ADDICT : UN VOISIN QUI VOUS VEUT DU BIEN ? (INTERVIEW AVEC SAGAMORE STEVENIN ET LUCIE VAGENHEIM)

Le 27 octobre, TF1 diffusera sa nouvelle série en six épisodes, Addict. Sagamore Stevenin y incarne le rôle d’un voisin bien sur tout rapport qui va bouleverser la vie de la famille Marsais et, notamment, celle de la jeune Chloé, interprétée par Lucie Vagenheim.
Dans cet entretien, les deux acteurs reviennent sur la préparation de leurs rôles et le tournage de cette nouvelle fiction haletante et poignante.

Synopsis :
Élodie et Yvan s’installent pour la première fois dans une maison avec un jardin, au sein d’un nouveau quartier. C’est une étape importante, censée donner un nouveau souffle à leur couple et un meilleur équilibre à leurs ados : Achille, un garçon surdoué et Chloé, une fille plus fragile. Heureusement il y a Bruno, le voisin sympa et prévenant avec chacun des membres de la famille. Une vraie bonne surprise. Mais peu à peu Bruno révèle sa face sombre. Son intimité grandissante avec Élodie et Chloé cacherait-elle une volonté de contrôler cette famille, voire la détruire ? Le jour où Élodie entame une relation passionnée avec Bruno, elle ne sait pas qu’elle a mis le doigt dans un engrenage infernal, dont personne ne sortira indemne.

Qu’est-ce qui vous a convaincu l’un et l’autre d’accepter vos rôles respectifs dans la série « Addict » ?
Sagamore Stevenin : Ce n’est pas tous les jours qu’on a la chance de pouvoir incarner un salopard pareil. Ça m’a beaucoup excité et c’est une des chances de notre métier, il nous permet d’avoir un soupape de décompression, de sortir tout ce que nous avons en nous, de cacher bien profondément, et qui ne sont parfois pas très belles. La seule différence, c’est qu’en étant comédien, nous sommes payés pour. C’est jouissif et même sain.

Lucie Vagenheim : Pour ma part, j’ai eu le rôle par casting. Je suis d’ailleurs arrivée au casting avec le pied cassé et une attelle. Je partais mal (rire). La dernière semaine du tournage de « La Faute à Rousseau », je me suis fracturée le pied. C’est durant cette même semaine que j’ai passé les essais pour « Addict ». Nous avons fait les essais sur deux scènes, particulièrement difficiles. Quelques jours plus tard, alors que je faisais le ménage chez moi, je reçois un texto de Didier Le Pêcheur me signifiant qu’il me confiait le rôle et qu’il avait hâte de me rencontrer. Je suis tombée sur mon lit, folle de joie. Ce qui me plaît chez Chloé, c’est toute sa complexité. Chloé est la petite dernière de la famille Marsais, une fille adoptive. C’est une adolescente passionnée de chant et de musique et qui est très vive et intelligente. Mais elle traverse une crise existentielle, se questionne sur ses origines et cela la fait beaucoup souffrir. Elle cherche sa place dans le monde, dans sa famille, dans ce qu’elle veut faire dans la vie. Elle se sent perdue et surtout dans ce village paumé du Sud de la France. Sa manière de l’exprimer, c’est de se rebeller, de jouer les adolescentes chieuses. Néanmoins, sous ses airs, c’est une grande sensible.

« Mais plus que les mots, ce qui m’intéressait, c’étaient de trouver des silences » – Sagamore Stevenin.

De quelle manière avez-vous travaillé le personnage de Bruno, sa démarche, sa gestuelle et sa diction pour le rendre à la fois séducteur et manipulateur ?

En lisant, je me disais que les personnes étant dans le contrôle total comme ce personnage, qui avaient un rapport à leur image de cette façon-là, devaient être extrêmement aiguisées. Aiguisées physiquement, j’entends. J’ai perdu 8kg pour le rôle. Lorsqu’on est très sec, on est « pointe de pieds », c’est-à-dire qu’on a une façon de se déplacer, de bouger, de regarder les gens qui n’est pas la même. Je trouvais que ça correspondait à ce personnage qui est dans un contrôle permanent et très lié à son image. Son image est le vecteur de son pouvoir par rapport aux autres. Ensuite, naturellement, cette manière de se mouvoir impacte votre façon de vous exprimer, le ton que vous employez.

