Raphaël Quenard est Mirales dans le premier film de Jean-Baptiste Durant, Chien de la Casse.
Raphaël Quenard est un acteur à part. Capable de transcender la comédie en une hilarité assourdissante ou de sublimer le drame par une mélancolie onirique, Raphaël Quenard est la révélation cinématographique de ces dernières années. À l’aide de son visage singulier et sa voix campagnarde, magnifiée par un accent du Sud-Est que les réalisateurs ont su utiliser sous toutes les formes, le comédien a su trouver sa place dans le cinéma français, arpentant tous les styles avec une grâce folle et une soif de jeu insatiable. Acteur-zombie dans Coupez !, frère indigne dans Je verrais toujours vos visages, pervers narcissique dans Chien de la Casse, ouvrier dans une scierie dans un sketch du film Fumer fait tousser ou encore policier du groupe anti-terroriste dans Novembre, Raphaël Quenard n’a de cesse de nous surprendre. Une filmographie riche, à son image, celle d’un jeune homme plein de rêves et d’espoir, que seules les rencontres intéressent. Il se dégage chez lui une force et une douceur qui interpellent, presque envoûtantes. On comprend dès lors pourquoi les cinéastes se l’arrachent.
Pourtant, au départ, ce n’est pas la comédie que choisit Raphaël Quenard. Après un BAC S, il s’engage dans l’armée avant de reprendre des études de chimie et d’obtenir un master. Finalement, il deviendra assistant parlementaire. Après avoir envoyé des courriers aux 577 députés de l’hémicycle, un politique le prend sous son aile. Six mois plus tard, il quitte sa terre natale et monte à Paris. De toutes ses expériences professionnelles, Raphaël Quenard préfère en conserver l’essence pour des futurs rôles : « Tout sert. Autant mes relations privées avec ma mère ou ma sœur, qu’avec mes amis, qu’une mauvaise expérience de voyage. Ce qui est bien dans ce métier, c’est que l’on peut faire feu de tout bois. Peut-être même que ce coup de téléphone va me servir dans un rôle de journaliste (rire). Tout ce que je fais, ce que je vis, c’est de la matière exploitable. Chaque seconde de vie est importante ».
À Paris, il enchaînera les spectacles de théâtre. Charmé, il prend à son tour des cours de théâtre et participe à plusieurs courts-métrages amateurs qu’il trouve sur internet. Quelques rencontres importantes, Laurent Cochet, Emilie Noblet, qui lui ouvrira le casting de la série « HP », ou Camille Rosset, grâce à qui il intégrera la distribution de « Mandibules » de Quentin Dupieux et « La Troisième Guerre » de Giovanni Aloi, feront de lui un indispensable.
Un acteur multi-facette
« En tant que spectateur, j’ai tellement d’appétit et de plaisir à voir tous les registres de cinéma que j’aimerais avoir la chance de continuer à naviguer dans tous ces genres, du film d’action tel que John Wick 4 au drame intimiste de Tarkovski. C’est dans mes rêves »
De la comédie au drame, Raphaël Quenard aborde ses rôles de la même façon : « pour chaque rôle, il faut l’aborder sérieusement, l’aimer et croire en ce que dit le personnage. On ne joue jamais en dilettante ». Ces dernières années, il incarne dans la comédie des personnages aussi absurdes que déjantés et dans le drame, des personnages durs, froids, allant de l’agresseur sexuel au pervers narcissique. Des rôles jamais évidents, mais ces challenges le motivent. Il choisit ses films avec parcimonie, privilégiant la couleur des personnages, la façon dont sont écrits les dialogues, ainsi que la chance de pouvoir rencontrer des vrais artistes aux univers très prononcés et originaux : « Quentin Dupieux, Michel Hazanavicius, Igor Gostesman sont des inspirations. Ils dessinent des univers qui me passionnent. Quand on me propose un rôle, je lis le scénario comme si j’étais un spectateur. Puis, je me demande si j’aimerais voir ce film. Si c’est le cas, j’y vais. Je découvre encore ce métier. J’espère continuer à l’exercer le plus longtemps possible. En ce moment, il y a pas mal de choix à faire et les paramètres sont différents. Il y a des rôles que j’aime bien mais on décide avec mon agent de dire « non » mais ce n’est pas forcément la nature du rôle qui fait que l’on refuse. Je fais aussi confiance à ce que mon ventre me dicte ».
Dans Coupez ! de Michel Hazanavicius, il interprète Akira, l’ingénieur du son au sein d’un tournage de film zombie catastrophique où rien ne se déroule comme prévu. Devenu malgré lui acteur-zombie pour les besoins d’une séquence, il nous a fait pleurer de rire avec sa chorégraphie zombiesque totalement affligeante : « Nous avons discuté avec Michel et il n’était pas d’accord que j’ai les petits doigts levés et que je fasse des petits bruits « gnia gnia gnia gnia gnia ». Moi, ça me faisait vraiment rire. Finalement, Michel m’a laissé faire comme je le souhaitais. Nous avons fait cette chorégraphie que je sentais bien et ça l’a fait. J’adorais ces petits cris. Ça faisait un zombie bizarre, un zombizarre. Puis, comme c’est une série Z, que le film qu’on tourne en abîme est une belle plantade, le but était de réaliser un truc décalé ».
