Synopsis :
À la mort d’un prêtre, la chancelière du diocèse découvre abasourdie qu’il s’agissait d’une femme ! Contre l’avis de son évêque qui souhaite étouffer l’affaire, elle mène l’enquête pour comprendre comment et avec quelles complicités une telle imposture a été possible…
Le cinéma est un art puissant. Parfois, il fait peur car il ose, dénonce, prend position sur des sujets sociétaux forts. Et des sujets sensibles auxquels l’Église ne souhaite pas se confronter réellement, il y en a un nombre incalculable. Avec « Magnificat », adapté du roman de Des femmes en noir d’Anne-Isabelle Lacassagne, la réalisatrice Virginie Sauveur s’attaque à la position des femmes prêtres au sein de l’Église catholique dont le Vatican tente encore d’ignorer l’existence. Un film captivant, aux opinions assumées, profond et délicat à la fois.
Éveiller les consciences
Tout commence par une situation cocasse. Le prêtre d’une paroisse décède et, la chancelière du diocèse, Charlotte, incarnée par Karin Viard, apprend qu’il s’agissait en réalité d’une femme. En présence d’une telle introduction, nous aurions pu imaginer une comédie. Une pure comédie française au milieu de séquences délirantes et de moments absurdes, mettant en scène un Christian Clavier surexcité par cette annonce, apeuré de perdre sa place au sein de l’Église, et entouré de protagonistes secondaires haut en couleur pour qui la supercherie n’est finalement pas si grave. Mais c’est par le biais d’un drame que cette histoire est contée. Tant mieux, au demeurant. Avec ce ton grave, le film permet de mettre davantage en lumière les dysfonctionnements de l’Église catholique et de prendre conscience des dilemmes auxquels elle doit faire face.
Comme avec l’homosexualité ou la transidentité, L’Église vit dans un déni archaïque. Un déni qui lui coûte cher. En effet, les églises se vident de paroissiens et connaissent aussi une crise de vocations sans précédent. « L’Église doit évoluer sinon elle mourra » souligne Charlotte dans un dernier acte tonitruant. Une joute verbale entre l’éveil, personnifié par la chancelière et, le passé, allégorisé par un François Berléant imperturbable en vieux prêtre acariâtre. Cette phrase sonne pourtant comme une évidence. Les dernières déclarations du Pape ou les scandales permanents entourant l’Église catholique découragent les derniers croyants de s’engager pleinement dans leur foi, de pratiquer leur religion assidûment et de se rendre régulièrement à l’Église. Moderniser l’Église devient alors, pour Charlotte, un acte de foi, un acte d’espoir. À travers cette péripétie singulière, à travers la mort de ce prêtre devenu homme pour s’engager, il y a des vérités, des non-dits qui explosent, une envie d’y croire, croire que ces bouleversements sont une opportunité.
Charlotte, dans l’œil de Karin Viard, nous y persuade. Elle nous embarque dans une enquête christique, philosophique et sociétale où ce vieux monde, machiste et misogyne, s’effrite sous nos yeux. Une fatalité à laquelle Charlotte est impuissante, au point de rêver, d’halluciner un nouveau monde dans une dernière scène choc.
Charlotte se débat dans cet océan d’hommes dépassés. Son acharnement est troublant, émeut. Elle cabotine dans cette enquête pour, en parallèle, imposer sa vision contemporaine de ce que doit être l’Église du XXIème siècle. Karin Viard, somptueuse, incarne cette chancelière prête à soulever des montagnes, avec une force inébranlable et une grâce folle. Un nouveau rôle marquant dans une carrière déjà si riche.
Crédit photo : Alba Films
Si la comédie est proscrite dans ce drame ecclésiastique, la réalisatrice se dote néanmoins d’un humour noir très piquant, cinglant (« Vous croyez bien que Marie était vierge. Pour un médecin, vous pensez bien que c’est dur à avaler »). Cela ajoute un caractère incisif à ce polar aussi sombre que lumineux. Car, bien que le catholicisme campera solidement sur ses positions, il y a chez les personnages secondaires qui composent le récit, une lueur d’espoir. De part leur ouverture d’esprit, ils parviennent à ne pas étouffer le film dans une violence verbale et morale souvent lourde à encaisser. Ne rien attendre des institutions est sûrement le message le plus difficile à essuyer. Cependant, la révolution des cœurs et des esprits, suffit à croire en l’avenir.
Karin Viard, mère de famille
Magnificat développe également une sous-intrigue, qui se mêle de façon très intelligente à l’arc narratif principal. Alors qu’elle cherche à découvrir la vraie identité de ce prêtre décédé, Charlotte entraîne son fils dans un road-trip rétrospectif. Le jeune garçon est en pleine crise. Il veut connaître l’identité de son père. Au-delà de la simple enquête, le film construit un deuxième chemin, en complément du premier, celle d’une quête identitaire d’un adolescent qui cherche à trouver sa propre voie. Son rapport à la religion est inexistant, mais c’est dans la foi qu’il trouvera une forme de rédemption, un salut, une paix.
Crédit photo : Alba Films
Cet aspect familial de Magnificat allègue à l’histoire une tendresse élégante, d’une mère rongée par le secret, la culpabilité et le désir profond d’un fils meurtri de ne pas savoir d’où il vient. Une sous-intrigue pertinente, où se dessine une route vertigineuse que deux êtres qui s’aiment doivent emprunter pour s’élever.
Conclusion
Virginie Sauveur ne fait aucune concession dans ce film tranchant, brut, plein de convictions et de belles intentions. Elle s’oppose à une vision du monde, dominée par la peur des hommes, avec autant d’assurance et de férocité que celles dont fait preuve la désuète société religieuse. J’en veux pour preuve cette dernière image du film, qui en perturbera plus d’un.
C’est brillant, adroit, visuellement sobre, parfois délavé – à l’image d’une Église en péril – et rondement mené par des comédiens et comédiennes investis d’une mission sacrée.
Mon interview avec la réalisatrice du film, Virginie Sauveur, est à retrouver ici.
Je viens de voir le film , j’ai beaucoup aimé, les acteurs sont formidables, le sujet est traité avec finesse et respect ….. je suis catholique pratiquante et il m’a semblé que voir ce film en ayant la foi doit rajouter un + …..ce film m’a beaucoup touché ….. les acteurs jouent tellement justes …..