FAST AND FURIOUS 10 : FRÉDÉRIC VAN DEN DRIESSCHE FAIT DE NOUVEAU RONRONNER SA VOIX : « La voix est un marqueur dans la mémoire des gens »

Fast and Furious 10 (renommé aussi Fast X) s’apprête à déferler dans les salles obscures et, avec lui, des cascades toujours plus invraisemblables, des courses de voitures toujours plus folles et des bastonnades à en décoller des mâchoires. Chaque sortie au cinéma d’un épisode de la franchise initiée par Universel est un petit évènement. À cette occasion, nous avons échangé avec Frédéric Van Den Driessche, le comédien qui prête sa voix à Vin Diesel depuis le quatrième opus de la saga. Celui qui double également l’acteur américain Liam Neeson depuis une quinzaine d’années, évoque en toute sincérité son travail sur Fast and Furious et la manière dont il a abordé le personnage de Dominic Torreto (Vin Diesel).

« Il y a quelque chose dans l’œil de Vin Diesel qui m’intéresse et que je comprends »

Vous êtes arrivé sur la franchise Fast and Furious et vous avez prêté votre voix à Vin Diesel à partir du quatrième volet de la saga. Avant vous, c’était le comédien Guillaume Orsat. Savez-vous pourquoi il y a eu un changement de voix sur Vin Diesel ?
Pour être honnête, je n’en ai aucune idée. J’ai été moi-même étonné que l’on me propose ça car, habituellement, on ne change pas de voix sur une série en cours. Mais je n’ai pas cherché à savoir pourquoi. Quand j’ai passé les essais pour Fast and Furious et que j’ai vu ce gaillard apparaître à l’écran, je me suis demandé comment j’allais remplir un bonhomme pareil. J’étais assez effrayé. Puis, j’ai vu qu’en descendant un petit peu ma voix et en la posant tranquillement, nous pouvions avoir la tessiture qui correspondait à la carrure de Vin Diesel. J’ai pris beaucoup de plaisir à le doubler. Je suis ravi de partager ces opus très régulièrement. C’est un beau rendez-vous avec un acteur et des projets que beaucoup ont moqués intellectuellement. Ce sont des films qui marchent et, je ne pense pas que l’on fasse dix opus sur des bides. On peut critiquer plein de choses, bien entendu, mais le projet, les bagnoles et ce côté chrétien-famille, c’est touchant et populaire. Finalement, il défend – même si c’est de manière simpliste – de belles valeurs. Il y a quelque chose dans l’œil de Vin Diesel qui m’intéresse et que je comprends. Ce n’est pas un mauvais acteur. Quand vous avez des muscles, les gens pensent que vous n’avez rien dans la tête. Il a en plus dans la tête que ce que l’on imagine. Il a une tendresse qui me touche. Vous savez, nous ne doublons pas des personnages, sans comprendre l’homme derrière l’acteur.

J’ai passé les essais sur une scène d’action et une scène de sentiments. Deux séquences diamétralement opposées mais ça permet de voir si nous sommes aptes à gérer ces deux aspects.

De quelle façon avez-vous abordé le travail vocal de ce nouvel acteur, qui est très différent de Liam Nesson, ne serait-ce qu’au niveau de la corpulence ?

Notre façon d’aborder les gens n’est pas très intellectuelle, comme on peut le penser. C’est très instinctif. Je suis parti dans cette base vocale que j’évoquais plus haut, car elle me semblait la meilleure option au vue de sa carrure. Je l’ai écouté en anglais. Son personnage est calme, posé. Pour correspondre à sa tessiture et son phrasé, je me suis aperçu qu’il fallait que je prenne mon temps. Je suis quelqu’un de volubile, c’est quelque chose loin de moi. D’instinct, je l’ai fait comme je le ressentais. […] Nous prenons quelques tics des acteurs derrière le micro, par mimétisme. Cependant, même si nous essayons d’aller au plus près du personnage, nous ne faisons que colmater, nous sommes l’à peu près. Mais nous sommes toujours un peu en-deçà de la vérité. Ne serait-ce que par la langue.

Image : Captain Vin Diesel !
Crédit photo : © Universal Studios. All Rights Reserved.

En anglais, trois mots seront exprimés de manière différente, de par l’intonation. En français, l’accent tonique est final. C’est d’ailleurs pour cela que nous avons inventé le vers racinien. Nous exprimons les choses avec plus de mots. Or, dans ces films, les personnages ne sont pas des bavards. Donc, c’est la difficulté d’un personnage comme Dominic Torreto. Nous avons parfois trop de mots pour exprimer ce que lui fait avec.

« Pour doubler un personnage au mieux il faut l’aimer »

Il y a parfois des répliques et, ça fait partie de l’ADN de Fast and Furious et de pourquoi nous aimons ces films, très virilisées, à la limite du ringard. J’imagine qu’on s’amuse sur le doublage de ces films-là ?
On ne peut que s’en amuser. Si nous prenons ça au premier degré, ça devient compliqué. Nous travaillons sérieusement, mais nous sommes amenés à dire des répliques qui sont des caricatures de la caricature. Pour se détendre, et pour se donner aussi une justification à soi-même, nous rions beaucoup. Mais il faut être sincère au moment où l’on double. J’y vais à fond. Que ce soit dans l’action ou dans l’émotion, lorsqu’il parle à sa femme ou à ses enfants. Ce n’est pas à moi de juger sur l’instant T. Je ne suis pas pour être supérieur à son personnage et avoir une attitude condescendante. J’ai toujours eu à cœur de défendre mes personnages, en doublage ou en tant que comédien, et de les aimer. Pour doubler un personnage au mieux il faut l’aimer, le comprendre et le sentir.

Est-ce que vous recevez des indications d’Universal sur le doublage ? Et, est-ce difficile de travailler sur des films comme celui-ci ou avez-vous accès à l’entièreté des images pendant les prises de doublage ?
Je n’ai pas directement d’indications de la part d’Universal. C’est davantage le chef de plateau qui en reçoit. Toutefois, depuis le temps que je double Vin Diesel sur Fast & Furious, si quelque chose n’allait pas, je le saurais. Mais je reste ouvert à toutes suggestions, s’il y a besoin. Si cela permet de nourrir le personnage, aucun problème. Néanmoins, Universel est tatillon sur certaines phrases, des mots, et c’est normal. C’est un travail d’équipe, pour rendre aux spectateurs le meilleur résultat possible.

Sur le doublage en lui-même, nous avons toutes les images. Seulement, certaines ne sont pas terminées au niveau des effets spéciaux. Mais effectivement, ce n’est pas toujours le cas. Sur le Tintin de Spielberg, je doublais Rackham Le Rouge, c’était très compliqué. En prises de vues réelles, c’était Daniel Craig qui jouait ce personnage. Au doublage, je ne voyais que la tête de l’acteur dans un rond avec des petits points blancs. C’était troublant pour totalement s’immerger aussi dans l’univers du film car ça compte énormément. Nous avons dû refaire beaucoup de prises. C’était la première fois que je voyais un tel secret sur un film.

Image : Jason Momoa est le nouveau vilain de la franchise.
Crédit photo : © Universal Studios. All Rights Reserved.

Dès le 4ème volet, la franchise Fast and Furious a pris une tournure plus grandiloquente. Comment vous percevez l’évolution de la saga et êtes-vous friand dans ce genre de films ?
Quand ça repasse à la télévision, j’aime les revoir pour constater le travail que j’ai fait. Donc, je découvre à posteriori, les films que j’ai doublés. Mais je n’ai pas une passion énorme pour ces films. Même si je prends un énorme plaisir à travailler dessus. Mais c’est pareil pour tout ce que je fais. Je ne suis jamais très content de ce que je fais. Ça finit par être plus une douleur qu’autre chose, alors j’arrête de me regarder ou de m’entendre.

Il est vrai que la franchise a pris un tournant assez invraisemblable mais je trouve ça drôle. Ils font du vrai entertainment américain. Les gens en ont pour leur argent et ils s’amusent. C’est comme un grand huit avec cette touche profonde et familiale. Les spectateurs doivent s’y retrouver.

