HAPPY END / DANS LA BRUME / ADORATION : QUI EST FANTINE HARDUIN, L’HÉROÏNE DE LA SÉRIE TF1 PROMÉTHÉE ? (INTERVIEW)

En dix ans de carrière, Fantine Harduin a su se faire un nom dans le milieu du cinéma en arborant des rôles complexes d’adolescentes troublées, perturbées, brisées. Révélation du film Happy End de Michael Haneke, elle poursuivra une brillante carrière dans le cinéma d’auteur avec Amin de ou encore Adoration de Fabrice du Welz. A la télévision, Fantine Harduin ne passe pas non plus inaperçue. De Engrenages à la mini-série L’Absente, la jeune comédienne séduit par la justesse de son jeu et sa sensibilité juvénile.

Prochainement à l’affiche de la série fantastico-policière de TF1, Prométhée, où elle incarne une adolescente amnésique aux super-pouvoirs étonnants, Fantine Harduin se confie dans cette interview sur son parcours au cinéma et sur les coulisses de cette nouvelle fiction.

« J’ai toujours été bien entourée par ma famille, notamment mon papa qui a été là pour m’aider »

À 18 ans, vous avez déjà tourné au côté de noms importants du cinéma français : Jean-Louis Trintignant, Isabelle Huppert, Romain Duris, Olga Kurylenko, Michael Haneke… Vous imaginiez un tel début de parcours ?
Personne ne peut s’imaginer où la vie va nous mener en début de parcours. J’étais très jeune lorsque j’ai débuté et je ne savais même ce qu’actrice voulait dire véritablement, ni ce monde-là. C’est quelque chose qu’on se prend en pleine face. Je suis très heureuse et j’ai beaucoup de chance jusque- là. Il y a le travail mais surtout beaucoup de chance. […] Avec le recul, je m’aperçois que c’est assez dingue, effectivement. Quand j’ai tourné avec Jean-Louis Trintignant, je ne connaissais pas sa carrière. C’est mon père qui m’a dit que j’étais face à des monstres du cinéma. J’étais innocente face à ça. Je ne connaissais pas l’ampleur de ce que j’étais en train de vivre. Maintenant que je connais mieux ce milieu-là, je regrette un peu de ne pas avoir vécu ces expériences en sachant tout ça. J’aurais tellement aimé dire à Jean-Louis Trintignant que sa carrière était incroyable. C’était la même chose à Cannes. J’ai rencontré David Lynch et je ne connaissais rien de ce cinéaste. C’est un grand regret de ne pas avoir pu lui dire ce que j’ai sur le cœur avec mes connaissances actuelles.

Qui vous a guidée pour choisir vos rôles au début de votre carrière ?
J’ai toujours été bien entourée par ma famille, notamment mon papa qui a été là pour m’aider. Il faisait office de manager et me guidait sur le choix de mes rôles. Ensuite, ce sont les rencontres que j’ai pu faire sur les différents lieux de tournage. Après mon premier court-métrage, j’ai rencontré une directrice de casting et c’est elle qui m’a castée pour Happy End. Elle avait dit à mon père qu’il fallait que je fasse attention à bien choisir mes rôles et que je n’aille pas dans la publicité. Mon père a bien écouté ça et l’a mis en application. Au final, ce sont plein de gens qui ont donné des conseils et qui nous ont aiguillés car nous n’étions pas dans le milieu.

Vous avez déjà monté les marches du Festival de Cannes, à deux reprises. Qu’avez-vous ressenti la première fois ?
Je n’avais pas conscience de ça. Mais Cannes restant Cannes, j’ai vécu un moment extraordinaire. C’est un autre monde. Tout est extrapolé et extravagant. Lorsqu’on est jeune et qu’on ne vient pas du cinéma, on est plongé dans un univers de strass et de paillettes assez intimidant. Néanmoins, ça reste une expérience incroyable. J’en garde de bons souvenirs. Puis, quand on est enfant, on ne retient forcément que le bon côté de Cannes. J’avais des étoiles plein les yeux.

« Jean-Louis Trintignant était devenu comme mon grand-père sur le tournage »

En 2018, vous jouez dans « Happy End » de Michael Haneke, qui vous emmènera à Cannes. Qu’avez-vous retenu de cette expérience en tant que jeune comédienne ?

