MA LANGUE AU CHAT : ENTRETIEN AVEC LA RÉALISATRICE CÉCILE TELERMAN ET LES ACTRICES MÉLANIE BERNIER ET MARIE-JOSÉE CROZE

À l’occasion de la sortie de la nouvelle comédie de Cécile Telerman ce 26 avril, Ma langue au chat, rencontre avec la réalisatrice du film, ainsi que deux des actrices principales Mélanie Bernier et Marie-Josée Croze.

« J’avais envie de parler à travers ce film de la cinquantaine et des femmes de 50 ans » – Cécile Telerman.

Racontez-nous la genèse de ce projet et de cette histoire dont toute l’intrigue tourne autour de la disparition d’un chat…
Cécile Telerman :J’ai un ami, co-scénariste du film (Xavier Daugreilh), qui, après des vacances passées dans notre maison du Sud-Ouest, a trouvé que j’étais très gâteuse devant mon chat. En rentrant de vacances, il m’a appelée en me disant qu’il avait une idée et m’a posé la question suivante : « Qu’est-ce qu’il se passerait si un de tes amis écrasait ton chat ? ». Je trouvais le pitch amusant. J’y ai réfléchi, je me demandais quelle serait ma réaction face à une situation pareille. Mais aussi ce que ferait la personne qui a écrasé le chat : Est-ce qu’elle partirait ? Est-ce qu’elle mentirait ou dirait de suite la vérité ? Ensuite, j’avais envie de parler à travers ce film de la cinquantaine et des femmes de 50 ans, de ce moment où la vie prend une autre tournure. […] L’héroïne du film, interprétée par Zabou Breitman, est peut-être un peu inspirée de moi. Vous savez, lorsqu’on écrit, on s’inspire de soi, de ses proches ou de ce qu’on observe, mais on ne crée jamais une copie conforme de ce qu’on est. […] Nous avons beaucoup travaillé sur la caractérisation de ces personnages et sur ce qu’ils incarneraient de ces facettes de la cinquantaine : le désœuvrement professionnel, la ménopause, la maladie, recommencer une nouvelle vie à 50 ans, repartir de zéro… Nous avons regardé autour de nous et les thématiques qui sont développées dans les média aujourd’hui… Nous avons choisi celle-là.

Le titre du film fait penser à l’expression « donner sa langue au chat », dévoiler la vérité, y être confronté pour les autres. La vérité dans le film, est un ressort à la fois comique et dramatique, c’était un équilibre difficile à trouver ?
CT : Il fallait que chaque protagoniste ait un secret et mente soit par omission, soit positivement. Ce fut effectivement une gymnastique compliquée puisque dès que nous terminions un personnage, qu’il était bien identifié, les autres paraissaient du coup plus bas ou plus terne. Nous devions sans cesse rééquilibrer pour nourrir les protagonistes qui étaient moins caractérisés.

« Ce que je souhaitais surtout, c’est qu’il y ait un happy-end » – Cécile Telerman

Outre l’aspect comédie, le film ressemble parfois à un thriller à la Agatha Christie. Comment avez-vous lié les deux genres ?
CT : J’adore les thrillers. Comme le cinéma français n’est pas tellement d’accord pour que j’en fasse – je suis cataloguée films de femmes, donc comédies de mœurs, – j’essaie de mettre du thriller là où je peux. Habituellement, dans les thrillers, nous découvrons le meurtrier via des outils de police scientifique. Ici, nous n’avions pas ces ressorts. Le personnage de Zabou n’est pas policier. Il fallait biaiser et qu’elle découvre alors des indices autrement. Ce sont les dérapages des autres, qui lui permettent de découvrir la vérité. C’est d’ailleurs souvent ainsi. […] Ce que je souhaitais surtout, c’est qu’il y ait un happy-end. Toutefois, tout le monde ne gagne pas de la même façon. Il y a quelques perdants. Mais globalement, on sort du film avec le sourire.

À certains moments, il y a un côté burlesque, très théâtral, dans la mise en scène et dans la façon dont les acteurs déclament leur texte. C’était un aspect voulu ?
CT : Il est vrai qu’à partir du moment où vous réunissez huit personnes dans un endroit unique qu’est une maison de vacances, qu’il y a cette unité de lieu et de temps, cela fait forcément penser au théâtre. Dans le jeu des acteurs, non, pas du tout.

