[CRITIQUE] – FIASCO : LORSQUE LE CORBEAU GUETTE, LA TEMPÊTE GRONDE PUIS S’ABAT

Igor Gotesman nous raconte l’histoire rocambolesque d’un jeune cinéaste dont le tournage de son premier long-métrage vire au cauchemar. La présence d’un corbeau sur le plateau sapant le moral des troupes. Entre chantage, mensonges, trahisons, accidents et révélations, la série va de catastrophes en catastrophes, de délires en surprises inattendues. Une comédie autour de la fabrication d’un film aussi surprenante qu’hilarante !

Mentir ou périr

Raphaël Valande réalise son premier long-métrage pour rendre hommage à la vie héroïque de sa grand-mère résistante, qui a sauvé de nombreuses familles juives pendant la Seconde Guerre Mondiale. Mais le tournage se transforme en un véritable fiasco lorsqu’un corbeau sème le trouble au sein de l’équipe et commence à saboter le film de l’intérieur en multipliant les actes de malveillance et les destructions de matériels. Toute la narration de « Fiasco » gravite autour de l’identité du corbeau : qui est-il ? Pourquoi agit-il ainsi ? Des questions qui parsèmeront l’aventure cinématographique de la série mais pas seulement. Car à travers cette histoire, c’est aussi le parcours d’un jeune homme mal dans sa peau, pour qui la vérité est toujours difficile, et qui n’est jamais pris au sérieux par les membres de sa famille et son équipe, dont les moqueries le font souffrir intérieurement. Un héros dramatique, mélancolique, empli d’un spleen touchant, pour lequel la compassion est immédiate. La série se teinte alors à l’image de ce personnage tragi-comique (souvent comique malgré lui), d’un voile morne conjugué en douceur avec une comédie amusante et une galerie de protagonistes loufoques. Une double atmosphère particulièrement réussie, qui s’arroge le droit de nous faire rire et de nous émouvoir.
En parallèle, « Fiasco » construit une sorte de parcours initiatique pour Raphaël – et quelques autres personnages. La série se dotant de commentaires sur le désastre qu’a été le tournage, la mise en abîme permet une belle introspection sur les événements passés et la façon dont chacun a ressenti ces instants difficiles.

La réalisation, elle, offre une immersion totale dans la production chaotique du film. La caméra « making-of » notamment, en retrait, nous plonge à la fois dans les galères du tournage sous un nouvel angle mais aussi dans les coulisses secrètes de la production, au cœur de conversations professionnelles inavouables et de discussions privées, parfois intimes, entre les différents associés du projet. Assister à des moments que le commun des mortels ne devrait ni voir, ni entendre, contribue à enrober la série d’une longue farce incontrôlable, comme si les malheurs qui s’abattent sur eux ne voulaient pas prendre de répit. Raphaël Valande vogue de Charybde en Scylla, porté néanmoins par ce désir fou de vendre un film-hommage en l’honneur de sa grand-mère. C’est pesant, éreintant, mais terriblement drôle.

Créateur : Thibault Grabherr | Crédits : Thibault Grabherr/Netflix
Droits d’auteur : © 2023 Netflix, Inc.

L’idée d’une histoire sur plusieurs époques est aussi une des composantes à l’humour de la série. Que ce soit l’acteur devant jouer un chien en motion-capture dans un décor Versaillais lors d’une scène clé entre deux comédiens ou le placement de produit obligatoire dans un camp de concentration, autant de situations cocasses parfaitement maîtrisées dans le timing, la précision des dialogues ainsi que la justesse des interprétations. Il y a, dans les propositions d’Igor Gotesman, un sens inouï de la comédie, de l’absurde, un point de vue clair et spécifique dans la création de scènes burlesques et du rythme à leur insuffler. Bien que, et c’est à titre personnel, je sois moins fan des séquences « pipi-caca », moins inspirées.

Toutefois, il faut reconnaître que ça fonctionne, en plus d’être cohérent, dans l’enchaînement des problèmes que subit Raphaël Valande comme des épreuves à surmonter, des échecs à assumer. Des malchances diverses et variées donc, qui se succèdent avec un certain enthousiasme pour nous, spectateurs.

Tape m’en Five !

Au casting, on retrouve un trio qui a déjà fait ses preuves : Igor Gotesman, Pierre Niney et François Civil, qui nous ont tant fait rire dans le film « Five » ou dans la série « Casting(s) ». Les trois acteurs nous régalent ici, l’un, plus discret, qui se révèle dans un final complètement dingue, l’autre dans le rôle d’un faux producteur richissime, lequel enchaîne les bourdes et se paye même une séquence désopilante chez les « Vikings » (disponible sur les RS).
La série peut également compter sur la splendide Géraldine Nakache, le démentiel Pascal Demolon, dans le rôle d’un producteur fauché, aussi pathétique qu’émouvant ou encore Leslie Medina, dont le duo avec l’interprète d’Yves Saint-Laurent souligne un tendre désespoir et des attirances inavouées vibrantes.

Conclusion

Avec « Fiasco », Igor Gotesman (et son équipe de scénaristes : Nicolas Slomka, Tania Gotesman et Pierre Niney) tire les ficelles d’une comédie sur le thème de la vérité (sous toutes ses formes : amour, amitié, familiale…) et tisse ainsi une narration plus vaste sur les rêves qui nous animent, sur la confiance en soi, sur les relations humaines et amoureuses, laquelle va alors au-delà d’une banale histoire d’un fiasco cinématographique.

« Fiasco », le 30 avril sur Netflix.

Mon interview avec Pascal Demolon est à retrouver ici.

Synopsis :
Raphaël Valande entame le tournage de son premier long-métrage : une aventure traversant les époques depuis la préhistoire jusqu’au débarquement en passant par les vikings… pour rendre hommage à la vie héroïque de sa grand-mère résistante. Mais rapidement, les problèmes s’accumulent et le tournage tourne peu à peu au cauchemar. Et pour cause: quelqu’un de l’équipe tente de saborder son film de l’intérieur…

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