Image : Sagamore Stevenin (Bruno) et Medi Sadoun
Crédit photo : François Lefebvre / Moragne Production / TF1

Mais plus que les mots, ce qui m’intéressait, c’était de trouver des silences. Malheureusement, nous ne filmons plus les silences à la télévision. On a l’impression que cela ne sert à rien alors que, de mon point de vue, c’est tout le contraire. J’ai essayé de trouver ces moments, où les regards exprimaient une chose et le verbe une autre. C’est déstabilisant.

[…] Je suis d’une école un peu à l’ancienne. J’ai tendance à beaucoup travailler en amont, à me nourrir de plein de choses. Après, je suis comme un marchand. Je propose et les réalisateurs.rices disposent. Je ne suis pas là pour imposer quoi que ce soit mais pour donner à un metteur en scène ma schizophrénie personnelle. Les scénarios, je les lis comme des cartes à jouer, des directions qu’on donne. J’envoie beaucoup de mails la nuit avec des indications auxquelles j’ai pensé, par rapport à une situation, un décor, un lieu. Certains le prennent bien et s’enrichissent de mes propositions, pour d’autres, c’est plus compliqué. Didier l’a bien pris.

Vous êtes-vous appuyé sur de faits réels, des personnes existantes pour inspirer, composer votre jeu ?
Je ne fais jamais ce genre de choses. Je pense que l’être humain est suffisamment riche, intérieurement. Lorsque je vais incarner des personnages aussi complexes, je vais aller chercher au fond de mon être, dans mes vagabondages, pour leur recréer une réalité. Au moment où je parviens à fabriquer au personnage sa réalité, je ne fais plus la différence. Je suis peut-être schizophrène dans la vie, c’est pour ça que j’ai choisi ce métier, mais je me dédouble assez vite. Ce n’est plus une réalité que j’ai inventée, ce personnage existe. Et, désormais, il est rangé au fond de moi, dans un placard, comme Falco ou Michel Vaillant. Ils existent.

Qu’est-ce qui fait que vous allez dire « oui » ou « non » à un personnage ou à un scénario ?
Quand je lis un scénario, la lumière s’éteint et un film démarre. Il y a un voyage qui commence. Est-ce que ce film va me plaire ou non ? Je ne me focus pas sur le personnage. Je lis une fresque. Cependant, mes scénarios sont souvent gribouillés car je note tout : des couleurs, des odeurs, mes impressions, etc… La première lecture est la plus importante de toute l’aventure du tournage. C’est là où nous sommes vierges de tout. Ce sont des couleurs, des atmosphères que nous ne retrouverons plus par la suite en travaillant, en décortiquant… La deuxième étape, je me pose la question de savoir ce que je peux apporter au personnage. Il m’est déjà arrivé de refuser un rôle et de proposer un autre acteur. Parce qu’un bon film ou une bonne série, c’est avant tout la bonne personne, au bon endroit. Ensuite, si j’estime que ça m’excite ou que je peux apporter quelque chose de différent, là, je laisse ma boîte à rêve s’enclencher et me parler.

« C’est mon côté enfantin vis-à-vis de ce métier, j’ai besoin de m’amuser, de croire à ce que je fais, à ce que je dis » – Sagamore Stevenin.

Est-ce qu’on appréhende de jouer un personnage comme Bruno, par rapport à la question de la crédibilité ?
Je n’ai pas d’appréhensions par rapport à ça. Non pas parce que je me sens meilleur acteur qu’un autre mais je ne sais pas faire semblant. Comme je ne sais pas faire deux fois la même prise. Ça m’ennuie. C’est mon côté enfantin vis-à-vis de ce métier, j’ai besoin de m’amuser, de croire à ce que je fais, à ce que je dis. Donc, c’est davantage une crédibilité de moi par rapport à moi. Je mets plus d’énergie à me dire que j’ai le droit de le faire, que j’ai le droit d’incarner ces personnages, que je travaille dur pour ça et que j’ai gagné le droit de faire des choses. C’est le syndrome de l’imposteur.
Sur l’intensité, j’ai la sensation que ce sont des choses qui ne dépendent pas de moi, mais qui émanent de moi. […] Comme acteur, nous sommes parfois décalés. Qu’on le veuille ou non. C’est ce qu’on dégage et ça ne dépend pas toujours de nous. C’est la manière dont la caméra nous capte et ce qu’on dégage lorsqu’on rentre dans le cadre.

