LA SYNDICALISTE : L’HISTOIRE VRAIE ET TERRIFIANTE DE MAUREEN KEARNEY

Pour son nouveau film, Jean-Paul Salomé s’attaque à l’histoire vraie de Maureen Kearney, une syndicaliste d’AREVA dont la vie a subitement volé en éclats après qu’elle ait révélé l’existence d’un mystérieux accord entre l’Etat français et la Chine sur le nucléaire. Devenue lanceuse d’alertes, une longue bataille commence pour elle, afin d’obtenir la vérité et préserver des emplois en péril.
La Syndicaliste, un film déchirant mais nécessaire !

Un secret d’état édifiant

Maureen Kearney travaille comme syndicaliste chez AREVA lorsqu’une source l’informe qu’un accord secret entre la France et la Chine, visant notamment le transfert de technologies pourtant capitales pour que l’entreprise conserve son avance dans ce domaine, va être signé. En alertant les journalistes et les hommes politiques – dont l’ancien Ministre de l’Économie Arnaud Montebourg – Maureen Kearney dérange. Ses actions et sa détermination ne plaisent d’ailleurs pas au groupe nucléaire et son nouveau patron Luc Orsel (Yvan Attal), placé à la tête d’AREVA après l’éviction de son ancienne directrice, Anne Lauvergeon, par Nicolas Sarkozy en 2011. À force d’agiter cette histoire sous le nez des députes et jusqu’aux hautes sphères de l’État, Maureen Kearney s’attire les foudres de beaucoup de gens. Un matin, avant son rendez-vous avec le Président François Hollande, elle est violemment agressée chez elle. C’est sa femme de ménage qui la retrouvera dans la cave de sa maison, ligotée, mutilée, le manche d’un couteau planté dans le vagin. Dès lors, débute un combat acharné pour Maureen Kearney, un combat pour se reconstruire et une question qui la taraude : Quelles sont les entités derrière cette agression ?
Pour le reste, nous connaissons aujourd’hui la suite. AREVA fut démantelée, des milliers d’emplois furent supprimés et une technologie 100% française vendus aux chinois qui, désormais, la revendent dans le monde entier, dont La France. Une douce ironie qui aurait pu être évitée, si seulement Maureen Kearney avait été écoutée.

Pour réaliser cette histoire aux conséquences humainement et politiquement désastreuses, Jean-Paul Salomé (La Daronne). Avec La Syndicaliste, le cinéaste signe un véritable thriller politique, intime et viscéral, bien loin des codes du documentaire. D’ailleurs, l’intention de Jean-Paul Salomé avec ce film était claire, plonger le spectateur dans les coulisses nébuleuses d’une affaire politico-industrielle sensible, afin que le public ressente pleinement toute la complexité de l’intrigue, la tension qu’elle insuffle sur Maureen Kearny et l’impact moral puis physique sur la vie de la syndicaliste. Sur ce point, le réalisateur ne trahit ni son objectif, ni l’histoire de Maureen Kearney, à quelques détails près.

Image : Isabelle Huppert (Maureen Kearney) et Yvan Attal (Luc Orsel) en conflit sur l’avenir d’AREVA.
Crédit photo : Guy Ferrandis

En effet, il s’agit d’une fiction destinée au cinéma et, comme toute adaptation, il faut parfois agencer certains points pour rendre le récit cinématographique. Néanmoins, tous les sentiments vécus par Maureen Kearney y sont retranscrits avec une véracité rigoureuse. De son agression, à la misogynie crasse qu’elle subit de la part des hautes fonctionnaires et de la police, le récit n’omet rien. Jean-Paul Salomé compose ainsi une narration dure, haletante, qui prend aux tripes, orchestrée par des images toutes aussi violentes.

Peu à peu, et à mesure que l’enquête sur l’agression de Maureen Kearney avance, l’histoire bascule et la victime devient la coupable. Elle est accusée d’avoir simulé son agression. Le thriller politique se transforme alors en drame dans lequel nous assistons impuissants à la reconstruction psychologique d’une femme brisée, broyée par le système. Lâchée par tous, elle trouve un soutien indéfectible auprès de son mari, Gilles Hugo, interprété par un Grégory Gadebois simple, touchant et tendre. Un soutien important et qui apporte au film un vent de fraîcheur dans ce tourbillon infernal, où tout semble perdu. La tendresse d’un mari, pour adoucir les mœurs.

Image : Pierre Deladonchamps incarne l’Adjudant-chef Brémont mène l’enquête sur l’agression de Maureen Kearney. Un personnage antipathique, qui aura des doutes sur la version des faits de Maureen Kearney.
Crédit photo : Guy Ferrandis

Isabelle Huppert, impériale !

Jean-Paul Salomé retrouve Isabelle Huppert pour La Syndicaliste, deux ans après leur succès commun avec La Daronne, où la comédienne campait le rôle d’une traductrice de la Brigade des Stups’ devenue à son tour dealeuse de drogues. On peut le dire, les deux artistes se sont trouvés. Isabelle Huppert interprète une Maureen Kearney plus vraie que nature. Une ressemblance troublante, jusqu’à la coupe de cheveux, qui a permis à Isabelle Huppert de devenir la Syndicaliste, dans une interprétation sublime, à fleur de peau, entre coquetterie et femme broyée. Le côté coquette de Maureen Kearney est d’ailleurs importante dans le film, car il permet à la fois d’endosser une armure et d’aller de l’avant. Une sorte d’auto-défense qui, néanmoins, va par moment se briser pour dévoiler les failles d’une femme détruite. Un lâché prise brillant pour donner sur le spectateur un impact émotionnel fort.

Conclusion

La Syndicaliste est un film puissant. Jean-Paul Salomé parvient merveilleusement à retranscrire la violence des coups (verbaux et physiques) subie par Maureen Kearney, de la part de ses amis et des hommes, le traumatisme qui en a découlé, mais également à dévoiler la force obscure des dominants, prêts à tout pour assouvir leur soif d’autorité et à étouffer leur mensonge dans le seul but de poursuivre leur business abject.

La Syndicaliste, le 1er mars au cinéma.

Vous pouvez retrouver mon interview avec le réalisateur Jean-Paul Salomé et la lanceuse d’alerte Maureen Kearney ici.

3 commentaires sur “LA SYNDICALISTE : L’HISTOIRE VRAIE ET TERRIFIANTE DE MAUREEN KEARNEY

  1. Excellent film ( documentaire ?) , parmi des film qui lèvent le voile sur les pratiques des lobyes . Nos démocraties sont fragiles mais les artistes sont là. Souhaitons que Clémentine Autain obtienne une commission d’enquête parlementaire

  2. Que sont devenus Luc ORCEL et le gendarme FREMONT ? Pour le premier ( mais il n’était pas le seul) ça s’appelle de la haute trahison , pour le deuxième c’est de l’incompétence hélas très répandue .Pour ne parler que des faits c’est tragique .

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *