APACHES : UN DRAME SHAKESPEARIEN SOUS FORME D’HOMMAGE AU CINÉMA FRANÇAIS

Avec Le Dernier Voyage, Romain Quirot offrait un hommage vibrant au cinéma qui a bercé son enfance, un cinéma américain de science-fiction, entre la saga post-apocalyptique et l’épopée intimiste sur l’enfance. Un film ambitieux et un pari fou, que le réalisateur Romain Quirot renouvelle cette année avec Apaches et un casting sublime de jeunes talents. Un western moderne dans le Paris des années 1900, et un long-métrage bourré d’hommages au 7ème art français. Une réussite !

Une simple histoire de vengeance ou drame shakespearien ?

L’action du film se déroule au début du siècle dernier. La jeune Billie (Alice Isaaz), qui vole pour le compte d’un gang appelé « Apaches », fait régner la terreur dans Paris. Alors qu’elle tentait de s’enfuir vers Le Nouveau Monde, elle assiste impuissante à la mort de son frère, tué par Jésus (Niels Schneider). Accusée du meurtre, Billie passe quinze années en prison où elle rumine sa vengeance. À sa sortie, elle intègre alors le gang des Apaches, où elle retrouve un ancien camarade de jeunesse incarné par Rod Paradot.

Là, Romain Quirot développe tout un imaginaire. Avec un budget certes limité mais grâce à un directeur de photographie ingénieux (Jean-Paul Agostini) et une équipe VFX qui avait déjà fait des miracles sur Le Dernier Voyage, le cinéaste parvient à nous plonger dans un Gangs of New-York à la française excitant, fun et coloré, au sein du Paris des années 1900. Un Paris dans tout ce qu’il a de plus beau mais aussi de plus sale, entre ambition démesurée, bourgeoisie crasse et jeunesse livrée à-elle même, laquelle parcourt les bas-fonds d’une capitale encore en construction.

Image – Le gang des Apaches avec de gauche à droite : Rod Paradot (Polly), Artus (Ours), Alice Isaaz (Billie), Niels Schneider (Jésus) et Charles Wheeler (L’Américain).
Crédit photo : TANDEM

Apaches pose dans sa reproduction de Paris tous ces enjeux, inspirés de faits réels : les Apaches représentent la vermine, les vauriens, les oubliés contre la société. Faire régner la tyrannie, pour exister. Un idéal comme une vérité, qui sonne le glas pour tous les gens d’en-haut. Car le film est violent, extrêmement cru. D’ailleurs, Roman Quirot n’hésite jamais à montrer cette fureur et dans toutes ses formes. Oui, Apaches est une production sanglante, qui arrache des moments d’hémoglobine surprenants et terrifiants. Mais cette violence n’est finalement que la traduction d’une frustration, d’une colère profonde, celle produite par les inégalités et envers la richesse abondante d’une caste méprisante.

Au milieu de tout ça, Billie se fait une place importante au sein du gang. Peu à peu, elle apprivoise le groupe et sa vengeance se transforme en fascination. C’est ainsi qu’elle fait face à un double dilemme : poursuivre ce qu’elle a commencé ou s’intégrer totalement jusqu’à en perdre son objectif premier ? Parce que Billie se sent libre. Malgré sa peine, elle trouve chez les Apaches une famille, – prônant de vrais valeurs (l’amitié, la solidarité, l’altruisme…) – et une forme de liberté totale, une évasion à ses malheurs qu’elle n’avait pas connue auparavant.

Image : Alice Isaaz est Billie.
Crédit photo : TANDEM

Et puis, il y a Jésus (Niels Schneider). Figure messianique, envoûtant et sûr de lui, qui se rêve en révolutionnaire. Billie tombe sous le charme de cet homme, qu’elle redécouvre, bien loin du monstre qui a tué son frère. Ce duo, auto-destructeur, devient alors l’enjeu principal du film : arriveront-ils à se débarrasser de leurs démons intérieurs et à s’aimer ou se consumeront-ils ensemble ? Un drame amoureux à la Roméo et Juliette déchirant, que Romain Quirot installe avec intelligence dans une bataille pour les idéaux, où se confrontent des choix moraux bouleversants et une soif de vivre salvatrice.

Apache et le cinéma français

Romain Quirot compose son récit dramatique avec une réalisation audacieuse et singulière. Le film est porté par des instants de grâce cinématographiques en hommage au cinéma français et à ses grandes figures telles que Sarah Bernhardt, interprétée par Rossy de Palma, ou encore Georges Méliès, projeté dans un cinéma parisien de La Belle Époque. Outre une mise en scène très contemporaine, rythmée par une bande-originale pop, Romain Quirot invoque des images à l’ancienne.
Ainsi, quelques séquences de « fêtes » et d’« ambiances » ont été tournées comme les premiers films, en noir et blanc, à la vieille caméra (ici, une Super 8) et d’autres en mode « cinéma muet », qui viennent sublimer une scène de tuerie dénonçant les loisirs absurdes et abjectes de la société bourgeoise. Tout ceci offre un charme fou à Apaches, et en fait un long-métrage unique en son genre. Différent du Dernier Voyage, mais finalement si peu éloigné dans son approche du cinéma et ses références. Ils sont ici un nouveau cri d’amour pour le cinéma. Oui, Romain Quirot pourrait être, dans un avenir proche, notre Damien Chazelle à nous. Parce que c’est un réalisateur qui aime profondément le cinéma, dans tous ces aspects, et la ville de Paris. Car le film est également un hommage à la capitale, qui déborde d’excès, de fantaisie, de folie. Elle réalise tous les espoirs mais est aussi la source de toutes les désillusions.

Conclusion

Romain Quirot frappe fort avec Apaches. Une guerre des gangs enivrante, où l’amour est à l’origine de tous les maux. Un drame émouvant qui charme par sa réalisation, où se mêlent modernité et vieilles images, délivrant un univers riche pour tous les amoureux de cinéma.
On regrettera cependant un manque de caractérisation des personnages. Habituellement, chaque membre d’un groupe est défini par une caractéristique unique, chacun ayant un atout ou un don qui lui est propre. Dans Apaches, les talents des héros ne sont pas assez mis en lumière. De plus, ils manquent un poil d’épaisseur pour s’accrocher totalement et émotionnellement à eux. Néanmoins, la bonhomie de certains acteurs comme Artus et l’interprétation des comédiens/comédiennes transcendent ses défauts et révèlent, lorsqu’il le faut, des scènes d’une immense émotion.

Mention spéciale à Chloé Peillex, qui interprète Billie jeune, pour son premier rôle au cinéma. La comédienne a quelque chose dans le regard, une puissance et une fragilité à la fois, qui ne laisse pas indifférent. Assurément, la séquence d’ouverture du film sera pour elle le début d’une grande carrière.

– Vous pouvez retrouver mon interview avec le réalisateur Romain Quirot, ici.
– Vous pouvez également retrouver mon interview avec l’actrice Alice Isaaz, ici.

Apaches, au cinéma le 29 mars.

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