Crédit photo : © Hassen BRAHITI – FTV
Ce 25 janvier, France 2 diffusera son nouveau téléfilm : L’histoire d’Annette Zelman. Inspiré de faits réels, le film retrace l’histoire d’amour impossible entre Annette Zelman, juive, et Jean, né au sein d’une famille chrétienne, durant la Seconde Guerre Mondiale.
Déchirant, émouvant, L’histoire d’Annette Zelman nous rappelle à quel point des vies ont été brisées pendant ces heures sombres de l’Humanité et à quel point la tolérance, l’altruisme et la bienveillance sont ô combien essentielles dans une société qui tend toujours vers l’individualisme et l’auto-destruction. Si tragique soit-elle, L’histoire d’Annette Zelman est une ode à la vie mais surtout à l’amour, sentiment d’une pureté éternelle, qui dévoile toute sa beauté et expose ses plus beaux combats dans les moments où le chaos règne en maître.
Annette et Jean, symboles d’une révolution constante pour la liberté d’aimer. Portés par deux acteurs de grands talents, Ilona Bachelier et Vassili Schneider (l’acteur a reçu le prix du meilleur espoir masculin au Festival de la Fiction de La Rochelle) transcendent cet amour à l’image par des interprétations justes et terriblement sincères.
Rencontre avec les deux interprètes d’Annette et Jean, Ilona Bachelier et Vassili Schneider, et le réalisateur du téléfilm, Philippe Le Guay.
Synopsis :
Paris en 1942. Annette a 20 ans, Jean est à peine plus âgé, ils s’aiment et l’avenir leur sourit. Mais la déportation des juifs de France va bouleverser leur destin. Contrariés à l’idée que leur fils unique épouse une juive, les parents de Jean Jausion décident d’écarter la jeune Annette Zelman… et la dénoncent à la Gestapo. La machine est lancée, c’est trop tard. Annette est déportée à Auschwitz le 22 juin 1942…
De quelle manière avez-vous travaillé vos rôles respectifs ?
Ilona Bachelier : Nous avons eu la chance de rencontrer Michèle Kerz Zelman, qui nous a généreusement fait part de ses souvenirs, de comment était sa famille, Annette et les correspondances qu’entretenaient Annette et Jean. Il y avait des photos et des dessins d’Annette. Ça nous a permis de nourrir nos connaissances. Ensuite, c’est un travail de personnages. Comprendre quels sont les enjeux, pourquoi et comment Annette prend ces décisions, etc. Nous avons eu des cours de Yiddish, afin de savoir parler la langue, c’est donc aussi une approche culturelle. Puis, il y a eu les cours de danse avec Vassili. Tous ça conjugué nous a mis dans le bain. D’autant que nous avons commencé à travailler 3 semaines avant le tournage. On s’est mis au travail rapidement.
Vassili Schneider : Ces 3 semaines m’ont permis de rencontrer et de faire connaissance avec Ilona. Moi, j’étais surtout inquiet par rapport au vocabulaire de l’époque, leur façon de parler, qui est différente de la nôtre aujourd’hui. Je devais faire attention à ne jamais avoir une pointe d’accent ou un débit de parole trop moderne. Je voulais effacer tout ça, sans tomber dans la caricature. J’ai donc regardé beaucoup de films d’époque avec Jean Gabin, notamment, et écouté aussi des vieux livres audios. J’ai lu Céline et, même si c’est un auteur antisémite, c’était intéressant de le lire car son style d’écriture pouvait me donner du nouveau vocabulaire d’époque. Ce qui est difficile lorsqu’on tourne un film d’époque, c’est de sortir du texte, d’enlever, de rajouter des mots ou d’improviser.
Crédit photo : © Hassen BRAHITI – FTV
Sur un film en 2022, on peut plus aisément surfer sur le texte car on maîtrise la langue d’aujourd’hui. J’avais la volonté de « bouffer » la langue de l’époque pour me l’approprier complètement.
« Ce qui m’a marquée et ce que l’on voit dans le téléfilm, c’est cette joie de vivre, très représentative des Zelman, qui était une famille contemporaine » – Ilona Bachelier.
Pouvez-vous nous en dire plus sur votre rencontre avec Michèle Kerz Zelman ?
