CUISINE INTERNE : ENTRETIEN AVEC ANNABELLE LENGRONNE + MA CRITIQUE

Ce 13 novembre, la chaîne 13ème rue (comme par hasard!) dévoilera sa nouvelle création originale : Cuisine Interne. L’interprète de la cheffe cuisinière Adriana, Annabelle Lengronne, était au Festival de la Fiction de La Rochelle en septembre dernier pour présenter la série au public rochelais, accompagnée par toute l’équipe de « Cuisine Interne ». À mon micro, elle est revenue sur sa première « vraie » expérience télévisée.

Synopsis :
Adriana, une jeune cheffe franco-sénégalaise inspirée et ambitieuse, rêve d’étoiles au Michelin. Jusqu’au jour où elle se retrouve associée malgré elle à Jeff et Angèle Rubens, un frère et une sœur qui dirigent un cercle de jeu clandestin. Ayant fait main basse sur le restaurant, ils perçoivent le potentiel du lieu et du talent d’Adriana et créent dans l’arrière-salle une partie de poker qui devient vite mythique. Le restaurant devient alors l’épicentre de leur business et de leur empire naissant. Témoin puis complice involontaire des activités criminelles de ses nouveaux associés, Adriana lutte par tous les moyens pour reprendre le contrôle de sa vie et de son restaurant, le Balalst.

« J’aime la pugnacité d’Adriana, son inventivité et son côté sombre, qu’elle découvre au début de la série et dont elle va se servir pour s’en sortir ».

Cuisine interne : la diversité au cœur du projet

Depuis quelques années maintenant, la chaîne 13ème rue s’évertue à mettre en avant la diversité au sein de productions originales ambitieuses et audacieuses. Avec « Cuisine Interne », 13ème rue réaffirme cette ambition sur un projet qui date pourtant d’une dizaine d’années. Le monde change et, comme l’explique l’actrice Annabelle Lengronne, la société est enfin prête à accepter un personnage tel qu’Adriana : « À l’époque, l’idée d’une cheffe noire n’a pas séduit les chaînes. En ce moment, ce qui se passe est extraordinaire. Il n’y a jamais eu autant de rôles pour les personnes non-blanches mais aussi pour les femmes. Je suis ravie de voir qu’on compte davantage sur le talent des gens et non sur la couleur de peau ou le genre. Il faudrait que ça reste ainsi. C’est une très belle époque. […] Ce rôle qu’on m’a offert est un des plus beaux que j’ai reçu. C’est une chance extraordinaire qu’on ait voulu que j’interprète le rôle d’Adriana. J’étais le premier choix et c’est un honneur ».

Un enthousiasme que l’on ressent même lorsqu’elle parle du rôle d’Adriana, cette cheffe qui va se retrouver prisonnière d’une histoire entre mafieux, emmenée notamment par un frère et sa sœur : les Rubens. Mais au-delà de l’intrigue, Annabelle Lengronne a été charmée par tout autre chose : « Pour moi, jouer une femme passionnée par son métier et qui s’en sort par son seul professionnalisme et son intelligence, sans renvoyer à cette image de la personne noire qui vient de la banlieue ou du continent africain, c’est ça qui m’a séduite en tout premier. J’aime la pugnacité, son inventivité et son côté sombre, qu’elle découvre au début de la série et dont elle va se servir pour s’en sortir. C’est une femme badass. De ce fait, c’était encore plus excitant à jouer ».

Image : Annabelle Lengronne est Adriana.
Crédit photo : Scriptoclap

Un premier rôle pour le petit écran

« J’ai eu aussi des cours privés avec la cheffe Anto, qui a d’ailleurs élaboré la plupart des plats dans la série ».

Annabelle Lengronne a débuté sa carrière en 2011 à la télévision, dans un petit rôle pour la série « Xanadu », un drame érotique de Séverine Bosschem diffusé sur Arte. C’est aussi à la même période qu’elle fait ses premiers pas au cinéma avec la comédie « Les Mythos » de Denis Thybaud. Très vite, elle enchaîne d’autres participations pour des séries télévisées très populaires telles que « Fais pas ci, fais pas ça » (saison 4) d’Anne Giafferi et Thierry Bizot ou encore « Engrenages » (saison 6, épisodes 2, 3 et 9) d’Alexandra Clert. Ce n’est que 11 ans plus tard qu’elle décroche enfin le premier rôle pour une fiction française et c’est 13 rue qui le lui offre. Un rôle qu’elle a préparé assidûment : « Il faut travailler le personnage et la manière dont il évolue en amont afin de pouvoir être précis, à chaque jour de tournage. […] D’ailleurs, avec les autres comédiens et comédiennes, nous avons fait beaucoup de répétitions ensemble avant de démarrer le tournage, car nous avions énormément de textes et de situations à travailler. Le groupe est formidable. Nous devions réaliser un 6×52 en très peu de temps, nous devions donc être unis. Et ce fut le cas ». Mais il n’y avait pas que le rôle à préparer. Pour Annabelle Lengronne, il s’agissait aussi d’appréhender les technicités d’un vrai cuisinier, afin d’être la plus crédible possible en tant que cheffe d’un grand restaurant :

« Il y a un jargon de la cuisine et des gestes. La production nous a alors demandé, avec les autres acteurs, de rejoindre une école hôtelière à Paris. J’ai eu aussi des cours privés avec la cheffe Anto, qui a d’ailleurs élaboré la plupart des plats dans la série. C’était indispensable pour moi, afin que l’on croit à ce personnage et son professionnalisme. Effectivement, pour certaines actions, il y avait des doublures mains. C’est une question de sécurité. […] C’est la première fois que je plongeais dans l’univers de la cuisine. En ça, le métier d’acteur est passionnant. Il nous permet d’apprendre un métier, entre guillemets, en accéléré. Même si on cuisine chez soi, ils ont, eux, une précision et un côté hiérarchique, presque militaire, que je ne connaissais pas, que j’ai découvert ».

AVIS

Un thriller au sein d’une cuisine gastronomique, il fallait oser ! Mais comme tous les bons chefs qui se respectent, oser des mélanges inédits est toujours le signe d’un succès gustatif. Il était alors évident que confronter le monde de la cuisine et le monde de la mafia allait provoquer une explosion de saveurs !
Visuellement déjà, « Cuisine Interne » se distingue par une réalisation et une mise en scène raffinées, saupoudrées de moments glaçants, violents et effroyables. Un cocktail faussement distingué où, pour cacher des cadavres, on en fait des petits plats à emporter. Oui, c’est sanglant, mais c’est ce qui rend « Cuisine Interne » pertinent dans ses propositions scénaristico-culinaires, dans son dressage, où se dévoile en sous-couche un équilibre parfait entre drame intimiste et comédie. Mais attention, ne nous y trompez pas, l’humour n’est pas omniprésent et ne vient pas dédramatiser une situation à la Marvel. La comédie survient par petite touche, tout en subtilité, apporte simplement une dose de légèreté pour des instants de répits.

C’est d’ailleurs le personnage de Malyka Johany, Stella (la sœur d’Adriana), qui porte la comédie. Elle amène cette fraîcheur nécessaire au show et, son sourire apaisant, finit par nous convaincre que tout ira bien. Hélas ! Hélas, car la série est sombre. « Cuisine Interne » reste un thriller, avec ses codes, sa fureur et ses désespoirs. Et, à mesure que les drames et les corps s’entassent, la lumière faiblit. La noirceur du récit et l’atmosphère sinistre de « Cuisine Interne » maintiennent alors les personnages dans une anxiété et une tension permanentes. Depuis l’arrivée des Rubens dans sa vie, Adriana ne connaît pas le repos. Le stress de l’ouverture de son restaurant accumulé au chantage des Rubens et des autres mafieux qui franchissent les portes du « Balalst », la forcent à d’autant plus se surpasser.

C’est là tout le pouvoir de « Cuisine Interne », essouffler le spectateur, l’enfermer, lui aussi, dans cette cuisine devenue un lieu écrasant, sans aucun espoir, ni échappatoire.

La série bouscule. À la fois nos certitudes mais également nos incertitudes. Car les scénaristes parviennent à rendre les enjeux des antagonistes flous, à réduire la frontière entre le bien et le mal. D’ailleurs, les méchants le sont-ils réellement ? Un atout scénaristique que les auteurs prennent un malin plaisir à mettre en avant pour brouiller les pistes d’un thriller déjà bien élaboré et psychologiquement éreintant.
Émotionnellement, nous ne sommes pas en reste. Entre les histoires de famille, les histoires d’amour et les relations fraternelles et/ou amicales, « Cuisine Interne » fait voler en éclats les rapports humains pour continuer de briser les personnages, créer de nouveaux obstacles et, en parallèle, dénoncer des comportements, des attitudes (cf. les violences faites aux femmes).

Adriana, une héroïne moderne

Adriana est la somme de toutes ses peurs, tous ses doutes, tous ses rêves. Adriana est une héroïne qui se bat, sans relâche. Contre le système, contre une société patriarcale et désormais, des criminels. Sa lutte n’en est alors que plus belle, sa renaissance sublime. Une héroïne moderne avec ses failles et ses forces, auxquelles on peut aisément s’identifier. Pour composer la complexité du personnage d’Adriana, sa psychologie, Annabelle Lengronne y prête volontiers sa fragilité, sa puissance et sa rage ainsi que toute la beauté de son humanité. Elle touche par sa justesse d’interprétation, émeut par ses regards angoissés, féroces, captive par son déterminisme et sa volonté sans faille à dominer ses drames et les horreurs qu’elle voit, pour enfin réaliser son rêve et ce, quoi qu’il en coûte. Une soif de vaincre qui ne laisse pas indifférent.

Conclusion

Série appétissante, « Cuisine Interne » se déguste comme un bon vin. Avec « Cuisine Interne » 13ème rue s’offre une nouvelle série thriller de qualité, à laquelle nous attribuerions sans conteste une 3ème étoile au guide Michelin. Un plat audacieux, percutant en bouche, assortie de superbes comédiens et comédiennes : Mely Bourjac, Lucas Englander, Vincent Heneine et Bastien Bernini, qui viennent relever le goût.

« Cuisine Interne » dès le 13 novembre sur 13ème rue.

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