LE PROCESSUS DE PAIX : DISCUSSION AVEC CAMILLE CHAMOUX ET LE RÉALISATEUR ILAN KLIPPER

La comédienne Camille Chamoux et le réalisateur Ilan Klipper confient quelques mots autour de leur nouvelle comédie, co-écrite ensemble, Le Processus de Paix.

Synopsis :
Quand on s’aime mais qu’on ne se supporte plus, qu’est-ce qu’on fait ?
Marie et Simon sont profondément amoureux, malgré les disputes constantes dans leur vie de couple. Pour ne pas se séparer, ils se lancent dans une aventure un peu folle : établir une liste de règles qu’ils devront suivre coûte que coûte. Ils l’appellent la charte Universelle des droits du couple.

D’où est venue l’idée du film et de la charte Universelle des droits du couple, composée de 10 règles ?
Ilan Klipper : D’une question simple et universelle : comment on fait quand on s’aime et qu’on ne se supporte plus ? Lors d’un rendez-vous avec Camille, elle me confie son envie d’écrire un scénario qui s’appellerait LA PAIX. Elle voulait partir de cette idée que dans un monde déjà assez dur et où tu aspires à un peu de calme en rentrant chez toi, la guerre continue à la maison avec celui ou celle qui partage ta vie ! On était tous les deux en couple, à se poser les mêmes questions. On s’est alors lancé dans l’écriture.

Pour la charte, c’est une rencontre qui nous a permis de lancer l’idée. Une rencontre avec un ami de Camille à qui nous avons parlé de notre travail. Il nous a alors raconté sa propre expérience de parent homosexuel : ayant fait appel à Co-parents, un site de rencontres créé au départ pour les gays et les lesbiennes et qui, progressivement, a vu apparaître de plus en plus de femmes en quête, elles aussi, d’un géniteur. Le tout sans être en couple, ni habiter ensemble. Le premier truc qu’ils font, c’est d’établir une charte pour poser les règles essentielles de l’éducation. Ça a tout de suite fait tilt en nous. C’est là qu’est née l’idée que notre couple – qu’on voyait comme deux gosses hyper émotifs – essaie de rattraper le coup en tentant d’élaborer eux aussi une charte et de s’y tenir.

Pour la petite anecdote, j’ai des amis qui ont écrit une charte. Elle est exposée dans leur couloir. Il s’était rendu compte que des choses n’allaient pas dans leur couple et qu’il fallait un cadre.

« Finalement, on pourrait dire que c’est une comédie romantique à rebrousse-poil » – Camille Chamoux

Vous avez réalisé un film très engagé, notamment sur la place de la femme dans le couple, dans le travail et même dans la littérature avec une séquence au restaurant qui est un pur bonheur.De quelle façon vous qualifierez votre comédie ?
Camille Chamoux : Je dirais que c’est une comédie romantique avec des vraies personnes d’aujourd’hui, dans la société d’aujourd’hui. Toutefois, je ne suis pas persuadée que nous ayons eu envie de dénoncer des choses à tout prix. Nous aimons tous les deux la comédie romantique. Néanmoins, pas selon des prototypes ou des clichés. Nous sommes partis de personnages originaux. Après, le film a cette singularité qu’ils sont déjà en couple. Ils doivent échapper à la séparation. Finalement, on pourrait dire que c’est une comédie romantique à rebrousse-poil. Les personnages féminins, dans les comédies romantiques, sont souvent surannées, là les deux personnages ont la même dose de rapport au romantisme. C’est peut-être moins genré dans le rapport à l’amour.

J’évoquais la séquence au restaurant.Je me suis demandé si le personnage campé par Jean-Paul Bezzina, aux positions très archaïques, n’était pas le reflet d’un certain Frédéric Begbeider. Est-ce le cas ?
IK : C’est une contraction de deux écrivains, Frédéric Begbeider – que vous avez cité – et Emmanuel Carrère. Au même moment venait de sortir son livre « Yoga » dans lequel il expliquait que, suite à une dépression, il avait quitté sa femme pour se mettre en couple avec une fille plus jeune. Nous trouvions cela bizarre de raconter ça dans un livre de nos jours.

CC : Il n’y avait pas la volonté de désigner une personne à tout prix mais plutôt de dénoncer une façon de penser, qui nous semble totalement dépassée dans un monde où, de plus en plus, les hommes s’investissent et osent prendre des positions féministes avec intelligence.

Ce que j’aime aussi, c’est que c’est un film où les personnages hommes comme femmes assument tout. Ils assument leurs coups de gueule, leurs envies, cèdent parfois à leurs pulsions, colériques ou sexuelles…
IK : J’ai beaucoup de plaisir pour les comédies où les choses sont dites de manière générale. Est-ce que le fait de formuler nous permet de mieux exprimer ses désirs ? Je n’en sais rien. Mais c’est cette réflexion qui nous a amené à avoir des personnages décomplexés, où les choses sortent immédiatement. C’était aussi porteur de comédie. […] Nous sommes également dans un cercle familial. Nous entendons la mère et le beau-frère parler de sexualité, nous sommes dans une cellule nucléaire donc, dans cette cellule-là, les choses peuvent se dire plus facilement.

