bien avant votre arrivée ?
GD : Là aussi, les spectateurs, et ils ont raison, sont prompts à nous reprocher si nous ne raccordons pas sur un registre de langage, sur une manière d’être… Le comédien lui, se rappelle, porte ça en lui, il ramène son personnage. Nous, nous faisons un vrai travail d’archiviste. Nous nous sommes replongés sur des extraits de l’époque, nous les avons redécouverts. C’est un super travail qui changeait du quotidien.

« Luna est un personnage auquel nous devons donner une vraie fin » – Guillaume Desouhant.

Et la volonté de conclure l’intrigue Pavel…
GD : Le passif à travers Pavel, c’est le lien à Luna. Luna est un personnage emblématique qui a été poussé sur les arches, depuis quelques années, et servi avec talent par une super comédienne, Anne Décis. C’est aussi cela que nous venons clore. Luna est un personnage auquel nous devons donner une vraie fin. Nous n’avons pas le droit de bâcler la conclusion d’une telle héroïne. Nous devions verrouiller les tenants et les aboutissants autour de Luna et, Pavel en fait partie.

[…] Je parlais tout à l’heure des aspects sombres des scénarios de PBLV mais avoir des opposants comme Pavel, Livia ou L’Enchanteur, c’est une règle du soap. Il y a toujours eu des figures du mal fortes dans les soaps. Et, effectivement, nous avons plaisir à ne pas les faire mourir tout de suite pour les retrouver sur plusieurs arches, en espaçant leur retour sur plusieurs années. Ce sont des jalons. Ils sont tous méchants certes, mais à leur manière. C’est cela qui est intéressant, pour nous, en tant qu’auteur.

Prochainement, LE personnage emblématique de la série va nous quitter : Roland Marci (Michel Cordes). Pourquoi avoir décidé de le faire mourir ?

GD : Je salue l’immense comédien qu’est Michel Cordes. Il a été un pilier du feuilleton, un vrai papa. On peut le dire, c’était la figure patriarcale à la fois sur le tournage et de la série. Au fil des ans, nous l’avons énormément travaillé, tordu et mis dans des situations intenables avec François, Thomas ou Kilian. L’image de Roland se superpose avec le Mistral, qui lui-même se superpose au feuilleton PBLV. Nous ne pouvions pas terminer la série en le laissant en plan. Mais il y avait une sorte de logique à faire mourir ce personnage, quand bien même c’est un déchirement. Cependant, ne vous inquiétez pas, il aura ce qu’on appelle une « belle mort ».

« Une porte se ferme […] mais nous avions envie de laisser un espoir aux téléspectateurs » – Pauline Rocafull.

Le 18 novembre sera diffusé le dernier prime de Plus Belle La Vie. Sans spoilers, de quelle manière souhaitiez-vous conclure la série ?
GD : Lumineuse.

PR : La lumière, elle est hyper importante. Nous refermons aujourd’hui une porte, d’une certaine façon, mais c’était important de se dire que nous pouvions la rouvrir, notamment si la série est revendue ou s’il y a un spin-off. Pour nous, les personnages ont une fin mais il peut y avoir une suite. Donc, nous avions envie de laisser cet espoir-là aux téléspectateurs.

J’imagine que vous pensez aux téléspectateurs qui, le soir du 18 novembre, se retrouveront « seuls »…
PR : Bien-sûr, énormément même. J’avais noué des amitiés avec certains d’entre eux comme toi et des gens qui suivaient la série depuis des années. C’est aussi ce lien qui va me manquer autour des textes, des histoires et de ce qu’on en disait. J’étais la seule sur Twitter et c’est moi qui prenait les coups (rire). J’étais un peu la porte parole de l’équipe des scénaristes mais j’adorais ce lien. C’était un lien presque familial.

GD : Il y a beaucoup de téléspectateurs qui ont du mal à imaginer la soirée du 18 novembre, à imaginer l’après, à s’imaginer le vide dont tu parlais. Et je le comprends.

Mon article sur Les coulisses des auteurs de Plus Belle la Vie, est à retrouver ici.

Mon interview avec Léa François est à retrouver ici.

8 commentaires sur “PLUS BELLE LA VIE : DISCUSSION AVEC PAULINE ROCAFULL (SCÉNARISTE/DIALOGUISTE) ET GUILLAUME DESOUHANT (DIALOGUISTE) : « Nous voulions écrire une fin lumineuse »

  1. Bonjour,

    C’est super d’avoir fait l’interview des scénaristes, ça permets d’obtenir leurs ressenti.

    Merci à vous, d’avoir diffusé celle-ci, c’est bien.

    Cordialement

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