Crédit photo : Arnaud Dumontier
À la télévision, il est l’acolyte comique, le rêveur naïf, le bon copain de nos soirées. Des qualificatifs qu’il accepte sourire aux lèvres. Il est vrai qu’avec sa bonhomie, ce visage si particulier et cet œil rieur qui appelle à la comédie, Bruno Sanches nous charme, nous attendrit. Sa comédie est subtile, son rythme parfait, équilibré par une voix faussement maladroite et joyeusement innocente. On l’aime aussi bien pour cette singularité que pour la douceur avec laquelle il interprète ses rôles de sidekicks, des rôles secondaires non-négligeables qui embellissent chacune des séries où il nous honore de sa présence.
Ses premiers pas, c’est tout petit qu’il les fait. Sa maman, femme de ménage, n’avait pas le pied dans le milieu artistique mais parcourait les castings avec son fiston le mercredi après-midi. Le point de départ, des remarques positives sur la photogénie de son fils. La naissance d’un grand acteur se résume souvent à peu de choses. Il enchaîne alors les spots publicitaires et décote un agent. Un hasard et quelques belles rencontres plus tard, feront de Bruno Sanches un indispensable de la télévision.
Indéniablement, c’est sa rencontre avec Alex Lutz qui le propulsera au rang d’artistes populaires. Leurs chemins se croiseront au début des années 2000, tandis que Bruno et ses amis cherchaient un metteur en scène pour leur pièce « André le Magnifique ». À cet époque, Alex Lutz souhaitait arrêter sa carrière de comédien, me confie Bruno, pour se concentrer sur la mise en scène. Très vite, les deux hommes deviennent amis, avant même de partager l’écran ensemble. En 2012, naît la shortcom « Catherine et Liliane » dans Le Petit Journal de Yann Barthès, après un passage dans l’émission de Stéphane Bern « Comment ça va bien ». Avec cette caricature des femmes de 40-50 ans au travail, le duo séduit. Là encore, l’idée naît d’un pur hasard : « Alex et moi, nous aimions beaucoup nous balader dans Paris et, en marchant, deux femmes se sont mises devant nous. C’est en écoutant ces deux femmes parler que l’idée de Catherine et Liliane nous est venue. Nous avons commencé à les imiter et nous n’avons pas arrêté pendant deux heures ». Une amitié qui perdure au-delà du petit écran. En effet, Alex l’invitera dans chacun de ses films, Le talent des mes amis, Guy ou encore La Vengeance au Triple Galop, et reprennent occasionnellement les rôles de Catherine et Liliane comme au César 2023.
Depuis, Bruno Sanches continue son envolée. Longtemps considéré comme le visage derrière le personnage de Liliane, le comédien s’émancipe. A l’affiche de la série à succès HPI, où il incarne le rôle de Gilles, lieutenant de police, ou Léo Costa, professeur de sport dans L’École de la Vie, Bruno Sanches s’affirme comme une figure emblématique et importante de la télévision française.
Rencontre avec un acteur attendrissant et généreux.
« Oui, j’ai ce truc un peu naïf dans l’œil »
Est-ce que votre physionomie, votre visage, cet œil rieur que vous avez, intervient sur les rôles qu’on vous attribue ?
Je sais fait rire avec, je sais émouvoir avec. J’en joue. Après, je dois faire avec, c’est le visage que la nature m’a donné (rire). Pour être honnête, je ne sais pas si on me choisit par rapport à la physionomie de mon visage. Peut-être que oui, parfois. Cependant, il m’est déjà arrivé de me présenter à des castings et d’obtenir un rôle qui, à la base, ne correspondait pas à la description faite du personnage. […] Mais je ne demande jamais à un réalisateur pourquoi il ou elle m’a choisi.
Il y a aussi beaucoup de douceur qui se dégage de votre visage, on peut le voir par moment dans vos instants plus dramatiques. Est-ce que vous aimeriez faire davantage de rôles dramatiques ?
