Jeanne et Aslan Paul Saintillan offrent avec Fifi un film d’une générosité folle. L’histoire d’une adolescente, laquelle cherche à s’échapper de son quotidien, et d’un étudiant perdu, qui lui ouvre sa porte. Une échappatoire suspendue dans le temps, portée par deux comédiens extraordinaires.
Fuir le quotidien et l’avenir
Jeune adolescente de 15 ans, Sophie (Céleste Brunnquell), dite Fifi, cherche le calme. À l’aube de l’été, elle est enfermée dans son HLM, en compagnie de ses parents, ses sœurs et son petit-frère, et vit dans une ambiance chaotique. Coups de griffes, engueulades, rivalités, chamailleries, cris d’enfants, l’appartement est un véritable cirque familial. De son côté, Stéphane (Quentin Dolmaire), 23 ans, débarque chez ses parents, en vacances pour l’été, afin de réfléchir à son avenir. Bien qu’actuellement en études de commerce, ce dernier ne semble pas épanoui et cherche encore sa voie. Lorsque Sophie croise Jade (la sœur de Stéphane), son ancienne amie d’enfance, elle saisit l’opportunité : lui voler les clés de sa maison pour s’échapper de son quotidien bruyant.
Quand Sophie et Stéphane se heurtent, c’est avant tout deux âmes perdues, fatiguées, en pleine introspection qui se rencontrent. C’est leur profonde solitude qui les rapproche, instantanément. S’installe chez eux une complicité évidente, simple, affectueuse. Entre deux confidences, quelques balades et le travail (Sophie et Stéphane enveloppent à la maison des prospectus pour une association) règne le silence.
Là où l’appartement de Sophie est assourdissant, la réalisatrice Jeanne Aslan et le cinéaste Paul Saintillan développent un second environnement calme, où une certaine forme de sérénité se dégage, propice à la réflexion. C’est d’ailleurs ici que Sophie et Stéphane se parlent, se confient l’un à l’autre, sans jugement, sans censure. Fifi est un film qui prend son temps. Les silences et les dialogues posés, apaisés, presque immobiles, sont assez rares au cinéma. Et ça fait du bien ! Deux aspects que mettent à profit Jeanne Aslan et Paul Saintillan dans une réalisation tout en finesse, d’une simplicité magnifique où s’épousent à merveille la violence d’un lieu de vie oppressant et un cadre relaxant, porté par la nonchalance d’un Stéphane réconfortant.
Image : Fifi entourée de sa famille.
Crédit photo : New Story
Car si le chaos domine son esprit, Sophie trouve chez cet étudiant maladroit une sécurité, une attache émotionnelle à laquelle se raccrocher en cas de besoin. La beauté de leur relation réside-là, dans la pudeur de leurs ressentiments et leur sentiments.
Dans leur façon de jouer, Céline Brunnquell et Quentin Dolmaire imposent un authentique tempo. Comme si les dialogues n’étaient pas écrits et que les deux comédiens avaient une réelle discussion. Ils n’interprètent pas, ne jouent pas la comédie, ils vivent l’instant. Nous assistons alors à des joutes verbales souvent informelles pour le cinéma, maladroites, délicates, sensibles, entre rires et émotions sincères. Les regards transpercent, les blancs sont gracieux. Les deux réalisateurs filment leurs échanges en évitant le plus possible le champ/contre-champ pour optimiser la chaleur de leurs discussions et appuyant ainsi la profondeur dramaturgique de leurs réflexions/silences.
Image : Fifi et Stéphane en plein rangement.
Crédit photo : New Story
Le film est à l’image de ses deux héros, il y a une tendresse, une légèreté, une nostalgie, une détresse qui touche.
Ils résument à eux deux, toute la complexité de la vie, la complexité de trouver sa place au sein de sa famille, de trouver sa place dans le monde, d’accepter d’être, d’accepter de douter, de prendre des chemins différents, d’aimer. Si les questions sont philosophiques, Fifi n’en reste pas moins un long-métrage lumineux, solaire, plein d’espoir, adressant un message fort : se réaliser et réaliser ses rêves.
Conclusion
Avec Fifi, Jeanne Aslan et Paul Saintillan ont confectionné une Madelaine de Proust. Une exquise confiserie, agréable à l’œil mais aussi à l’écoute, par ses dialogues sculptés et harmonieux. Fifi est l’exemple du parfait mélange : tragédie sociale et comédie dramatique.
Quant à Céline Brunquell et Quentin Dolmaire, ils se révèlent. Ils dévoilent des interprétations hors-normes et façonnent un duo charmant et émouvant.
Fifi, le 14 juin au cinéma.