[CRITIQUE] – COMME UN PRINCE : REDESSINER SON AVENIR

Pour son premier long-métrage, Ali Marhyar interroge le destin d’un jeune boxeur déchu et d’une adolescente perdue dans une vie qu’elle ne maîtrise plus. La rencontre improbable qu’une passion commune va réunir, les pousse alors à s’entraider. Un film sur la rédemption et l’espoir, porté par un Ahmed Sylla sincère et une comédienne à l’avenir prometteur, Mallory Wanecque.

Boxer la vie

Jeune boxeur de 27 ans, Souleyman a tout pour briller. Alors qu’il prépare les Jeux Olympiques avec l’Équipe de France, il se brise les os de la main dans une bagarre et doit désormais abandonner ses rêves. Souleyman se retrouve à Chambord, pour des travaux d’intérêts généraux. C’est là, au cœur de ce vaste décor qu’il fait la connaissance de Mélissa, une adolescente rebelle, mal dans sa peau, et bagarreuse. Malmenée dans son foyer, où elle est constamment attaquée par des garçons, elle se défend. Ose la violence. Une violence qu’elle ne parvient pas à canaliser. Dans ce déchaînement, Souleyman y voit des qualités mais aussi une porte de sortie. Dès lors, il s’engage à lui enseigner la boxe. Car oui, au départ, il s’agit d’abord d’une rencontre par utilité plus que par passion et bienveillance que dépeint le réalisateur Ali Marhyar. Lui, pour tenter de retrouver le chemin des compétitions en tant qu’entraîneur, elle, pour s’extirper de sa condition. De la contrainte naît une véritable amitié, semée d’embûches entre le mensonge, la trahison et les problèmes familiaux. Un voyage au cœur de l’humain sensible et généreux, où l’acceptation mène à la rédemption, où le chaos intérieur mène à lumière de tous les possibles.

Fructueux mélange entre deux caractères explosifs, Ali Marhyar et le scénariste Julien Guetta (réalisateur du film « Les Cadors ») parviennent à donner un supplément d’âme à leur deux héros, enrôlant les clichés dans des envolées lyriques amicales et familiales pleine de grâce et d’émotions.
Deux personnages purement cinématographiques, purement français dans leur approche, mais sans qui la narration serait insipide. Ce sont les conditions de ces deux êtres humains qui, ainsi, nous touchent et pour lesquels nous savourons chaque avancée.

« Comme un prince » est typiquement le genre de comédie dramatique française dont on peut apprécier l’esprit et l’innocence du propos. Sa formule et ses ingrédients bien définis n’empêchent pas le film de briller par petite touche, notamment en raison d’un autre atout indéniable : sa galerie de personnages surréalistes dans un tableau ancré dans une réalité difficile. Il faut dire qu’Ali Marhyar est l’un des co-scénaristes de grandes productions humoristiques telles que Casting(s), La Flamme ou encore Le Flambeau : Les Aventuriers de Chupakabra et que l’humour ainsi que la création de personnages hors du commun sont son pain quotidien. Autour de Souleyman au destin broyé et de Mélissa aux perspectives incertaines, se greffent alors des « héros » qui défient toute logique : Jonathan Cohen en conseiller d’insertion et de probation, Igor Gotesman en « chef jardinier » pour Chambord, Antoine Gouy en « directeur » des spectacles survolté, ou encore Jonathan Lambert, en guide-conférencier, sans logement, et qui dort au sein même du château.

Dans une réalisation sobre, Ali Mahyar offre à son récit l’ultime émotion. Sans chercher le tape-à-l’œil ou le clinquant, il dirige à la fois sa caméra et ses acteurs dans une recherche de vérité.

Plus que l’esthétique, c’est la simplicité qui prime dans ce film, alors que tous les pièges étaient visibles. Ali Marhyar les évite et profite de son décor incroyable, le château de Chambord, non pas pour dévoiler le beau, mais sonder les âmes humaines. En exploitant les à côté, plutôt que les intérieurs magnifiques, le réalisateur se libère et libère ses personnages, préférant les écraser par la rudesse du terrain (jardin, forêt, spectacle…), afin de les confronter à leur propre intérieur.

Mallory Wanecque, la révélation !

Mallory Wanecque est une jeune comédienne brillante, avec un sens du jeu indéniable, dans le phrasé et dans le geste. Repérée dans un casting sauvage pour le film « Les Pires » de Lisa Akoka et Romane Gueret, elle détonne ! Au point de recevoir plusieurs prix pour son interprétation au sein de divers festivals. Tête d’affiche dans « Comme un prince » au côté d’Ahmed Sylla, elle prouve qu’elle a tout une grande. Ses émotions sont brutes, envoyées comme des boulets de canon. Il n’y a rien de plus authentique qu’une larme, qu’un cri, qu’une colère lancés avec ses tripes, et Mallory Wanecque a ce don de transformer les émotions en de véritables sensations humaines profondes et sincères. Avec ce rôle à fleur de peau, elle dévoile une palette de jeu sensationnelle, passant du rire aux larmes, de la colère à la violence, de manière déconcertante tant cela lui semble facile.
Il y a chez elle, dans son regard, la flamme de la passion. On y décèle aucune ambition carriériste, aucune envie malsaine d’être célèbre. C’est ce qui rend son jeu d’autant plus fort, d’autant plus beau, d’autant plus pur. Assurément, une comédienne sur qui il faudra compter dans les prochaines années !

Conclusion

Bien que classique dans sa forme narrative, « Comme un prince » se révèle être une comédie tendre et efficace. Ahmed Sylla trouve ici un nouveau rôle puissant, où la confrontation avec le père, la recherche de la fierté paternelle, trouve un écho particulier à celui de la fin de son one-man-show qu’il lui dédie dans un hommage bouleversant. Quant à Mallory Wanecque, c’est un second rôle qui propulsera sûrement la comédienne dans les hautes sphères du cinéma français. Plus qu’une rencontre professionnelle, une vraie alchimie entre Ahmed Sylla et Mallory Wanecque s’opère à l’écran. Toute la beauté du film réside ici.

« Comme un prince », le 17 janvier au cinéma.

Casting : Ahmed Sylla, Mallory Wanecque, Julia Piaton, Jonathan Cohen, Habib Dembélé, Igor Gotesman, Antoine Gouy, Jonathan Lambert, Cécile Bois…

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