Marie-Josée Croze : Les premiers jours de tournage, j’ai entendu une scène où je n’étais pas présente et j’ai ressenti ce que vous disiez. Zabou et Demolon, notamment, dans leur voix, m’ont fait penser au cinéma 60-70, à la Claude Sautet. J’avais ce sentiment d’entendre des tonalités d’autrefois. Chacun avait une façon de parler qui n’était pas banale.

CT : Vous avez tous des voix particulières. Vous avez des voix très identifiables. Elles ne sont pas passe-partout.

« Il y a quand même eu un truc dingue avec ce chat, c’est qu’il adorait le melon. On le dirigeait grâce à ça » – Cécile Telerman

L’autre protagoniste important de ce film, c’est le chat. Comment l’avez-vous choisi et dirigé ?

CT : Je l’ai peu choisi parce que les chats ne se dressent pas facilement. Et si vous voulez un chat dressé, vous devez payer un dresseur six à neuf mois avant. Nous n’avions ni l’argent, ni le temps. Nous avons regardé qui était disponible et nous sommes tombés sur une personne avec deux chats, un qui était sociable mais pas dressé, et l’autre qui était dressé mais pas sociable. J’ai fait le mauvais choix. J’ai pris celui qui était dressé mais pas sociable. Je me suis ramassée (rire). De plus, il était terrorisé devant les techniciens. Finalement, nous nous sommes bien marrés même si à chacune des prises avec le chat, nous savions que nous perdrions des heures précieuses de tournage. Parfois même, les prises étaient complètement mauvaises. Nous avons dû refaire certains plans le soir. Il y a quand même eu un truc dingue avec ce chat, c’est qu’il adorait le melon. Donc, nous lui faisions faire certaines choses en l’appâtant avec du melon. Camille Lellouche a eu scène où elle doit faire sortir le chat dehors. Pour y parvenir, elle avait glissé un bout de melon entre ses orteils. Ça nous a fait beaucoup rire.

On découvre les personnages au début du film, via le point de vue du chat. J’imagine que ça faisait partie des scènes difficiles à tourner…
Oui. Je me souviens d’un travelling que nous devions faire. Je me demandais comment nous allions réussir à le faire marcher du point A au point B, en le prenant aussi de face puis de nouveau dans l’autre sens. Il y avait parfois des miracles. Lorsqu’on agitait du melon devant lui, il se dirigeait. Mais la plupart du temps, il n’y avait rien de miraculeux.

Mélanie, Marie-Josée, comment êtes-vous arrivées sur le projet ?
Mélanie Bernier : Cécile avec co-écrit un film qui s’appellait Mine de rien réalisé par Mathias Mlekuz, qui avait été présenté à l’Alpe d’Huez. C’est à cette occasion que j’ai rencontré Cécile. Elle m’a ensuite proposé ce rôle dans Ma langue au chat, durant le premier confinement. Ça faisait du bien de lire ce film, alors qu’eux-mêmes sont confinés dans une maison.

MJC : J’ai remplacé une actrice merveilleuse qui est Emilie Caen. Elle ne pouvait pas le faire puisqu’elle tournait dans Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu ?. Émilie m’a fait lire le scénario. J’avais rencontré Cécile entre temps et j’avais beaucoup aimé notre rencontre. En ce qui me concerne, c’était un accident car personne ne m’aurait vue dans ce rôle-ci. Je n’avais jamais joué un rôle qui ressemble à ce personnage. Je l’ai vu comme un cadeau, comme quelque chose qui n’était pas prévu mais qui me permettrait de tenter ou d’essayer de montrer autre chose.

Puis, Cécile sait exactement ce qu’elle veut. Il n’y a pas de complaisance chez Cécile dans le sens où elle fait tout avec beaucoup d’amour mais elle a une force en elle qui fait qu’elle tient ce film, elle l’a en elle. On n’a pas envie de la trahir. C’était agréable.

