AVALONIA, L’ÉTRANGE VOYAGE : LA CONFÉRENCE DE PRESSE AVEC LE PRODUCTEUR ROY CONLI ET LES RÉALISATEURS QUI NGUYEN ET DON HALL

À l’occasion de la sortie ce 23 décembre du nouveau film d’animation Disney, Avalonia, L’Étrange Voyage, certains journalistes français ont pu assister à une conférence de presse virtuel avec les réalisateurs Qui Nguyen et Don Hall ainsi que le producteur Roy Conli afin d’échanger notamment autour de la création d’Avalonia, de Strange World, des monstres et des personnages. En voici les temps forts.

Qu’est-ce qui a déclenché le lancement de ce projet ?
Don Hall : En 2017, je venais de terminer Moana et je réfléchissais à ce que j’allais faire après, mais tout ce à quoi je pensais était mes enfants. J’ai deux fils et j’imaginais quel monde j’allais leur laisser en comparaison au monde que j’ai hérité de mon père, qui était fermier. Je voulais donc réaliser un film sur l’environnement. Et émotionnellement, comme je pensais à mes enfants et à mon père, j’ai eu l’idée d’une histoire sur trois générations. Puis, j’adore les histoires d’aventure, en particulier celles où un groupe d’aventuriers tombe sur un monde fantastique avec des créatures, un peu à la façon de Conan Doyle et Jules Vernes ou encore King Kong. C’était vraiment les idées de base. En 2018, sont venus Qui Nguyen et Roy Conli.

L’animation est vraiment incroyable, en particulier la texture. À quel point était-ce difficile d’atteindre ce niveau de texture et quelle a été la chose la plus compliquée à laquelle donner vie ?
Don Hall : En ce qui concerne les textures, il y en a tellement :
– Les humains dont il fallait que les cheveux ressemblent à des cheveux ou encore les vêtements des Avaloniens dont on ne voulait pas qu’ils soient trop modernes. On s’est inspiré des montagnes comme l’Himalaya et les Alpes. Il y a aussi Strange World et ses créatures qui ont toutes des textures différentes. C’était un sacré défi, mais la scène certainement la plus difficile techniquement était la course-poursuite où les personnages courent sur des choses volantes. C’était l’une des premières scènes produites et la dernière à être terminée, et nous en sommes tous vraiment fiers.

« Les personnages ont cette apparence typique des BD françaises et belges » – Qui Nguyen.

Pouvez-vous nous parler des différents styles d’animation ? On remarque des références aux magazines pop du début du 20ème siècle, d’où est-ce que cela vous est venu ?
Qui Nguyen : C’est venu comme ça. Don et moi étions fan du film Raya : The Last Dragon dont le but premier était le réalisme avec des arbres qui ressemblent à des arbres, etc. C’est pour ça que les personnages ont cette apparence typique des BD françaises et belges. Nous avons travaillé avec les animateurs pour essayer de conserver la mouvance des personnages en 2D. […] Don a réussi à créer une sorte d’aire de jeu sur laquelle nous avons pu jouer, que ce soit par le story-board, les dessins ou même la musique. Il arrivait souvent en disant « Hey j’ai une idée / hey on peut essayer quelque chose ? » et je pense que c’est ce qui a plu à tout le monde.

J’aimerais revenir sur ce qu’a dit Qui, ces références pour le public français et belge. Est-ce que vous pourriez être plus spécifiques sur celles-ci ?
Don Hall : Ce qui est génial, c’est qu’il y a même des références aux animés mélangées aux styles d’animation du début des années 50. L’une des choses magnifiques avec l’animation CG de Disney est cette forme de « dessin fait à la main » des débuts de l’animation. On peut dire que c’est une sorte de conglomérat de styles d’animation, que ce soit animés, BD françaises/belges, des comics, etc.

Roy Conli : Et si l’on veut être spécifique, en regardant les détails des visages des personnages, on remarque que la forme de leur visage est plutôt ronde, ce qui donne un aspect plus attrayant. Nous avons essayé de transcrire ça sur tous les personnages et par extension au monde tout entier. Tout est plutôt rond, organique et j’espère attrayant.

Sur la création des personnages, de leur physique. Par exemple, Jeager est imposant par rapport à Searcher et Ethan. Tout cela doit aussi avoir lieu au début, je présume ?
Don Hall : Oui, on a beaucoup joué avec les contrastes et c’est vraiment flagrant lorsque les personnages sont ensembles/alignés, par exemple dans cette séquence où Jaeger tient une bouteille de bière avec sa main gigantesque, on la voit à peine ! Il fallait donc faire des ajustements sur certaines prises pour pas que cela semble trop ridicule.