Un tournage qu’il gardera en souvenir comme « un cadeau du ciel ». Le mot « cadeau » reviendra souvent dans l’interview. C’est ce qui qualifie le mieux Raphaël Quenard, cet émerveillement encore permanent, ce côté enfantin, profondément heureux de ces instants privilégiés.
« Il y avait une ambiance familiale, conviviale sur le tournage de Coupez ! Michel était heureux et son bonheur de tourner ce film irradiait le plateau. Ça contamine de joie tout le monde »
Autre comédie et autre apparition marquante au cinéma, celle dans le film de Quentin Dupieux « Fumer fait tousser » qu’il retrouve donc pour une seconde fois. Il tourne avec Blanche Gardin et interprète un ouvrier dans une scierie, alors que le personnage de Michäel (Anthony Sonigo) se retrouve coincé dans une machine qui broie littéralement son corps. Un sketch d’humour noir hilarant dont Raphaël Quenard a apprécié la folie : « Quentin est un artiste qui me régale au plus haut au point. J’aurais aimé connaître la suite de ce sketch. Quentin c’est un cadeau. Il a un univers particulier, loufoque. Avec mon frère, nous regardons beaucoup de films et notamment ceux de Quentin comme Wrong Cops ou Reality. Nous sommes souvent obligés de faire une pause parce que nous avons des fous rires énormes. Dans Wrong Cops, il y a une des répliques les plus foudroyantes du cinéma : écrire un livre sur quoi ? La situation qu’il dessine, ça me massacre de rire ».
Outre Chien de la casse, Raphaël Quenard est également à l’affiche du nouveau film de Jeanne Herry, Je verrai toujours vos visages. Un petit rôle certes, mais terriblement bouleversant. Il y incarne Benjamin, le grand frère de Chloé (Adèle Exarchopoulos), un frère qui a agressé sexuellement sa jeune sœur dès l’âge de 7 ans. Revenu vivre dans la même ville que sa sœur, cette dernière fait appel à une aide-médiatrice (Élodie Bouchez) pour organiser une confrontation et délimiter des règles de vie commune. Le comédien se confie sur ces deux jours de tournage intense :
« Jeanne Herry est une formidable réalisatrice. Elle est précise. Dans ce film, on redécouvre tous les acteurs et actrices sous un nouveau jour. C’est grâce à la puissance de la direction de Jeanne Herry. Notre séquence est forte car Adèle est une actrice extraordinaire. Il suffit de la regarder. C’est vraiment simple de jouer avec des acteurs de cet acabit. Un cadeau. J’espère rejouer un jour avec Adèle. Dans les paramètres que j’évoquais tout à l’heure, vous ne pouvez pas refuser de jouer dans un tel film, au côté d’une si grande actrice. […] Il y a plein de changements d’axe de caméra dans cette séquence, et ce n’était pas toujours évident de retrouver une émotion à chaque nouvelle prise. Parfois, pour une séquence d’émotion comme celle-ci, on aimerait bien qu’elle soit réalisée sur un seul axe. Néanmoins, je me suis laissé guider par Jeanne et Adèle, par leur puissance ».
Chien de la casse, premier film de Jean-Baptiste Durand
Si vous doutiez encore du talent de Raphaël Quenard, Chien de la casse vous clouera au sol. Ici, le comédien dévoile tout son talent et livre toute la dimension dramaturgique de son jeu. Le film raconte l’histoire d’amitié entre deux jeunes garçons Dog (Anthony Bajon) et Mirales (Raphaël Quenard). Une amitié qui va être mise à mal par l’arrivée d’une jeune fille, Elsa (Galatea Bellugi), avec laquelle Dog vivra une histoire d’amour dans un petit village du Sud de la France, où chacun traîne sa misère entre rêve et idéal à atteindre. Mirales, lui, a beaucoup d’ambition mais surtout beaucoup de gueule. Il parle mais agit peu. Sauf lorsqu’il s’agit de rabaisser son « frère », Dog. Des répliques cinglantes, violentes, sans empathie, on comprend rapidement que Mirales est un pervers narcissique rongé par la jalousie et un égo démesuré. Un personnage rude auquel Raphaël Quenard ne pouvait pas dire non : « C’est un rôle écrit brillamment parce qu’il est complexe. C’est un personnage nuancé qu’on voit sous plusieurs angles, celui du pervers narcissique, celui du gentil garçon attentionné avec son entourage, sa maman, sa voisine, son chien. Il a plusieurs facettes de lui qui sont brossées dans le film. Cette complexité est magnifique, qui est d’ailleurs la complexité de tout un chacun. Jean-Baptiste rentre réellement dans la profondeur du personnage. J’ai eu des partenaires magnifiques aussi. J’ai ensuite essayé de retranscrire tout cela avec justesse, d’être fidèle à toutes les couleurs que Jean-Baptiste lui a donné ».
« Dans cette scène du restaurant, la relation intime-toxique entre Dog et Mirales va s’accroître alors qu’ils sont entres amis et face aussi à la petite amie de Dog. Tout se joue dans cette scène. Tous les enjeux du film convergent vers ce point-là »
Chien de la casse, le 19 avril au cinéma.
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