« J’ai du voir à travers ses yeux, avec une certaine naïveté, réapprendre la sensibilité à fleur de peau que l’on a à cet âge-là » – Lucie Vagenheim.

Et vous Lucie, de quelle façon vous êtes-vous glissée dans la peau de Chloé ?
Lucie Vagenheim : J’essaie de me mettre dans la tête de mon personnage. Ce qui n’est pas évident lorsqu’on doit retourner dans la tête d’une adolescente de 15 ans. Quand je me suis réellement plongée dans le travail d’interprétation, je me suis demandée comment Chloé ne voyait pas qu’elle se faisait manipuler. Mais nous devons justement se mettre à place d’une adolescente qui ne connaît rien aux techniques de la manipulation. D’autant que Chloé a toujours été protégée par le cocon familial. J’ai du voir à travers ses yeux, avec une certaine naïveté, réapprendre la sensibilité à fleur de peau que l’on a à cet âge-là où l’on se permet d’hurler sur ses parents, de faire des grosses bêtises. C’est un lâcher prise. Car Chloé a vécu une adolescence que je n’ai pas eu. Je n’ai jamais fait de fugue, répondu à mes parents, etc… J’ai vécu ça à fond. C’était libérateur, j’en ai profité (rire).

C’est la première fois que vous tournez ensemble. Comment s’est déroulé votre collaboration ?

Sagamore Stevenin : J’ai ce côté un peu grand-frère, très protecteur. J’essaie toujours de faire attention aux personnes plus jeunes sur les tournages car c’est toujours un endroit compliqué. Mais Lucie m’a bluffé. Elle a une fraîcheur, une puissance dans ce qu’elle fait. J’étais à la fois un peu déstabilisé, autant tout ce qui est rapport manichéen, séduction, manipulation, avec des gens de nôtre âge, on le gère naturellement et facilement, autant, ce que je n’avais pas anticipé avant de la rencontrer, c’était son regard sur moi. Mon personnage crée la distance, en joue, j’allume le feu dans son cœur. Les premières fois où nous avons joué ensemble, elle devait parfois être aguicheuse et je ne m’étais pas attendu à ça. Ce fut d’ailleurs des blagues entre nous (rire).

Je devais garder un certain contrôle, je parle du personnage, puisque dans l’histoire c’est moi qui doit mener la danse. Ça a donné lieu à des arrangements, modifications, improvisations. Il y a une scène notamment où je suis au téléphone et où je fais semblant de m’adresser au personnage de Cécile alors que je m’adresse à Lucie. C’est une séquence que j’ai beaucoup retravaillée avec Didier le Pêcheur sur l’écriture des dialogues, pour que la seule confession possible de ce personnage ne se fasse pas à la femme qu’il aime mais à cet enfant qui éclot. Comme une sorte de transfert de sa propre histoire à lui. […] Pour le tournage de cette séquence, j’ai été très protecteur vis-à-vis d’elle.

Lucie Vagenheim : Pour la première fois, Chloé a l’impression d’être vue. Bruno la considère, l’écoute et elle se sent importante. À 15 ans, on ne connaît pas les mécanismes de l’emprise ou de la manipulation. Elle n’a pas idée que cette relation puisse être toxique pour elle et pas du tout légale. Chloé pense vivre une histoire d’amour complètement délirante, avec ce bel homme, qui va la sortir de sa routine, de son train train familial, et lui permettre de vivre ses rêves. Et ce qui commence par un crush un peu innocent va devenir une sorte d’obsession pour Chloé car c’est son seul encrage et sa seule façon de se sortir de tout ça. […] Sagamore est arrivé tard sur le tournage de la série. Nous, nous tournions déjà depuis environ 6 semaines et nous avions trouvé un équilibre « famille » entre Cécile, Medi, Louis et moi. Et il est arrivé, comme son personnage, comme un trouble fête et devait trouver sa place, son équilibre dans notre famille et nous, comédiens. Sagamore est une personne charismatique. Lucie et Chloé étaient impressionnées et ça a servi mon jeu ainsi que mon personnage. Sagamore est quelqu’un de respectueux. J’ai pris beaucoup de plaisir à tourner avec lui.

Vous partagez aussi l’affiche avec Cécile Bois, Medi Sadoun et vous retrouvez un ancien camarade, Louis Duneton…

Lucie Vagenheim : Cécile c’est mon grand coup de cœur du tournage. Elle a vu que c’était mes débuts, mes premiers pas et elle m’a laissé beaucoup de place. J’ai trouvé cela très touchant parce que nous avons des scènes vraiment difficiles, jusqu’à la déchirure, et qui demandent une charge émotionnelle forte. Elle n’hésitait jamais à me ménager. C’est une femme très protectrice aussi, très maternelle et à l’écoute. Elle a toujours un sourire immense lorsqu’elle arrive sur le plateau. Medi c’est un rigolo, il met de la bonne humeur partout. Le matin, il arrive, et met la musique à fond alors que nous nous sommes réveillés à 6h. Il a tourné dans plein de films et, pourtant, nous avions tous une part égale.

Image : La famille Marsais – De gauche à droite : Louis Duneton (Achille), Lucie Vagenheim (Chloé), Cécile Bois (Elodie) et Medi Sadoun (Yvan).
Crédit photo : François Lefebvre / Moragne Production / TF1

J’ai adoré retrouver Louis, également. Nous avions tourné ensemble dans « La faute à Rousseau » et notre lien d’amitié s’est renforcé. Nous avons même construit un lien presque fraternel puisque sur le plateau nous nous embêtions mutuellement, nous nous cherchions des poux (rire). Nous dînions ensemble, etc…

« Je n’ai pas peur de m’enfermer dans un type de rôle parce que je ne joue pas des chanteuses » – Lucie Vagenheim.

Vous chantez la bande-originale de la série « Addict », c’est important pour vous d’avoir des rôles où vous pouvez à la fois jouer la comédie et chanter, votre passion première ?
Lucie Vagenheim : Il est vrai que j’ai débuté une carrière de comédienne il y a seulement un an et, sur les trois rôles que j’ai interprétés, mes personnages chantent ou font de la musique. C’est une jolie coïncidence ou simplement que les réalisateurs me choisissent parce que je chante. En tout cas, c’est important pour moi et une chance d’avoir l’occasion de mêler les deux choses que j’aime le plus au monde : jouer la comédie et chanter. En revanche, l’inverse n’est pas vrai. Je ne refuserai jamais un rôle où je ne chante pas. […] Je n’ai pas peur de m’enfermer dans un type de rôle parce que je ne joue pas des chanteuses. Dans « La Faute à Rousseau », Morgane était pianiste et fredonnait juste une chanson à la fin de l’épisode et, Chloé, est avant tout une adolescente avec des problèmes même s’il s’avère que sa passion c’est le chant. Mais elle ne chante pas à tous les épisodes.

Peux-vous nous parler des deux chansons de la série ?
Lucie Vagenheim : C’est Jean-Pierre Taïeb qui est le compositeur de la musique à l’image et qui a écrit et composé les chansons de Chloé. Nous avons eu des discussions sur le texte. Il avait écrit une première version et il m’avait demandé ce que j’en pensais. Il y avait des mots qu’il avait utilisé et qui était trop adulte pour mon personnage. Nous avons échangé autour de ça car Chloé, comme tous les jeunes, utilise le verlan, par exemple. J’ai enregistré les musiques un samedi, sur une session de 3 heures. La première chanson s’appelle « Lost in the universe », elle pose la problématique de Chloé, quelle est sa place ? Et la seconde chanson porte un message d’espoir. Elle se permet plus de groove dans la mélodie. Mais les deux chansons parlent d’amour car c’est ce qui obsède Chloé dans la série.

Addict, dès le 27 octobre sur TF1.

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