Ilona Bachelier : Je l’ai rencontrée avant de tourner avec Louise Legendre, celle qui incarne Michèle dans le film, Phillipe Le Guay, le réalisateur qui était accompagné de sa cheffe opératrice et sa première assistante. Elle nous a reçu chez elle. Michèle m’a dit quelque chose de très touchant. On attendait quelque part aussi sa validation. Elle m’a dit que j’avais le sourire de sa sœur. C’était très fort. Ça nous a permis de mieux cerner la relation d’Annette avec sa famille, qui elle était. Ce qui m’a marquée et ce que l’on voit dans le téléfilm, c’est cette joie de vivre, très représentative des Zelman, qui était une famille contemporaine. Ils se battaient pour la vie. « Ils sont doués pour la vie » comme ils le disaient. Dans ce sens, comprendre comment elle était en famille et en société, ce qui l’animait.
Vassili Schneider : Moi je l’ai rencontrée sur le plateau, seulement quelques minutes. Mais ça m’a beaucoup touché d’échanger avec elle. Au départ, on lit un scénario, on sait que c’est vrai mais ça reste une histoire. Quand tu rencontres quelqu’un qui a vraiment vécu les faits, ça fait un choc. Elle m’a aussi dit, lorsque je parlais, qu’elle avait l’impression d’entendre Jean. J’étais troublé.
Il y avait une certaine appréhension pour vous de jouer des rôles non-fictifs, d’incarner des personnages qui ont réellement existés ?
Vassili Scheinder : Il y a effectivement une pression. Nous ne pouvions pas tout inventer, même si nous avions quelques libertés puisque nous ne connaissions pas les personnages, il n’y a pas de vidéos d’eux et très peu de photos. Cependant, nous devions être fidèles à ce qu’il était. Nous avions la sensation d’être observés. Michelle Zelman est toujours en vie. Et quand on incarne un personnage aussi fort, on a l’impression d’avoir des comptes à rendre à un esprit qui te regarde.
Ilona Bachelier : Lorsque tu sais que cette personne a existé, tu te dédoubles et tu essaies de t’en approcher en te disant que tu ne pourras de toute façon jamais être cette personne.
Annette est une jeune femme impétueuse, légère et, par moment, insouciante. Est-ce que sont des aspects de sa personnalité qui vous a plu à jouer ?
Ilona Bachelier : Oui ainsi que sa forte joie de vivre et son envie de croquer la vie à pleine dent. Ça fait plaisir de pouvoir incarner ce genre de jeunes femmes fortes. Puis, après deux mois de COVID, d’avoir ce souffle de vie dans un contexte, de premier abord qui ne le permettrait pas, c’est une vraie respiration. Sa force de caractère aussi, l’amour, vivre pleinement sa vie, à chaque instant. Elle est insouciante mais consciente de ce qu’il se passe. Malgré ça, elle décide de vivre son histoire d’amour, de se battre pour ça, et j’ai adoré. Je trouve ça admirable. Je ne sais pas si je serai capable de faire ça. J’espère que si. […] En famille, ils dansaient, riaient. Ils essayaient de conserver ce qui était important et de ne pas se laisser étouffer par le contexte monstrueux de la guerre.
Crédit photo : © Hassen BRAHITI – FTV
« Le téléfilm fait écho à la manière dont on peut se confronter à ses parents, par rapport à qui on est et qui on a envie d’aimer » – Vassili Schneider.
Pour vous, c’est encore difficile d’aimer la personne que l’on veut ?
Vassili Schneider : Ça dépend du milieu dans lequel tu es. Personnellement, il n’y aurait aucun souci pour moi d’aimer qui que ce soit, un homme, une femme, de n’importe quelle religion. Ce n’est pas le cas pour tout le monde. Il y a encore trop de gens qui ont énormément de mal à avouer à leurs parents qui sont homosexuels, par exemple. Le téléfilm fait écho à la manière dont on peut se confronter à ses parents, par rapport à qui on est et qui on a envie d’aimer. […] Comme disait Phillipe Le Guay, le racisme et l’antisémitisme, ça ne se situe pas dans la haine, mais parfois dans quelque chose de plus profond, de plus ancré. Mon personnage demande à sa mère pourquoi elle n’aime pas les juifs, elle ne sait pas quoi répondre. Elle n’a pas de raison valable.
Ilona Bachelier : Malgré une société qui tend à s’ouvrir, ça ne l’est jamais vraiment assez. L’histoire d’Annette Zelman est finalement toujours aussi contemporaine parce qu’elle parle de discrimination. C’est le parfait exemple de pourquoi il faut se battre pour les bonnes choses.