Je me suis bien entendue avec tout le monde. Isabelle Huppert et Mathieu Kassovitz ont été d’une grande gentillesse et m’ont donné des conseils sur le jeu. C’était un tournage agréable. Jean-Louis Trintignant était devenu comme mon grand-père sur le tournage, il a pris ce rôle de protecteur. […] Ce tournage m’a énormément appris dans le fait d’être une actrice. Non seulement j’étais accompagnée par des acteurs immenses mais dirigée aussi par un monstre du cinéma, Michael Haneke. C’est un réalisateur qui sait ce qu’il fait, il est très pointilleux. Il a l’intégralité de son film en tête et, son seul objectif, est de le recréer tel quel. Il explique parfaitement aux acteurs ce qu’il veut et vous pousse dans ce sens. À son contact, j’ai dépassé mes limites dans le jeu.

Dans la scène du bureau où j’ai un petit monologue face à Jean-Louis Trintignant, je n’arrivais pas à penser ce que j’exprimais. Michael m’a prise à part en m’expliquant la manière dont je devais dire ma réplique, en le pensant donc, et nous l’avons travaillé. J’applique encore ça aujourd’hui. Il m’a également confié que les temps morts étaient du jeu, ce qu’on dit entre les mots, fait partie de l’interprétation.

L’année suivante, on vous retrouve dans le film post-apocalyptique français « Dans la brume » de Daniel Roby. Vous interprétez la fille de Romain Duris et Olga Kuylenko, atteinte du syndrome de Stimberger. Vous jouez la plupart de vos scènes dans un énorme tube aménagé en chambre. Comment avez-vous vécu ce tournage ?

Faire de la science-fiction en France, c’était un pari. Quand on est jeune, c’est amusant de jouer dans ce genre de film qu’on ne voit pratiquement qu’aux États-Unis. Donc, j’étais excitée à l’idée de jouer dans ce film. Pour la bulle, c’était parfois compliqué. Je ne pouvais pas trop l’ouvrir de l’intérieur alors, quand je voulais sortir, je devais demander à quelqu’un de m’ouvrir. Puis, on n’entendait presque pas les acteurs extérieurs. Lorsque Romain Duris s’adressait à moi, je n’entendais rien. Nous avions mis une sorte de baffle à l’intérieur de la bulle et Romain portait à micro pour que je comprenne ce qu’il me disait. Mais, par moment, il y avait une seconde de décalage ou des choses comme ça, c’était horrible (rire).

Alors, je me fiais à ses lèvres mais dans les scènes où la fumée envahissait la pièce, je ne les voyais pas. Pour l’anecdote, il m’est arrivé un jour, à l’heure du lunch, de rester enfermée seule dans le tube. Tout le monde était parti manger et je suis restée coincée jusqu’à ce qu’un technicien s’aperçoive en passant que j’étais encore à l’intérieur (rire).

À la fin du film, nous découvrons que les enfants atteints du syndrome de Stimberger peuvent respirer dans la brume. Votre personnage évolue à l’intérieur de cette mystérieuse brume. Racontez-nous les coulisses de cette scène…
C’était dans des studios à Paris. Ils avaient recréé quelques-unes des rues de Paris afin de pouvoir disposer la fumée à leur guise. Il me semble que c’était mon dernier jour de tournage, où je pouvais enfin jouer dehors, à l’air libre. Moi qui débutais dans le cinéma, de voir des rues reconstituées, des effets spéciaux, des faux cadavres par terre, c’était impressionnant. C’est comme si j’assistais à l’envers du décor d’un film américain.

« Le rôle de Gloria est le plus difficile que j’ai eu à interpréter jusqu’à présent »

Autre film marquant dans votre filmographie « Adoration » de Fabrice du Welz, pour lequel vous recevrez deux prix. Un film puissant. De quelle manière vous avez-vous travaillé le rôle de Gloria ?

