MARIA RÊVE : LA COMÉDIE ROMANTIQUE DES INVISIBLES (INTERVIEW AVEC L’EQUIPE DU FILM)

Deux ans après avoir reçu le César du Meilleur Court-Métrage avec « Pile Poil », les réalisateurs Lauriane Escaffre et Yvo Muller sortiront leur premier film au cinéma, ce mercredi : Maria Rêve. Primé par le public au Festival de Cabourg, Maria Rêve conte l’histoire de Maria, femme de ménage timide et maladroite, embauchée à l’École des Beaux-Arts de Paris. Un lieu fascinant où règnent la liberté, la créativité et l’audace. Confrontée à ce nouveau monde, Maria va peu à peu s’ouvrir à la vie… et à l’amour.

À l’occasion de la sortie du film, Lauriane Escaffre, Yvo Muller et Grégory Gadebois reviennent sur cette histoire d’amour entre hommage et critique de la société.

Merci aux invisibles !

« C’est un film qui pourrait, effectivement, rendre hommage à toutes les catégories de métiers qu’on qualifie de « petits métiers » – Lauriane Escaffre.

Maria Rêve suit le quotidien banal d’une femme de ménage. Une histoire qui trouve son origine dans la vie de la réalisatrice Lauriane Escaffre dont la grand-mère était également femme de ménage : « J’étais fasciné par la manière qu’elle avait pour être une petite souris, pour ne pas qu’on la voit. Car, dans la vraie vie, elle était plutôt expressive et prenait de la place. Néanmoins, le personnage de Maria est très éloigné de ma grand-mère. […] Avec ce projet, nous avions envie de rendre visible, l’invisible ».

Un film comme un hommage, dédié « à toutes les Maria ». Mais il pourrait être dédié aussi à toute les Jacqueline, les Sabrina, les Véronique, caissières, aides-soignantes, éboueuses : « C’est un film qui pourrait, effectivement, rendre hommage à toutes les catégories de métiers qu’on qualifie de « petits métiers » mais qui sont essentiels au bon fonctionnement de notre société. On ne les regarde pas, on ne les estime pas trop, on ne les considère pas parce que ce sont des métiers peu intéressants, pénibles et qui ne sont pas grand-chose dans le regard des autres. Pendant le confinement, c’est grâce à eux qu’on avait une vie plus facile, plus tranquille et qui égayaient notre quotidien » conclut Lauriane Escaffre.

Retrouver sa féminité

Embauchée aux Beaux-Arts, Maria (Karin Viard) se confronte à une jeunesse frivole, sans tabou, libre de toutes contraintes sociétales. Elle y rencontre la jeune Noémie, interprétée par Noée Abita. À ses côtés, Maria se libère. La femme de ménage se transforme en modèle de nu et réapprend, peu à peu, à s’aimer, à aimer la vision de son propre corps, à redécouvrir le sens du mot « amour » et ose déverrouiller le poids des chaînes imposé par une société caricaturale. Ce rapport aux corps est un des éléments essentiels du film, comme l’explique Laurine Escaffre :

« Le film parle en effet d’éclosion, d’émancipation, de libération. Nous voulions montrer qu’à n’importe quel âge, pour n’importe quelle personne, nous pouvons nous connecter à nous-mêmes, à qui nous sommes. Nous souhaitions donc montrer un personnage qui se connecte à sa féminité, à sa sensualité, une héroïne qui ne s’était jamais autorisée cela parce qu’elle se disait que ce n’était pas pour elle, qu’elle n’avait pas les codes. La société, l’environnement, son cercle familial ne lui avait pas permis ça. Grâce au contact avec ces étudiants, qui ont justement cette liberté-là, cette audace, cette créativité et qui osent tout sans se poser de questions, le personnage de Maria est percutée. Elle s’interroge alors sur ce qu’elle est vraiment, sur ses propres désirs ».

