[CRITIQUE] – MA LANGUE AU CHAT : UN AGATHA CHRISTIE ANIMALIER SAVOUREUX

Quand la disparition d’un chat provoque une succession de crises lors d’une réunion familiale, ça donne « Ma langue au chat ». Une comédie délicieuse, surprenante, où les mensonges longtemps terrés explosent en plein vol. Porté par un casting de héros lâches, peureux mais terriblement attachants, le nouveau film de Cécile Telerman est une franche réussite, un succulent moment de comédie dans laquelle se cachent des drames humains profonds.

Donner sa langue au chat

Les comédies chorales ne sont souvent qu’un assemblage de sketchs incohérents, où les plus grandes stars de l’humour tentent désespérément de faire rire le public. Ma langue au chat réconcilie avec le genre. Cécile Telerman compose un récit intelligent, renouvelant sans cesse sa narration avec des rebondissements comiques et/ou dramatiques malins, permettant ainsi au film de rester dans un rythme fort, qui embarque.
Une réunion entre amis pendant les vacances, des crises existentielles qui révèlent des mal-être intérieurs, des non-dits et des vérités cinglantes qui finissent par être crachés, tout ceci au travers de situations cocasses, le spectateur connaît. Mais la force de Ma langue au chat réside dans ce petit protagoniste à 4 pattes dont la disparition va être le déclencheur d’un théâtre ubuesque. C’est parce qu’un des personnages a accidentellement tué le chat de Laure (Zabou Breitman) que les langues vont se délier et révéler des êtres humains fragiles, perdus, mal dans leur peau, bien loin des sourires et de la bonne humeur auxquels ils se sont accommodés.

Mélanie Bernier incarne une jeune femme vive et débrouillarde qui n’appartient pas à la même classe sociale que les autres, Samuel le Bihan, un célibataire paumé, tandis que Pascal Demolon joue un homme d’affaires dont la réussite a fasciné une jeune entrepreneuse de 25 ans, laquelle ne fera d’ailleurs pas l’unanimité à son arrivée au sein de la maison de campagne. Marie-Josée Croze et Mathias Mlekuz interprètent, eux, un couple qui ne s’aime plus, vit dans le mensonge, tandis que la relation entre Zabou Breitman et Pascal Elbé, où l’usure est visible, cache malgré tout une infinie tendresse et une vraie volonté de vouloir être heureux.

Entre comédie et thriller animalier, Cécile Telerman ne s’interdit rien. Elle traite avec ce whodunit toute une série de thèmes sociaux et soulève des questionnements sociétaux percutants : le passage de la cinquantaine pour les femmes et tout ce à quoi ce cap les confronte, les nouvelles réalités d’une société qui va à toute allure, les malaises que la vie d’aujourd’hui provoque en nous… Il y a un besoin constant de cacher la vérité, parce que la vérité nous fait peur – peur que le regard des autres sur nous change -, parce que la vérité ferait de nous des médiocres, nous blesserait aussi nous ou ceux qu’on aime. Cette disparition devient alors un exutoire. Donner sa langue au chat, se confronter à nos mensonges pour prendre un nouveau départ.

Un casting Miaou !

Pour porter cette comédie, une jolie réunion de talents aux univers différents. Zabou Breitman, Pascal Elbé, Marie-Josée Croze, Mathias Mlekuz, Pascal Demolon, Camille Lellouche, Samuel Le Bihan et Mélanie Bernier forment une merveilleuse troupe, une bande convaincante et attendrissante. Leurs problèmes sont les nôtres. Leurs drames nous touchent, nous émeuvent. Chaque personnage est excellemment caractérisé. Tout les héros du film ont un réellement traitement dramaturgique, une résolution, une place équitable à l’écran avec leur « moment » et tous servent à la fois l’intrigue et un propos sociétal. Une écriture d’une grande finesse qui permet de lier émotionnellement les protagonistes du film aux spectateurs. Puis, il y a aussi dans la caractérisation de ces personnages, une vraie authenticité. En effet, Cécile Telerman a mis un point d’honneur à créer des personnages auxquels le public peut s’identifier.

Certains acteurs transcendent la comédie, à l’image de Pascal Demolon, dont la voix et les gestes grandiloquents, apportent un côté théâtral à des situations comiques pourtant très cinématographiques. Ce mélange des deux mondes offre une mixture parfaite pour relever cette comédie à un tout autre niveau.

Conclusion

Avec Ma langue au chat, Cécile Telerman s’affranchit des codes de la comédie chorale pour élaborer une histoire originale et réaliser un film singulier. À la fois comédie dramatique et thriller à la Agatha Christie, Ma langue au chat séduit par sa narration perpétuellement chambardée et ravivée par des rebondissements inattendus, ainsi que par sa galerie de personnages aussi exaspérants par leurs mensonges que sympathiques par leur envie de bien faire.
En somme, Ma langue au chat est une comédie chaleureuse, parfois émouvante, bien loin des clichés, à la mise en scène chatoonesque : poilant et griffant !

Mon interview avec la réalisatrice Cécile Telerman et les deux actrices Mélanie Bernier et Marie-Josée Crose est à retrouver ici.

Ma langue au chat le 26 avril au cinéma. 

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