« Le film, c’est l’histoire d’une innocence broyée » – Phillipe Le Guay
Philippe Le Guay
Le téléfilm est une histoire d’amour. Est-ce qu’il y a un façon particulière de filmer la naissance d’un amour, les débuts d’une histoire d’amour surtout en pleine Seconde Guerre Mondiale ?
Ce qui m’a guidé, c’est la candeur des deux vrais personnages et des deux acteurs, Ilona et Vassili. C’est ça que j’ai eu envie de filmer en eux. Leur fraîcheur, l’éclat de leur sourire, l’absence totale de calcul, de matérialisme, cette espèce d’innocence pure, ça vous donne envie de leur ressembler. Ce qui pourrait être mièvre, ne l’est pas car le contexte est tellement fort, que leur fraîcheur est comme une sorte d’antidote à la violence, la brutalité et au cynisme de l’époque. Le film, c’est l’histoire d’une innocence broyée. On est avec eux, on les voit vivre. Il y a de l’humour aussi. C’était très important de conserver ça. […] J’ai été porté par les visages, par les regards. Mais la violence aussi.
Crédit photo : © Hassen BRAHITI – FTV
Le moment où Jean prend conscience que c’est son propre père qui a dénoncé Annette, il voit son père comme un monstre et il rompt avec lui. C’est extrêmement fort. D’un coup, ce fils unique, ce fils adoré, comprenant l’abjection du geste du père, va le trahir, va refuser d’être son fils.
[…] Quand on tourne pour la télévision, il y a des contraintes budgétaires mais je crois qu’en faisant un travail d’adaptation un peu serré, on parvient à donner de la vérité.
Parlez-nous du couple Jausion, les parents de Jean…
Il y a un hiatus dans l’histoire. Nous avons un couple, le couple Jausion, admirablement interprété par Julie Gayet et Laurent Lucas, qui est un couple a priori horrible. Car c’est eux qui provoquent l’intolérable dénonciation. Cependant, par la force de leur charisme à eux deux, nous n’arrivons pas totalement à les détester. Et le plus important, c’est de comprendre qu’à l’époque où ils ont dénoncé, ils ignoraient les conséquences de leur acte. Ils ne savaient pas qu’une dénonciation signifiait la déportation et les camps de la mort, qui paraissaient inimaginables. D’ailleurs, la solution finale trouvait tout juste son mode de fonctionnement. Lorsqu’Hubert Jausion essaie de rattraper le coup, il a encore la conviction de pouvoir y arriver.
« Les survivants, nous devons les montrer et les écouter » – Phillipe Le Guay
Dans l’histoire d’Annette Zelman, on ignore qui a dénoncé Annette à la gestapo. Quel a été vos partis pris ?
Emmanuel Salinger, le scénariste, a choisi de créer une scène où Hubert rend visite au chef de La Gestapo, poussé par l’inspiration de Robert Le Vigan, qui était un ami de la famille et le parrain de Jean. On connaît les sympathies antisémites et pro-collaborationnistes de Robert. Il était ami de Céline et farouchement antisémite. Il n’est donc pas impossible qu’il ait joué un rôle dans cette rencontre. Mais nous n’avons pas le témoignage exact.
Crédit photo : © Hassen BRAHITI – FTV
Michèle Kerz Zelman fait une apparition à la fin du film…
Le téléfilm est une histoire d’amour, une histoire en proie à la destruction et au témoignage. La propre sœur d’Annette Zelman, Michèle, qui avait 15 au moment des faits a aujourd’hui 95 ans et est présente dans notre film, effectivement. Elle rencontre la jeune actrice qui l’a incarnée. La raison pour laquelle je voulais qu’elle soit présente à l’image, c’est parce que les survivants, nous devons les montrer et les écouter mais surtout, elle est porteuse d’une énergie et d’une vitalité qui est exemplaire.
Entretien réalisé au Festival de la Fiction de La Rochelle (septembre 2022).
L’histoire d’Annette Zelman sera diffusée le 25 janvier sur France 2.
Bon papier une petite remarque, c’est peut être un détail pour vous:
On parle Yiddish pas hidish
Merci beaucoup de rectifier.
Paule ZAJDERMANN
Exact, merci beaucoup d’avoir souligné cela. C’est modifié 🙂