« Un film c’est une musique » – Mélanie Bernier

Qu’est-ce qui vous a touchées chez vos personnages respectifs ?
MJC : La nouveauté d’incarner un personnage différent. Ce personnage en crise, qui ne sait pas qui elle est. Elle bouillonne. Elle prend des décisions mais son parcours est compliqué. Puis, elle est un peu une pièce rapportée. Elle n’est que la belle-sœur. À composer, c’est marrant. On peut faire un pas de côté. On n’est pas obligé de rire en même temps que tout le monde. Je me sentais comme excentrée, en décalage, et je le laissais vivre. […] J’ai adoré l’écriture du film. Je suis amoureuse des chats aussi, donc ça ne pouvait pas ne pas m’intéresser (rire). Ce qui nous charme dans un scénario, c’est la cohérence. Si je sens de la bonté, j’y vais. Si je sens de l’intelligence, j’y vais. C’est très instinctif.

MB : Je ressens ce que tu veux dire. Il m’est arrivée que mon agent me propose des projets mais dont je ne comprends pas où le réalisateur veut en venir. Ou un casting. Dans un projet, on ne comprend ni les choix, ni l’harmonie. Un film c’est une musique. […] Ce que j’ai aimé chez mon personnage, qui a plus de profondeur que son apparence, c’est qu’elle est davantage dans l’observation. Elle est discrète. C’est un rôle différent de ma nature. J’ai adoré être dans un physique assez voyant, populaire. Dès qu’on la voit, on pourrait se dire qu’elle va mettre le bordel alors qu’elle est extrêmement fine. Elle a une vraie intelligence humaine, elle est cultivée.

« Poser sa caméra sur quelqu’un, c’est un geste d’amour » Marie-Josée Croze

Ma langue au chat est un film choral. Est-ce qu’il y a une appréhension en tant qu’acteur de tourner dans ce genre de film, se dire vais je-réussir à trouver ma place notamment ?
MB : J’adore la troupe. Je n’ai fait partie d’aucune bande dans ma vie. Ça me plaît aussi dans la vie d’un tournage d’être ensemble à l’hôtel, tous les partages à coté. C’est très joyeux. Sur ce film, c’était le cas. D’autant plus en période de COVID, où nous avons eu le privilège de pouvoir continuer à jouer. Nous étions tous heureux. Tous les comédiens respiraient. Nous étions reconnaissants. Ça a mis de suite une ambiance chaleureuse. Cécile, Pascal et Zabou, qui sont aussi des metteurs en scène, ont amené un leadership, une énergie à laquelle nous nous sommes laissés embarquer. Un film choral, c’est à double tranchant. Ça peut se passer à merveille ou pas. Si des comédiens ne s’entendent pas, s’il y en a un qui est en retard, qui ne sait pas leur texte, ça agace. Là, tous les acteurs partaient ensemble le matin, savaient son texte. Parfois, il y a des jours où certains font de la figuration. Il faut l’accepter aussi. C’est de la générosité.

MJC : Dans votre question, je sens un point de vue artistique : est-ce qu’on a peur de ne pas exister ? C’est là que la rencontre avec le metteur en scène est importante. On sait si on peut faire confiance à une personne en le rencontrant. Cécile avait cette intelligence. Elle en parlait, à l’écriture, elle rééquilibrait. Sur le plateau, nous n’étions pas trahis. Sur un film choral, nous faisons beaucoup de figurations. Mais si tu es avec une personne qui ne te trahit pas et t’aime vraiment, il n’a pas intérêt à ce que ce soit déséquilibré. Chacun des personnages a son moment. Il faut être patient. J’ai fait pas mal de films choral et j’y pense souvent. C’est risqué. […] Une fois, une réalisatrice m’a confié qu’elle ne pouvait pas filmer un acteur avec lequel elle s’était disputée. Poser sa caméra sur quelqu’un, c’est un geste d’amour.

CT : Si un personnage n’a pas une vraie autonomie et épaisseur, il faut le supprimer. Ou bien un personnage existe et donc il faut vraiment le faire exister. Mais les personnages qui ne sont pas développés, ce n’est ni bon pour le film, ni bon pour l’acteur qui l’incarne.

Ma critique du film est à retrouver ici.

Ma langue au chat, le 26 avril au cinéma.

1 commentaire sur “MA LANGUE AU CHAT : ENTRETIEN AVEC LA RÉALISATRICE CÉCILE TELERMAN ET LES ACTRICES MÉLANIE BERNIER ET MARIE-JOSÉE CROZE

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *