Avec « Le voyage en pyjama », le réalisateur Pascal Thomas propose une balade dans les entrailles introspectives d’un professeur de lettres candide et dilettant. Pour le premier jour de son année sabbatique, Victor décide d’une promenade à vélo, laquelle le conduira à rencontrer une galerie de personnages étonnants mais aussi à recroiser d’anciennes connaissances. De surprise en surprise, le film noue une tragi-comédie à la fois rocambolesque et dramatique. Ou quand le passé devient une parodie humaine… Succulent !
Vivre au-delà du temps
Victor (Alexandre Lafaurie) s’apprête à prendre une année sabbatique. Professeur de lettres un peu désabusé mais conteur d’exception, Victor décide de quitter l’Éducation Nationale sans réel objectif. Mais ce n’est certainement pas pour se lever à 8h ! Contraint et forcé d’emmener Anne, sa femme, à l’aéroport pour son voyage humanitaire, il fait la connaissance de la femme de Philippe, ce dernier accompagnant aussi Anne dans ce périple à l’autre bout du monde. Un joyeux hasard qui lancera sa quête vers le chemin de Compostelle, à ses côtés, avec pour véhicule : le vélo. Tout un symbole que cette expédition. Pourtant, il y renoncera, préférant un chemin moins ardu. Un renoncement, finalement, à son image. Il bifurque, change de cap au grès du vent, et ses coups de pédale l’emmènent à côtoyer des inconnus extravagants – un couple lesbien, une fraudeuse, une veille femme pleine d’énergie -, ainsi qu’à revoir des conquêtes féminines passées, de vieux amis ou encore son ancien professeur reconverti en cambrioleur, sorte d’Arsène Lupin du XXIème siècle, incarné par un Pierre Arditi gourmand et lumineux.
Tout ce beau monde se côtoie dans une extraordinaire odyssée poétique, où les rencontres deviennent sensuelles ou terribles, charmantes ou destructrices, où les revenants sont sources de joie et de malheur. « Le voyage en pyjama » évolue alors comme une chronique sentimentale mélancolique et burlesque, au sein d’une narration rétrospective pour un héros qui a commis pas mal d’erreurs en cours de route. Confronté à ses défauts, à son côté « bourreau des cœurs », à cette enveloppe de rêveur insaisissable, à ce passé pas souvent glorieux, Victor se cherche, découvre ses envies, parfois les plus intimes, et trouvera peut-être ce qui lui manquait tant, le véritable amour, le coup de foudre qui change radicalement votre vie.
Un voyage dans la nouvelle vague
L’ambiance poétique du film est accentué par l’esprit « Nouvelle-Vague », que ce soit dans la narration du film, dans sa mise en scène, que dans le jeu des acteurs. Il y a une légèreté rare dans l’interprétation des acteurs, un ton et une façon de dire les mots, d’envoyer les répliques, peu communs dans le cinéma d’aujourd’hui. Les acteurs ne cherchent pas la performance, ils visent la simplicité, l’exactitude de la beauté verbale, disparue au détriment d’un acting efficace et sans saveur. C’est ce qui fait toute la magnificence du film, ce chatoyant sens de la cadence vocale, du débit, qui transpire aussi bien le spleen, que la drôlerie. Comme si nous regardions une œuvre d’antan, pourtant terriblement moderne dans son propos. Un mélange séduisant et une réalisation hybride qui font de « Le voyage en pyjama » un projet singulier dans un paysage cinématographique très calibré.
Il y a également le rythme. Si le personnage de Victor est un feu-follet, voguant d’une rencontre à une autre, d’un village à un autre, le film prend son temps. Le temps pour les rencontres, pour les retrouvailles, pour l’échange, le temps pour le spectateur de savourer les situations comiques autant que pour appréhender la dimension tragique du film. Ce rythme se marie parfaitement avec la légèreté que dégage le film de Pascal Thomas, dans sa première partie, lui conférant une aura atypique. Un long-métrage comme un songe.
Conclusion
Film tendre et émouvant, « Le voyage en pyjama » est une invitation à la rencontre impromptue, à la découverte, une ode aux conversations anodines et à la rétrospection. Dans cette balade, Pascal Thomas emporte son héros, et nous avec, dans une aventure humaine drôle et sensible, philosophique même, dans laquelle le cinéaste en profite pour dénoncer la complexité du monde, quelques-uns de ses travers et aussi, sûrement, pour souligner des déceptions intérieures (Éducation Nationale…).
« Le voyage en pyjama », le 17 janvier au cinéma.
Synopsis :
Victor, la quarantaine, professeur de lettres en vacances et prévisionniste amateur à Météo-France, se laisse vivre au gré du vent, aux côtés de sa compagne, Anne, qui commence à s’en fatiguer. Dans ce road-movie, il va faire le tour des lieux de son passé. Il retrouvera « ce que sont devenus » ses amies et amis. Il croisera surtout ses anciennes compagnes. Toutes le regrettent mais elles ont toutes aussi quelque chose à lui reprocher : peut-être parce qu’elles ont trop aimé cet être si aimable, rêveur, imprévisible, mais surtout insaisissable … Allez savoir.
Casting : Alexandre Lafaurie, Constance Labbé, Pierre Arditi, Lolita Chammah, Barbara Schulz, Irène Jacob, Philippe Lelièvre, Hippolyte Girardot, Louis-Do de Lencquesaing, Anny Duperey…