CC : Nous avons travaillé sur le film d’un point de vue humoristique, dès que l’on peut, mais nous avons surtout eu envie de développer sur la difficulté de communiquer et donc le flot verbal que cela implique parfois d’essayer de dire ce que l’on pense, de se faire écouter ou entendre, d’être compris. Nous passons alors par tout un tas d’émotions que nous ne maîtrisons pas forcément. […] Je suis contente que vous disiez cela, car j’avais peur que le personnage de Marie soit celle qui parle trop, qui s’énerve le plus. Alors que c’est bien l’ensemble des personnages qui sont soumis à leurs pulsions, à leurs colères, à leurs humeurs. Et cela m’agace quand on ne retient ce trait de caractère que chez les femmes. Tout le monde est en proie à des difficultés et sans filtre.

« Ce qui se passe dans ta relation amoureuse influe ton humeur sur tous les autres » – Ilan Klipper

C’est très intéressant que les bons et les mauvais moments du couple, se répercutent sur leur travail. Damien, par exemple, parle avec engouement de réconciliation, de réunification, de paix face à ses élèves. De quelle manière est née cette jolie idée scénaristique ?
CC : Ce sont effectivement des personnages qui sont dans la transmission. Lui, en tant que professeur, et elle en tant que chroniqueuse radio. Ce sont des personnages qui sont dans la communication, face à un public. C’était alors drolatique d’avoir ce principe de vases communicants entre eux, qu’ils soient poreux dans leurs états et que cela se répercute face à leur audience.

IK : Nous nous sommes rendus compte avec Camille, l’un ou l’autre, qu’après une engueulade dans notre couple et que si elle n’avait pas été réconciliée, le lendemain, tout était horrible dans notre boulot. Nous n’étions pas concentrés. Tout était sombre et désagréable. Ce qui se passe dans ta relation amoureuse influe ton humeur sur tous les autres. C’est ainsi que cette idée scénaristique est née.

C’est Damien Bonnaire qui joue l’époux de Marie. Pourquoi le choix s’est-il porté sur Damien ?
CC : Un jour, je l’ai vu rentrer dans un bar, alors que nous étions encore en écriture du film avec Ilan. Il sortait des Misérables et commençait à avoir une notoriété montante. Je le voyais tout empêché. Il ne parvenait pas à commander un verre. Personne ne l’écoutait au bar. De loin, Damien avait l’air maladroit, hyper touchant. Je me suis dit que Simon, c’était lui. J’en ai parlé avec Ilan, qui le connaissait un peu, et ce fut assez évident. Il a ensuite lu le script, ça l’a beaucoup fait rire et il adorait ce que ça racontait.

Comment avez-vous imaginé et conçu l’environnement où vivent Marie et Simon ?
IK : Nous tournions en hiver et il nous fallait un appartement où il n’y ait pas trop de fenêtres afin de conserver une lumière constante. Par rapport à la décoration, nous voulions quelque chose qui ressemble à un appartement de classe moyenne, à celle d’une famille lambda, avec des dessins d’enfants partout et qui soit aussi un peu en bordel. Je voulais qu’on ressente qu’ils aient eu assez d’argent pour acheter un grand appartement mais pas suffisamment pour terminer les travaux.

CC : C’est un vaste open-space avec un grand plan de cuisine au milieu, autour duquel ils tournoient, où ils s’engueulent, où les enfants tournent. C’était l’idée de les démunir d’un espace privé. Mais aussi qu’on ait l’impression que, dès qu’il y a un peu de bordel quelque part, c’est le bordel partout. Que ce soit contagieux. Dès qu’on a une petite famille, tout le monde est partout. C’est difficile d’avoir un espace pour chacun. Il y a un côté bunker d’ailleurs. Nous pourrions y voir un élément métaphorique. C’est la disparition de l’intimité.

Au début, il y une réplique sur votre tenue. Est-ce un petit clin d’œil au personnage de Chatalere que vous avez incarné dans La Flamme et Le Flambeau ?
CC : Ce n’était même pas fait exprès (rire). Mais il est vrai que chaque fois que je vois le début du film, j’y pense. Vous savez pourquoi nous avons cette scène ? C’est parce que Ilan et moi, nous nous sommes demandé ce qui représentait le mieux l’intimité dans le corps ? Réponse : une personne qui est en T-shirt, cul nu. Le T-shirt pour ne pas choper un rhume et cul nul parce que c’est confort. Pour nous, c’était l’image de l’intimité.

IK : Puis, dans les comédies américaines, nous voyons souvent le sexe des hommes, rarement celui des femmes.

Ma critique du film est à retrouver ici.

Le Processus de Paix, le 14 juin au cinéma.

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