Derrière cela, c’est aussi une critique envers le cinéma. Les femmes de plus de quarante ans y sont en effet de moins en moins représentées tandis que les hommes mûrs continuent de tourner. Une exclusion absurde qui donne lieu à des écarts d’âges tout autant absurdes à l’écran. Le dernier exemple en date, la différence d’âge flagrante entre Emma McKay et Romain Duris dans le film « Eiffel ». Yvo Mulleur dénonce : « Une femme majeure sur 2 à plus de 50 ans et au cinéma, c’est seulement 8% des rôles. De même, les hommes ont un gain de salaire de + 12% lorsqu’il passe les 50 ans. Les femmes, à l’inverse, perdent 8%. Il y a une invisibilisation de la femme de plus de 50 ans alors qu’elles sont tout autour de nous dans la société. C’était un désir très fort de notifier ce problème ». Et de Lauriane Escaffre de défendre : « C’est un âge où l’on est au sommet de tout ce qu’il y a de mieux. On est riche de toutes nos expériences passées, on est débarrassé de la préoccupation et l’interrogation de la maternité, on est en pleine possession de son pouvoir, pleine d’énergie. C’est un très bel âge pour les femmes comme pour les hommes d’ailleurs. Il n’y a aucune raison d’exclure cette catégorie et cet âge-là. C’était un désir politique aussi, pourrait-on dire, de raconter une histoire d’amour avec des héros qui ont plus de quarante ans ».

« Les beaux-arts nous permettaient de venir bousculer le personnage de Maria » – Lauriane Escaffre.

Le milieu des Beaux-Arts n’a donc pas été choisi au hasard. Cet environnement où rien n’est impossible, fait exploser les certitudes de Maria sur sa façon de vivre, d’envisager sa féminité et sa sexualité. Une remise en cause profonde à laquelle le spectateur peut également s’identifier : « Les beaux-arts nous permettaient de venir bousculer le personnage de Maria. […] Contrairement, à une école scientifique, où l’on vous demande de reproduire ce qui a déjà été trouvé précédemment, Les Beaux-Arts sont une école où l’on demande d’oser, d’expérimenter, de vous tromper. C’était intéressant pour nous de placer notre personnage là-dedans, qu’il ait cette liberté-là. La liberté d’oser, de se tromper. Et si ça ne fonctionne pas, ce n’est pas grave ».

Des comiques de situation

Ce qui interpelle dans Maria Rêve, c’est le traitement et le rapport à la comédie. L’humour est très calme, très posé, lancinant même. Les « vannes » sont envoyées sans gesticulation à outrance, préférant faire couler l’humour de façon naturelle et candide, au travers des comiques de situation efficaces et hilarants, bien loin des comédies habituelles criantes : « En tant que spectateur, je n’aime pas qu’on m’indique qu’à ce moment-là, la scène va être drôle. En tant que réalisateur, nous voulions qu’il n’y ait pas une volonté de faire rire à tout prix, à telle vanne ou telle situation. Si à un moment vous riez, tant mieux, mais ce n’est pas une obligation. C’est peut-être pour ça que vous avez eu ce ressenti d’un humour plus calme, plus posé… […] On est d’ailleurs plus friand de comédie de situation » déclare le réalisateur.

Grégory Gadebois, la tendresse de l’émotion

« L’amour, c’est pas mal. Le corps, on fait ce qu’on peut » – Grégory Gadebois.