C’est un personnage qui est vraiment éloigné de moi, presque de composition. C’est peut-être le rôle le plus difficile que j’ai interprété jusqu’à présent. J’ai beaucoup travaillé avec Fabrice qui m’a fait regardé plusieurs films traitant de la folie. Nous avons aussi échangé sur la manière dont nous percevions le personnage de Gloria. Gloria a une folie clinique, nous avons inventé sa propre manière d’être folle, de comment elle réagit aux choses et ce qu’il se passe dans sa tête. Il fallait comprendre la façon dont elle fonctionnait. Nous avons fait énormément de répétitions avec Thomas Gioria. Fabrice nous parlait pendant les prises donc, nous avons du faire beaucoup de post-synchro. Il nous dirige pendant qu’on joue et j’adore cette manière de travailler. C’est un grand directeur d’acteurs.

[…] C’était un tournage émotionnellement intense car Gloria passe par toutes les émotions qui sont très fortes et très rapidement. Elle peut être triste et heureuse en un claquement de doigt, c’est une rupture de ton qui est compliqué. Physiquement aussi, ce tournage était intense. Le fait de jouer la folie et toutes ses émotions c’est épuisant. Mais c’était un tournage extraordinaire et j’ai rencontré des gens avec qui je suis encore amie aujourd’hui.

« Fabrice du Welz me disait que j’avais les yeux de l’acteur Franco Nero »

Vous avez un regard profond, c’est frappant à l’image. Est-ce que vous vous en servez dans votre jeu et pour composer vos rôles ?
On m’a souvent dit que j’avais un regard qui était fort et particulier. J’ai les yeux de mon père. Dans la famille, nous avons des yeux bleus assez intenses. Fabrice du Welz me disait que j’avais les yeux de l’acteur Franco Nero, qu’il y avait un truc à jouer avec. Moi, je ne sais pas si j’en joue consciemment ou inconsciemment. Je suis quelqu’un qui aime transmettre par le regard. S’il y a une phrase qu’on peut dire par le regard, je préfère enlever les mots et choisir le regard. Je trouve ça même plus fort lorsqu’un personnage évoque quelque chose avec son regard.

Le 16 mars, vous serez au casting de la série fantastique de TF1, Prométhée. Comment avez-vous rejoint le casting de la série ?
J’ai passé plusieurs castings pour Prométhée. Mais je me souviens que pour un essai, on m’avait simplement demandé de m’allonger par terre et de me relever, sans rien dire, sur une musique de science-fiction. C’était très inhabituel car, généralement, même s’il y a des impros, c’est toujours parlé. Ça m’a marquée. Puis, j’ai appris que j’avais le rôle alors que je tournais un long-métrage en Belgique.

« Il y a des similitudes entre Eleven et Prométhée »

C’est jouissif d’incarner une fille avec des super-pouvoirs ? Et, vous êtes-vous inspirée du personnage d’Eleven dans Stranger Things pour fabriquer la personnalité de Prométhée ?

Bien-sûr ! C’est la même chose que pour Dans la Brume. Ce sont des productions qui sont rares en France alors, quand on a l’opportunité de jouer dans l’une d’elles, on ne peut qu’être heureux. D’autant plus que ce sont des séries comme Stranger Things que les ados adorent. Il y a des cascades, des effets spéciaux. C’est jouissif !
[…] Il y a des similitudes entre Eleven et Prométhée, pour ma part, je ne sais pas si je m’en suis inspirée. Peut-être qu’inconsciemment, ayant adoré la série, je me suis appropriée une attitude ou des gestes. Mais dans l’écriture, il y a des ressemblances évidentes : des enfants qui ne sont pas intégrés à la société, qui paraissent étranges aux yeux des autres, qui ont des pouvoirs…

Le personnage de Prométhée est amnésique. Comment prend-on cet élément en compte dans le jeu ?
Cette amnésie est étrange. Parfois, pour faire jouer un personnage et savoir pourquoi il réagit ainsi à telle situation, on se base sur son vécu, son passé. Prométhée ne se souvient de rien. C’est comme si elle venait de naître. C’est difficile de construire une personnalité sur presque rien. Je me suis rendue compte que c’est parce qu’elle ne se souvient de rien qu’elle fait ses choix. C’était compliqué au départ mais, ensuite, ça a pris du sens. Son but est de retrouver qui elle est.

Prométhée, dès le 16 mars sur TF1.

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