LES RANDONNEUSES (TF1) : ENTRETIEN AVEC LA SCÉNARISTE FANNY RIEDBERGER : « Le cancer est toujours un sujet tabou »

Ce 15 mai, la créatrice de la série à succès Lycée Toulouse Lautrec revient avec une nouvelle création originale : Les Randonneuses. Au côté des scénaristes Anna Fregonese et Sylvie Audecoeur et suivi une fois encore par la chaîne TF1, Fanny Riedberger nous raconte l’histoire émouvante de six femmes atteintes d’un cancer ou en rémission de cancer, qui se sont données pour objectif de déposer les cendres de leur amie décédée au sommet du Dôme.

Synopsis :
Six femmes : Sara, Noémie, Patty, Karen, Valérie et Morgan. Six drôles de dames que tout oppose et qui ont l’idée folle de partir en randonnée à l’assaut du Dôme de la Lauze, un sommet de près de 4000 mètres! Des paysages somptueux mais un défi complètement dingue surtout quand on découvre qu’elles sont toutes touchées de près ou de loin par le cancer. Malgré la difficulté des chemins de la montagne, la fatigue, le découragement, les engueulades, le danger, ces randonneuses vont vivre une aventure humaine qui les rapprochera pour toujours.

Racontez-nous la genèse du projet et de cette histoire…
J’ai tendance à écrire des choses que j’ai envie de voir, que je connais et c’est souvent inspiré d’histoires personnelles comme Toulouse Lautrec. Le cancer, à l’inverse, est quelque chose qui me tenait à distance. J’ai été impactée assez jeune par ça. Ma maman est décédée d’un cancer. C’est un mot et un sujet qui me terrifiaient. Je suis très mauvaise cliente lorsqu’il y a des films sur le sujet et que ce mot est prononcé. J’éteins directement ma télé. C’est quelque chose qui me fait très peur et je n’avais ni l’envie, ni l’idée de traiter ce sujet. Je ne m’en sentais pas capable. Un jour, je vaguais à mes occupations avec le journal du JT en fond et j’ai entendu les mots « cancer » « femme » « ascension ». Ça m’a attirée. J’y ai vu deux minutes d’images qui parlaient d’une association « Des sommets pour rebondir » qui permet à des femmes en rémission – contrairement à la série – de se lancer dans des défis sportifs pour se reconstruire et retrouver confiance en soi. […] J’ai trouvé les images sublimes mais surtout c’était bourré de sourires et d’espoir. C’était drôle, beau et gai. Je me suis dit qu’on pouvait parler du cancer joyeusement. Ça m’a donné envie d’écrire sur ça. Petite, j’aurais rêvé pouvoir allumer ma télé et me dire que je n’étais pas seule au monde. Le cancer est toujours un sujet tabou. On a du mal à en parler, ça fait peur… Donc, je suis partie pendant les vacances de Noël et j’ai commencé à écrire la Bible de cette série. Avec l’envie de raconter l’histoire de combattantes, tout en étant dans la véracité des faits parce que parfois ça ne se passe pas si bien. Nous ne sommes pas dans une série édulcorée.

Dans cette série, nous suivons un groupe de femmes ayant un cancer ou sont en rémission. Comment avez-vous travaillé chacun de ces personnages féminins ?

J’avais écrit une pré-Bible pendant les vacances avec une narration à la Lost et plusieurs intrigues. L’intrigue de l’ascension, les péripéties et les difficultés d’être en groupe – car on ne se rend pas compte à quel point c’est difficile de partir entre amis et de se côtoyer tous les jours, elles vont apprendre à se découvrir – et une intrigue B, qui sont ces flashbacks. J’avais à cœur de parler de toutes les aspérités. Le cancer, ce n’est pas que la maladie. Ça crée des dommages collatéraux, ça impacte la famille, le couple. Par exemple, je voulais traiter de la sexualité avec le personnage de Sarah, de la difficulté pour une femme indépendante ayant sa propre boîte de devoir arrêter de travailler, la dégringolade sociale, avec le personnage de Noémie. Avoir 6 femmes nous permettait de le faire.

 Crédit photo : © J-F BAUMARD / HABANITA FEDERATION ENTERTAINMENT /TF1

J’ai co-créé ensuite tous ces personnages avec Sylvie Audecœur et Anna Fregonese. Nous avons planté des personnages que nous avions envie de voir, avec des caractères forts. Puis, de raconter tous ces dommages collatéraux que le cancer provoque.

« Nous ne nous sommes jamais éloignés du sujet principal en ajoutant des artifices pour tenir six épisodes »

Le scénario est composé d’énormément de rebondissements, plus que dans Toulouse Lautrec. Des rebondissements sentimentaux, familiaux, médicaux. Ça nous accroche aux personnages et à l’intrigue.
Nous avons eu la chance d’avoir une chaîne qui nous a suivi alors que le sujet est culotté. Après le handicap, le cancer (rire). J’avais une crainte, que TF1 vienne nous demander d’ajouter des rebondissements rocambolesques avec des meurtres et un tueur en série dans les montagnes. En effet,  Les randonneuses est une série très chronique. Il n’y a pas une intrigue démentielle, l’objectif est que ces femmes parviennent au sommet. Toutefois, en tissant l’intrigue de la montagne et celle de leurs vies personnelles, nous avons réussi à avoir des rebondissements. Il y a des secrets, nous avons envie de savoir si elles vont réussir à atteindre le but, savoir comment certaines vont parvenir à régler leurs problèmes familiaux, etc… Ce sont des rebondissements fidèles à l’idée d’origine. Nous ne nous sommes jamais éloignés du sujet principal en ajoutant des artifices pour tenir six épisodes. C’est pour ça qu’on s’attache aux personnages. C’est toute la force d’une série chorale. Effectivement, plus on avance dans les épisodes, plus on s’attache à elles, plus on est touché.