Grégory Gadebois avait déjà travaillé avec Lauriane Escaffre et Yvo Muller. Le comédien avait participé au court-métrage « Pile Poil ». Aujourd’hui, le trio se reforme avec Maria Rêve : « J’adore leur univers, leur manière d’écrire. J’aime la bienveillance qui se dégage des personnages, leur positivité. Vous parliez d’humour, j’aime beaucoup les situations que nos personnages vivent dans le film, certaines séquences sont vraiment très drôles. Et puis, il y a effectivement ce choix de rire ou de ne pas rire. C’est agréable et confortable à jouer et à regarder. Tout ceci m’a convaincu de les rejoindre sur ce projet » explique Grégory Gadebois.
Dans Maria Rêve, il y incarne Hubert, le concierge de l’École des Beaux-Arts. Un rêveur qui enfouit ses propres désirs dans les placards de son bureau mais essaie inlassablement d’avoir le même déhanché qu’Elvis Presley. Hubert, c’est la force tranquille. Un homme d’une extrême sensibilité, qui ne s’autorise jamais à voir au-delà des murs des Beaux-Arts. Un homme qui, au même rythme que Maria, s’ouvre et s’autorise à l’amour. Alors, Grégory Gadebois touche. Émeut. Et, comme toujours, ce dernier excelle dans les comédies romantiques. Il se dégage de lui une tendresse poignante et une maladresse des sentiments attendrissante. Dans sa filmographie, on remarque par ailleurs cet amour pour les personnages solitaires, repliés sur eux-mêmes, qui finissent par éclore au contact des femmes. C’était le cas pour « Délicieux » d’Eric Besnard, c’est le cas ici aussi avec « Maria Rêve ». Des héros tragiques que Grégory Gadebois aime :

« Je n’avais jamais analysé ça de cette manière. Cependant, il est vrai qu’on peut proposer souvent ce type de rôles. Mais j’aime incarner ces personnages, oui. Ça me rappelle une anecdote avec le réalisateur François Dupeyron. Il avait du mal à résumer ses films lorsqu’il allait à des rendez-vous présenter ses projets. Un jour, il arrive vers moi tout content en me disant qu’il avait enfin réussi à résumer : « C’est un gars, au début, il ne va pas bien et, après, il va mieux » (rire). C’est toujours bien d’aller vers le positif ». Et lorsqu’on lui demande quel est son rapport avec l’amour et au corps, il répond en humour : « L’amour, c’est pas mal. Le corps, on fait ce qu’on peut ».

Karin Viard et Grégory Gadebois, un duo merveilleux

« C’est toujours intéressant d’avoir des personnages qui n’arrivent pas à exprimer ce qu’ils ont en eux » – Lauriane Escaffre.

Maria Rêve est avant tout une comédie romantique. Une histoire d’amour entre deux êtres imparfaits, timides et réservés, que l’amour réunit par la force d’un hasard fabuleux. Ces deux héros du quotidien nous bouleversent. Ils représentent tout ce qu’il y a de plus beau dans l’humanité : la peur d’aimer et de se perdre, la fragilité d’un échange, la pureté d’un regard. Il se compose devant nos yeux, une idylle tendre et attachante que Lauriane Escaffre et Yvo Muller traite e en toute simplicité, en toute authenticité : « Nous avons construit les personnages autour de nos envies. Nous avions envie de délicatesse, de bienveillance, de pudeur. C’est toujours intéressant d’avoir des personnages qui n’arrivent pas à exprimer ce qu’ils ont en eux, qui cachent tout et où tout transparaît dans leur regard et leur façon d’agir malgré-eux » ajoute Yvo Muller. Maria Rêve, c’est tout simplement la vie. Une rencontre impromptue qui va chambouler la vie de deux étrangers.

Pour cette histoire d’amour pure et enchanteresse, Lauriane Escaffre et Yvo Muller ont choisi deux comédiens d’exception, Karin Viard et Gregory Gadebois. Un duo perturbant et émouvant construits sur la base d’un désir commun : « Grégory, c’était l’évidence. Puis, on s’est demandé avec qui nous aimerions le voir à l’écran. Nous avons hésité à proposer le rôle à Karin Viard car elle avait déjà joué une femme de ménage dans un film de Cédric Klapish, « Ma part du gâteau ». Elle a lu le scénario, elle a aimé et nous a aussi dit oui pour pouvoir jouer avec Grégory Gadebois car ils n’avaient jamais partagé l’écran ensemble. Elle était très heureuse de ce duo et du projet » confie la réalisatrice.

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