J’aimerais beaucoup. Même si on mélange la comédie et le drame, ça me convient. C’est ce que j’aime dans L’École de la Vie, c’est qu’il y a de vrais moments de comédies et des instants dramatiques forts. J’aime les comédies dramatiques parce que, finalement, c’est ce qui se rapproche le plus de la vie. Ensuite, interpréter des personnages plus sombres, ça m’intéresserait aussi. Faire des thrillers, par exemple, et jouer le rôle d’un méchant. Ça viendra. Je n’aurais pas toujours ce visage enfantin. Je vieillis. Ma peau se tanne comme du bon cuir (rire). […] Oui, j’ai ce truc un peu naïf dans l’œil.
Le drame, j’ai la sensation que vous y serez confronté durement dans le film de Mathieu Turi, Gueules Noires, qui sortira en octobre prochain au cinéma. Comment avez-vous vécu ce tournage ?
C’était un tournage très enrichissant, très intense. Dur, parfois. Mais si c’était à refaire, je le referai sans hésiter. Je signe de nouveau avec Mathieu quand il veut. C’était une magnifique expérience. Nous avons tous kiffé faire ce film. En plus, je m’entends bien avec Thomas Solivères dans la vie et, avoir partagé ça avec lui, c’était super.
Image : Bruno Sanches incarnera un des mineurs dans le film horrifique de Mathieu Turi, Gueules Noires.
Crédit photo : Full Time Studios
« Les gens ne sont pas prêts pour la saison 3 de HPI »
Vous avez une grosse actualité en ce moment entre L’École de la Vie et HPI saison 3, qui arrivera prochainement sur TF1. Comme toutes les séries policières, c’est une série chorale avec plusieurs talents. Comment vous êtes-vous intégré dans cette équipe formée par Audrey Fleurot, Mehdi Nebbou, Marie Denarnaud et Bérangère McNeese ?
Nous nous sommes tous rencontrés en amont et nous nous sommes apprivoisés de la même manière. Aujourd’hui, nous nous entendons tous très bien, même avec l’équipe technique qui est la même depuis le début. Nous avons tous énormément de joie lorsqu’on se retrouve pour une nouvelle saison. C’est toujours joyeux comme tournage, même si ce sont là aussi des tournages qui sont intenses car il y a beaucoup de travail. Nous nous éclatons. Puis, le tournage se déroule à Lille, la ville la plus accueillante et la plus cool de France. Il y a aussi la meilleure bière et les meilleurs frites.
Chaque personnage est marqué et les rôles secondaires sont de plus en plus développés. Les scénaristes ont bien compris que Morgane (Audrey Fleurot) existait aussi grâce à ceux qui l’entourent. Audrey est une excellente camarade de jeu, qui laisse la place. C’est une comédienne de théâtre. Elle a besoin qu’il y ait du répondant. Elle n’aime pas jouer seule, ni écraser les autres.
De quelle façon avez-vous abordé ce rôle de policier ? Avez-vous suivi des stages dans la police ?
Mehdi Nebbou a eu la bonne idée de contacter un commandant de la police judiciaire, un ancien de la BRI, Franck Martins. Il est désormais à la retraite. Franck nous a gentiment aidés, conseillés, aiguillés, préparés et guidés. Il nous a apporté un aspect concret du métier, ce qu’était la réalité de la PJ et l’épuisement physique et moral qu’ils subissent au quotidien. Nous avons découvert que c’était la police la plus nécessaire en France et c’est aberrant qu’Emmanuel Macron veuille réformer la judiciaire. HPI est une comédie, il y a un côté loufoque, mais je pense nous sommes très justes dans ce que l’on montre dans la partie enquête. Désormais, Franck est consultant sur les scénarios et il aura d’ailleurs un petit rôle dans la saison 3. On lui doit beaucoup.
Image : Bruno Sanches et Audrey Fleurot dans la première saison d’HPI.
Dans la saison 2, votre rôle a pris plus d’ampleur. Est-ce que cela va continuer dans la saison 3 ? Parlez-nous de l’évolution de votre personnage…
Nous avons tous évolué dans la saison 3. La relation entre Morgane et Gilles évolue également, elle en devient presque fraternelle. Il y a un vrai lien entre les deux. J’ai aussi davantage de scènes avec Daphné (Bérangère McNeese). Le personnage de Céline, la Commissaire (Marie Denarnaud), a été développé. La saison 3 est la meilleure des trois. Les gens ne sont pas prêts. Les premiers épisodes réalisés par Mona Achache sont incroyables et l’épisode 6 est complètement fou ! Nous avons les mêmes réalisateurs (Mona Achache, Vincent Jamain et Djibril Glissant) et ça permet de garder une cohérence. Ils sont allés encore plus loin. J’ai hâte de voir la réaction du public. Ça me fait toujours peur. Je ne me dis pas que c’est acquis et que le public peut nous lâcher du jour au lendemain.
Vous vous attendiez à un tel succès pour HPI, avec des pics à plus de 10 millions de téléspectateurs ?
Absolument pas. Je savais que nous tournions une chouette série mais pas au point d’atteindre de tel score. Nous avons été dépassés par le succès de la série. Comme nous avions été dépassé, à l’époque, avec Alex, par le succès de Catherine et Liliane. Aussi parce que sur le tournage de la première saison d’HPI, nous avons souffert pour des raisons que je préfère garder sous silence. Disons que ça ne s’est pas bien passé avec l’un des réalisateurs. Nous avions la tête dans l’eau et nous n’avions pas le recul nécessaire pour nous dire que ça allait fonctionner. Finalement, c’est une belle surprise.
« En grandissant, en vieillissant, en avançant, je me dis que, peut-être, on ne peut pas tout jouer »
Est-ce que les audiences exceptionnelles de HPI ont changé quelque chose pour vous, dans vos choix de carrière ?
Ça a changé. Je pense que je suis davantage sollicité depuis HPI. Pour ce qui est de mes choix de carrière, je n’ai jamais eu de stratégie de carrière. Je fais les choses parce que j’en ai profondément envie, d’autres que je refuse parce que je n’en ressens pas le désir. Je dis « oui » à un personnage selon plusieurs critères : l’écriture, la vision du réalisateur qui m’apporte beaucoup et le personnage en lui-même. Si je peux apporter quelque chose, j’y vais. En débutant ma carrière, je me disais qu’on pouvait tout jouer. En grandissant, en vieillissant, en avançant, je me dis que, peut-être, on ne peut pas tous jouer. Néanmoins, j’aime les défis, j’aime m’y frotter et, généralement, je fonce.
Vous avez la sensation que l’on vous propose toujours les mêmes genres de rôles, des personnages un peu naïfs, maladroits ?
Gilles (HPI) et Léo (L’École de la Vie) sont différents, malgré quelques similitudes. J’essaie désormais de faire attention à cela, d’aller vers des personnages différents. J’ai refusé pas mal de propositions récemment par rapport à ça. Actuellement, je passe des castings et je suis heureux car ce sont des héros très divers. J’ai aussi envie de jouer des lâches, des peureux… et des méchants, comme je vous le disais tout à l’heure.
« Je pense que nous devrions réinventer l’école »
Le 3 avril, vous reprenez le rôle de Léo Costa, prof de sport, dans la série L’École de la Vie. En off, vous me disiez ne pas avoir été un très bon élève à l’école. C’est assez ironique…
La vie vous rappelle toujours (rire). C’est peut-être un moyen de laver tout ça. C’est génial de jouer un professeur comme Léo, dans un univers crédible. J’aurai rêver d’être dans un lycée comme celui-ci avec des professeurs autant à l’écoute. Dans mon parcours scolaire, je n’ai eu seulement que 4 professeurs extraordinaires. En presque 20 ans de scolarité, ça fait peu… Ils m’ont ouvert les yeux sur plein de choses. J’aime L’École de la Vie parce que nous défendons de belles valeurs. Néanmoins, je pense que nous ne sommes pas tous fait pour le système. Je n’étais pas un enfant qui aimait rester assis sur une chaise à écouter et à apprendre. Je pense que nous devrions réinventer l’école. Nous devrions emmener les enfants dans la nature et leur apprendre les Arts.
Image : Bruno Sanches est Léo Costa, professeur de sport attachant dans L’École de la Vie.
Crédit photo : Allocine
J’ai eu un professeur de lettres comme Alexandra (Julie de Bona). Il était génial, passionné par le théâtre. Je n’aimais pas lire et il m’a donné le goût de la poésie, m’a fait découvrir Apollinaire, Dante et l’Histoire. J’ai eu un professeur d’Arts Plastiques exceptionnel avec qui nous pouvions avoir des débats intéressants. […] Ce métier de professeur est devenu compliqué, bafoué…
C’est une série importante, nécessaire, qui aborde plein de thèmes sociaux. C’est ce qui vous a motivé à rejoindre ce projet ?
Totalement. L’École de la Vie montre réellement les difficultés de ces jeunes adultes et qui sont confrontés à plein de soucis intrinsèques, dur à gérer, le regard des autres, les réseaux sociaux, la construction de l’esprit politique, la quête identitaire, parfois être trop adulte pour leur âge et qui doivent gérer une famille à côté… Cette seconde saison est plus forte que la précédente. […] Effectivement, la série confronte à des choses violentes comme la mort d’un des élèves dans un accident. Plus jeune, j’ai eu des amis qui se sont suicidés et c’était difficile à encaisser. Ne pas voir que l’on a un pote en détresse, c’est durs à gérer. Aujourd’hui, le suicide est un vrai cas sociétal. Des adolescents en détresse, il y a de plus en plus. Notamment depuis le COVID. J’espère et j’aimerais que ce thème soit abordé dans une éventuelle saison 3.
Vous avez une scène de danse incroyable dans la série, qu’on ne spoilera pas. Racontez-nous les coulisses de cette scène, la façon dont vous l’avez préparée…
Nous avons eu une vraie prof de danse. Nous avons répété deux fois par semaine, pendant trois semaines. J’ai été câblé comme dans les films de Kung-Fu pour un porté. Cette scène montre la folie des deux personnages, surtout celui du personnage de Mélanie Page. Ce sont deux personnages opposés, c’est le chaud et le froid. Elle a eu un superbe développement dans cette seconde saison. Cette espèce de professeure Rogue, très cartoonesque et fantastique à la fois. Mélanie l’interprète à merveille.
Image : Mélanie Page interprète une professeur tyrannique, prête à tout pour faire régner l’ordre. Quitte à employer la terreur…
Crédit photo : Capture d’écran France Télévisions
C’est grâce au réalisateur Slimane Baptiste-Berhoun qui a poussé le curseur au max. Il a fait un super travail, la série lui doit beaucoup. Il a réussi à allier la comédie avec le drame, de manière virtuose. C’est fluide. Puis, il parvient toujours à fédérer ces jeunes acteurs qui sont formidables. Le casting des ados est incroyable.
« Mon personnage a le rôle de confident »
Vous avez des scènes hyper touchantes avec Julie de Bona, comment s’est déroulée votre collaboration ?
Nous nous connaissions de répétition mais pas personnellement. Les premiers jours de notre rencontre, nous avions une scène difficile à jouer ensemble et ça a de suite matché. Naturellement. C’est une bonne camarade jeu. Nous sommes devenus potes. Je suis très heureux de l’avoir rencontrée. Avec elle, mon personnage a le rôle de confident. Je vais découvrir son secret, par hasard. Si je n’étais pas arrivé à ce moment-là, elle aurait sûrement crevé avec ce fardeau. C’est grâce à Léo qu’elle affronte sa maladie. Il la pousse dans ses retranchements et appuie là où ça fait mal. C’est la bonne oreille. Puis, il y a un quiproquo qui se crée avec le personnage de Nicolas Briançon. Ce dernier va penser que Léo couche avec deux professeurs (Alexandre et Sandrine). Un décalage comique théâtral. C’est du Feydaud. Et ça lie brillamment la comédie et le drame.
L’École de la vie, dès le 3 avril sur France 2.
HPI – saison 3, dès le 11 mai sur TF1.