Etait-ce difficile de réunir ce très beau casting pour tourner une série à la montagne ?
J’ai vécu les pires moments de ma vie (rire). Je me rappelle avoir dit à TF1 que je ne ferai plus jamais de séries chorales avant de leur re-demander si on pourrait en refaire une ensemble. Parce que c’est magique. Mais oui, le plus difficile sur cette série a été le casting. C’était même irréalisable. Réunir six femmes, en plein été, mères de famille, c’est un casse-tête. Ce sont aussi six femmes qui ont des couleurs différentes, et il faut que ça matche entre elles. Puis, je voulais que ça joue. Et de ce côté là, j’ai eu une chance inouïe car ça joue fort. La série est une dramédie. Ce n’est jamais évident comme type d’exercice. Toutes les comédiennes sont à la fois touchantes et drôles.
[…] Comment les réunir, comment faire un plan de travail ? J’ai eu un premier assistant fabuleux, solide, mais rien ne rentrait. Car chacune était sur d’autres projets en même temps. De plus, nous tournions à la montage. Déjà, il y a un train sur dix qui s’annule et, ensuite, il faut monter pour rejoindre l’équipe. Il n’y pas de taxi qui vous emmène sur place. Néanmoins, il n’y a eu aucune concession. Nous ne nous sommes jamais dit que nous allions prendre une autre comédienne pour que ce soit plus simple.

Il y a également des hommes dans cette série : les deux accompagnateurs interprétés par Lucien-Jean Baptiste et Gérémy Crédeville mais aussi deux randonneurs incarnés par Maxence Danet-Fauvel et Baptiste Lecaplain. C’était important d’avoir également des rôles masculins forts dans la série ?

Très. Au départ, je voulais même ajouter un garçon dans le groupe des filles qui aurait eu un cancer du sein. Car oui, ça existe. C’est triste à dire mais ça aurait été porteur de comédie qu’il se retrouve là-dedans. Finalement, ce fut un groupe composé uniquement de filles. Mais à travers ces 4 hommes, j’avais envie d’avoir ce regard un peu naïf qui va évoluer au côté de ces femmes et d’avoir cet aspect de comédie pure. Ici, c’est extrêmement poussé. Il y a des moments très durs et des moments très drôles. Ce groupe était là pour alimenter la comédie et pour apporter de la respiration afin que le spectateur ne soit pas totalement dans le microcosme de ces femmes. J’ai eu des acteurs incroyables comme Baptiste Lecaplain. Gérémy a été une découverte. Je ne le connaissais pas bien et je le trouve fantastique. Il a une grande palette de jeu. Je suis mal placée pour le dire mais ce casting homme est vraiment bon.

Crédit photo : © C.G. JERUSALMI / HABANITA FEDERATION ENTERTAINMENT /TF1

Comme dans Toulouse Lautrec, vous alliez parfaitement drame et comédie. Vous avez travaillé cet équilibre de la même manière sur Les Randonneuses ?
C’est ma maraude. C’est une tonalité que j’aime. Traiter des sujets graves avec ce ton-là, c’est ce que j’aime faire. Puis, c’est un moyen de traiter ces sujets sans faire peur. Comme je le disais tout à l’heure, c’est encore plus poussé sur cette série. Il y a des montagnes russes d’émotions. Et plus on avance, plus on pousse les curseurs. J’ai vu la série 46 fois au cours du montage, et je continuais à rire à gorge déployée et à pleurer à chaudes larmes dans certains épisodes.

« Dans la série, l’environnement est un personnage à part entière »

Où a eu lieu le tournage et comment s’est-il déroulé ?
Nous avons tourné à La Grave dans les Hautes-Alpes. Il y a eu un gros travail de repérage. Le tournage, lui, s’est extrêmement bien déroulé. Nous avons eu de la chance. Ce n’était pas évident de partir aussi loin, savoir si la météo serait bonne, etc. Nous devions tourner la dernière séquence de la série, au sommet, en premier pour avoir encore de la neige. Commencer par les hauteurs, à 3000 mètres d’altitude, les comédiens rentraient directement dans le dur. Arrivés là-haut, il y a eu une tempête. Autant vous dire que c’était le bizutage du tournage. Mais ça a permis de souder le groupe. Les montagnes en été, c’est fantastique. Dans la série, l’environnement est un personnage à part entière. C’était notre souhait. C’est important car ça donne du souffle et de l’énergie, de la vie, de l’ouverture à leur histoire.

[…] Sur un tournage comme celui-ci, tout est plus complexe, que ce soit d’un point de vue logistique ou matériel. Cependant, le réalisateur Frédéric Berthe a su gérer tout ça. Nous avons aussi beaucoup discuté de la direction artistique, de nos envies. Nous avons travaillé main dans la main, de la pré-production jusqu’à la post-production. Mais il a de suite compris ce que je voulais voir. C’était confortable car je savais que nous allions au même endroit.

Mon interview avec la comédienne Tiphaine Daviot est à retrouver ici.

Les Randonneuses, dès le 15 mai sur TF1.

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