« Je suis ému lorsqu’on me parle de ma voix »

Est-ce que les jeunes comédiens et comédiennes avec qui il vous arrive de tourner, sont impressionnés de jouer aux côtés de la voix de Vin Diesel et Liam Nesson ?
Celui qui est le plus impressionné, c’est moi. Qu’on puisse me reconnaître à ma voix, c’est toujours une surprise. D’autant que je n’ai pas la voix de Vin Diesel car je la modifie pour le doublage. Donc, je suis étonné. Pas plus tard qu’il y a deux jours, je rentre dans une boulangerie, je dis « Bonjour », une femme se retourne et s’exclame : « C’est l’acteur qui double les acteurs ! ». C’est incroyable ! La voix est un marqueur dans la mémoire des gens. La voix est quelque chose d’intime, de particulier, pour tout à chacun. […] Je suis ému lorsqu’on me parle de ma voix. Nous n’entendons pas notre propre voix. Tout le monde me disait que j’avais une belle voix et c’est devenu un problème. Car au théâtre, par exemple, je ne faisais plus que de la voix je n’étais plus à l’intérieur moi. Je me sentais partir dans quelque chose qui ne me correspondait plus. La voix est un atout qu’il faut oublier. Chaque fois que je rentre dans un studio de doublage, je me dis : « Et si cette fois, je ne réussissais pas ? ». C’est un trac qui me sert. Je me mets en fragilité et en accueille de ce que je vais voir en image, disponible pour faire vivre les personnages.

Au téléphone, il est vrai que j’ai plus l’impression de parler avec Liam Nesson que Vin Diesel…
Absolument. Il y a plus de transformations sur Vin Diesel. Puis, avec l’âge, je me rapproche davantage de Liam Nesson que de Vin Diesel. Avec le vieillissement, j’ai moins de difficultés à doubler Liam.

Qu’est-ce que vous aimez chez l’acteur Vin Diesel ?
J’aime l’humour qu’il met dans ce qu’il fait. Il n’est pas dupe sur ses productions. Et je vois derrière son œil, je sens comme un sourire, où il s’amuse à donner à son public ce qu’il attend. C’est généreux. Je suis sûr que c’est un bon camarade, un gars bien, je le sens.

BONUS : Rien à voir avec la saga Fast and Furious mais je me devais de vous poser la question. Il y a une réplique culte dans le film Taken, qui a fait le tour du monde, reprise partout, même pour des parodies, c’est la séquence au téléphone : « Je vous chercherai, je vous trouverai et je vous tuerai ». Racontez-nous les coulisses de cette séquence…
Lorsque j’ai passé les essais pour le film, ce personnage m’a tout de suite plu. Nous avons tourné ça dans les studios de Besson, en Normandie. J’étais impressionné. À l’époque, je ne faisais pas beaucoup de doublage. C’était mon premier gros blockbuster, et je sentais bien que c’était un film qui se développerait en franchise. Il y avait donc un challenge pour moi.

Le premier jour, où intervient cette réplique, je voyais le metteur en scène du film (Pierre Morel) qui n’arrêtait pas de se frotter la tête pendant que je doublais. C’était épouvantable pour moi parce que j’avais l’impression qu’il souffrait de m’entendre doubler ce personnage. C’était une matinée horrible. À la pause de midi, je suis allé le voir et je lui ai dit que j’avais l’impression qu’il souffrait atrocement et que si ça n’allait pas, je pouvais repartir, qu’il n’y avait aucun souci. Il m’a regardé et m’a répondu : « Tu rigoles, c’est génial ! J’avais la sensation de l’entendre. Tu colles parfaitement ». En réalité, il se tenait la tête dans les mains parce qu’il était concentré.

« Si vous relâchez ma fille maintenant, j’oublie tout, ça s’arrête là et je vous laisserai tranquille. Je ne vous poursuivrai pas. Mais si vous la gardez, je vous chercherai, je vous trouverai et je vous tuerai ! »

Vous attendiez-vous à ce que cette réplique devienne culte ?
Non. Pour nous, au départ, ce n’est qu’une phrase parmi tant d’autres. Mais avec le recul, il est vrai que dans cette phrase, vous avez un concentré en trois mots d’un film d’action comme on les aime. Puis, c’est un père qui va sauver sa fille. Ça touche tout le monde. Quand vous dites cette réplique : « Je vous chercherai, je vous trouverai et je vous tuerai », vous avez raconté tout le film. Pour autant, ça ne dévoile rien. C’est devenu culte parce que Liam le dit à merveille et que je pense que je ne l’ai pas loupé au doublage. Il y a ce poids des mots. Ils sonnent grave. Et la réplique suivante : « Bonne chance », prononcé ensuite par le méchant, ajoute aussi une tension extrême.

Fast and Furious 10 sortira le 17 mai au cinéma.

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