Don, à propos de l’apparence des personnages et de votre inspiration des BD françaises/belges, pouvez-vous nous en dire plus à propos des visages et des yeux en particulier ? Ils sont différents de ce qu’on a déjà pu voir auparavant.

Don Hall : Je vais essayer de rester général, mais en ce qui concerne les détails du visage, les nez sont relativement gros ; les yeux ovales sont assez communs dans les BD franco-belges et ça nous a donné envie d’essayer. Ce n’est pas une forme que l’on fait fréquemment, cela se faisait beaucoup dans les années 40, mais pas en CG, ça n’a jamais été fait auparavant. Tout le monde avait juste hâte de se plonger là-dedans, tout le monde adore expérimenter de nouvelles choses. J’ai demandé à Amy et Justin, les chefs du département d’animation « nous aurons une expression générale, mais arriverons-nous à avoir une certaine subtilité ? » car ce film aura à la fois des plans larges et des gros plans sur les personnages, comme celle où Jeager et Searcher partagent une bière.

Il y a beaucoup d’éléments épatants qui composent vos créatures, avez-vous utilisé de nouvelles technologies d’animation qui vous ont permis d’explorer un peu plus les styles d’animation ?
Roy Conli : Ce qui est vraiment intéressant selon moi, c’est que depuis certains films précédents comme Les Nouveaux Héros ou Raiponce, nous avions à redesigner les fondations. Ce qui ne fut pas le cas pour celui-là. C’était vraiment de la construction de A à Z, Don a vraiment laissé carte blanche à l’équipe d’effets visuels pour qu’ils explorent, tout comme l’équipe chargée de l’histoire, et créent le monde plus étrange possible. Il s’agissait donc d’éléments techniques que nous avons perfectionnés au cours des dernières décennies qui ont permis la création de ce que vous avez vu à l’écran.

Qui Nguyen : S’il y a eu des progrès, je dirais que c’est sur l’échelle de la collaboration. Contrairement à d’anciens films, à cause de la complexité des personnages qui faisaient partie de l’environnement, toutes les équipes collaboraient : storyboarders, animateurs, mise en scène. C’était une énorme collaboration car chaque élément requiert la participation de nombreux départements. Nous avons dû imaginer un rôle pour superviser cette nouvelle échelle de complexité.

« La couleur est devenue un élément principal du storytelling » – Don Hall.

Quelles ont été les différentes approches artistiques pour différencier les deux mondes ? Aviez-vous des codes, des couleurs ou quelque chose pour les distinguer ?
Don Hall : Avalonia cherche à être le plus naturel possible sur sa présentation, alors que la ville cherche à évoquer la façon dont on imaginait le futur, d’où les nombreux vaisseaux spatiaux, etc. Avalonia est très verte avec des arbres, des fermes. Pour nous, le vert est la couleur d’Avalonia. C’est pourquoi nous avons dû restreindre l’utilisation du vert pour Strange World, de même pour les couleurs terre. Ce n’était pas qu’un défi, c’était pour les différencier et appuyer le contraste. Les deux mondes devaient être opposés. La restriction sur l’usage de ces couleurs a forcé les artistes à utiliser de nouvelles combinaisons de couleurs. Il y a beaucoup de magenta et de violet et des nuances de beige, ce qui apporte un peu de nouveauté en matière de combinaisons de couleurs. Le vert est donc en quelque sorte devenu le symbole des envahisseurs de Strange World. Leur vaisseau est vert, les personnages portent tous une nuance de vert, parce que c’est quelque chose d’étranger à Strange World. Vers la fin du film, quand la santé de Strange World est en péril – en essayant d’éviter les spoilers – nous avons enlevé toutes les couleurs afin de la dé-saturer pour que le public ressente ce qu’est la disparition d’un écosystème. La couleur est devenue un élément principal du storytelling.

Vous avez inventé de nombreuses créatures, en avez-vous une préférée ou bien avez-vous une anecdote amusante à propos de la création de l’une d’elles ?
Qui Nguyen : Celle à laquelle nous pensons tous est Splat qui est en quelque sorte le modèle pour toutes les créatures. C’était le premier a être créé et Don a enlevé son visage. Donc, toutes les créatures devaient se baser sur celle-ci. Mais c’est aussi le personnage le plus complexe car non seulement il n’a plus de visage et il est bleu, mais en plus il a des membres additionnels et se déplace à sa manière. Il y a eu alors des problèmes lorsque Splat était immobile. On ne pouvait pas différencier le devant du derrière et on se demandait « Sommes-nous en train de parler à ses fesses ? / nous sommes en train de parler à ses fesses ».

Don Hall : J’adore les Poot Pickles, on les trouve près du Lac d’Acide et elles aident le vaisseau des aventuriers à naviguer sur ce lac. Je trouve qu’ils sont mignons et amusants. J’adore leur son et le travail de nos ingénieurs du son sur ces petites créatures. C’est l’un des moments les plus bizarre du film, où les personnages principaux ne contrôlent plus rien et où les créatures étranges de ce monde prennent le relai. Je les adore et, qui sait, peut-être que j’aurai l’occasion d’en faire d’autres un jour !

Roy Conil : J’adore le Transportosaure, cette espèce de dinosaure un peu pataud qui transporte les Maboons dont il essaie de se débarrasser à la manière dont un animal se sèche. Les Maboons sont des guérisseurs et j’aime bien la dynamique de ces deux créatures.

Image : Les Transpotosaure de Strange World.

Revenons sur l’histoire, elle parle de la famille, des pères et fils et de leurs liens, pouvez-vous nous en dire plus sur les trois générations de Clade qui sont très différentes mais font ressortir le meilleur d’entre eux.
Don Hall : Je pense que je l’ai exposé à Qui comme « la rencontre entre Indiana Jones et Little Miss Sunshine », ça devait être un film sur une grande aventure mais aussi avec des problèmes familiaux. Nous avons toujours essayé de tout décomposer en trois catégories : Jaeger peut tout faire, tout endurer, il n’a peur de rien, il cherche à conquérir la nature ; Searcher cherche à contrôler la nature puisqu’il est fermier ; et Ethan est le conservateur. Ce sont les principes qui ont guidé notre histoire en termes d’environnement. Et l’histoire spécifique d’Ethan qui est formé aux métiers de la ferme et les attentes familiales qui reposent sur lui proviennent de mon histoire personnelle. Mon père était fermier et j’étais formé à le devenir aussi. Je n’étais pas très doué, le cœur n’y était pas, et j’ai dû avoir cette conversation avec mon père tout comme Ethan dans le film disant : « ce n’est pas pour moi, je veux suivre ma propre voie ».

Qui, y a-t-il quelque chose de votre propre vie que vous avez pu apporter au film ?

Qui Nguyen : je pense que nous pouvons tous les trois nous identifier aux trois personnages. Je pense qu’on ne pourrait pas faire ce que nous faisons sans s’identifier à Jaeger, qui est tourné vers un horizon presque inaccessible : nous voulions travailler pour Disney en tant que storytellers, nous comprenons la notion de sacrifices, de perdre du temps avec sa famille à la poursuite de ses ambitions. De même que les fils qui se disent « nous ne serons jamais comme notre père » et qui finissent inévitablement par refaire la même chose. Je pense que tout le monde a eu à un moment cette conversation avec ses parents « je sais que vous avez des plans pour moi mais je dois trouver ma propre voie ». Donc je pense que nous nous identifions tous à ces trois personnages.

Que pensez-vous de l’évolution du storytelling (narration) de Disney depuis les années 2010 ? En quoi Strange World est-il différent d’anciens films tels que La Planète aux Trésors ou Atlantide ?
Roy Conli : Ça fait un moment que je suis dans le milieu et je pense que c’est juste une évolution de notre storytelling. Nous parlions des trois générations mais je voudrais aussi parler du rôle de la mère dans l’histoire, elle est forte et c’est ce qui est important, c’est le lien entre les trois générations, elle voit à travers eux. En ce qui concerne le storytelling, je trouve qu’il est original mais l’énergie familiale de Disney est très présente, de même que l’humour. Walter Disney a dit lui-même « Pour chaque rire, il doit y une larme », et je pense que vous serez servis.

« C’était important pour nous que les personnages principaux soient les héros de l’histoire mais aussi la source du problème ainsi que la clé pour résoudre ce problème » Qui Nguyen.

L’autre chose intéressante, lorsque l’on regarde l’histoire et remarque l’évolution de Disney, il n’y a pas vraiment de méchant dans votre film. Est-ce que cela a affecté l’écriture du film ?
Qui Nguyen : Je ne sais pas si ça a impacté l’écriture ou si c’est une évolution. Je pense que c’est juste le genre de film que Don, Roy et moi voulions faire, un film sur l’environnement. Nous ne voulions pas d’un méchant qui soit une force extérieure et qui détruise l’environnement car dans la vraie vie, ce qui fait le plus de mal à l’environnement, c’est nous. Nous ne voulions donc pas une représentation qui pourrait nous « dédouaner » de notre impact sur l’environnement. C’était important pour nous que les personnages principaux soient les héros de l’histoire mais aussi la source du problème ainsi que la clé pour résoudre ce problème.

Roy Conli : Du point de vue de la structure littéraire, les trois conflits principaux sont : Homme vs Homme ; Homme vs Nature ; Homme vs Lui-même. Et je pense que ce que nous avons créé contient ces trois éléments. Ce qui est émouvant c’est que les trois générations essaient de se gérer l’une l’autre, mais aussi essaient de gérer l’environnement et leurs propres préjugés. Je trouve ça génial.

Avalonia aborde des sujets très importants comme l’environnement ou la famille. Comment avez-vous travaillé pour trouver un équilibre entre ceux-ci de sorte que l’une ne prenne pas le pas sur l’autre ? C’était difficile ?

Don Hall : C’est toujours compliqué de naviguer entre les différents thèmes d’un film et la façon dont on les exprime. Je pense que nous savions, dès le début, qu’il y aurait un important enchevêtrement d’enjeux et de messages à faire passer. Nous avons essayé de faire en sorte que cela ne soit pas forcé, qu’ils viennent naturellement au fur et à mesure que nous progressions dans l’histoire et que nous étions portés par la dynamique familiale. C’est en quelque sorte notre fil directeur car, comme l’a dit Qui, nous nous identifions personnellement aux personnages et à leurs histoires. Nous voulions presque que l’environnement viennent s’immiscer subtilement au milieu de cette trame familiale.

« Je pense que la beauté de ce film réside dans la conversation qu’aura le public une fois qu’il l’aura vu » – Roy Conli.

Dans le film, la solution au problème provient du personnage le plus jeune, Ethan. Serait-ce une façon pour vous de dire que c’est la jeune génération qui est la plus soucieuse de la nature et qui sera la clé de notre futur ?
Qui Nguyen : Je ne sais pas si nous voulions dire qu’ils sont la clé, mais dans notre réalité, celle dont nous discutions, c’est au sommet de leur préoccupation. Et, en fait, nous avons essayé de faire l’inverse, de faire réaliser à Searcher et Jaeger qu’ils devaient jouer un rôle dans la résolution du problème. Car pour tout arranger, il faudra la participation de tout le monde, tout ne doit pas reposer sur les épaules des plus jeunes, ici Ethan.

Don Hall : Je pense que l’une des choses qui nous a inspirés est le fait que cette jeune génération est active et ose dire les choses, en particulier en ce qui concerne l’environnement. Nous voulions que cela inspire les anciennes générations. Donc, lorsque l’on regarde le climax du film, on voit bien que ce sont les trois générations qui travaillent main dans la main pour régler ces problèmes environnementaux. Plutôt que de mettre le fardeau sur la jeune génération, nous voulions que les anciennes générations soient inspirées par la plus jeune pour déclencher cette coopération.

Roy Conli : Je pense que la beauté de ce film réside dans la conversation qu’aura le public une fois qu’il l’aura vu. Je pense qu’il n’y aurait rien de plus beau que d’avoir trois générations regarder ce film tous ensemble. Ce serait magique.

« Nous avons beaucoup parlé des films de la fin des années 70 début 80 composés par John Williams, qui ont eu une énorme influence, et nous voulions que la musique de notre film reflète ce même héroïsme » – Don Hall.

À présent, en ce qui concerne la réalisation, et plus particulièrement la musique. Comment avez-vous eu l’idée pour la création musicale ?
Don Hall : Notre compositeur, Henry Jackman – c’est mon troisième film avec lui – est un collaborateur génial, j’adore travailler avec lui. Il est super intelligent et passionné par la musique. Lorsqu’il a commencé à regarder les premiers jets du film, il a été très emballé par l’idée de faire une grosse pièce musicale. Il sentait que ce serait un grand film et voulait que la musique soit à la hauteur. Nous avons beaucoup parlé des films de la fin des années 70 début 80 composés par John Williams, qui ont eu une énorme influence, et nous voulions que la musique de notre film reflète ce même héroïsme. Relativement tôt dans le projet, Henry nous a joué plusieurs thèmes alors même que le film était loin d’être fini, mais il a vu ce dont il avait besoin pour composer. Et ces pièces donnaient envie de « jouer à Avalonia » comme je « jouais à Star Wars » étant gamin. Mais c’était aussi très émouvant. Parfois, j’avais la larme à l’œil en écoutant certains morceaux. Dès le début, il semblait capter l’essence de ce que serait ce film et a usé de son génie pour renforcer cela.

Roy Conli : Henry est un conteur, sa musique fait se mouvoir l’histoire – tout comme le fait chaque équipe participant au film – il est brillant.

Qui Nguyen : Ce que j’ai remarqué, c’est que la musique est un moyen à part entière de raconter une histoire, pas juste un outil pour la soutenir. Au début, Henry nous a fait écouter ses morceaux dans la voiture de Don, et maintenant mes enfants écoutent la bande originale du film non-stop.

Avalonia, l’Etrange Voyage, le 23 décembre sur Disney +.

Vous pouvez retrouver ma critique sans spoilers, ici.

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