C’est un projet qui remonte au début des années 2000, « La Petite Vadrouille » est la nouvelle comédie réjouissante de Bruno Podalydès. Dans un complot juteusement orchestré, un riche entrepreneur se retrouve piégé sur une pénichette en compagnie de sa dulcinée et d’une galerie de personnages truculents. Si tous sont à l’origine de cette balade amoureuse, ils sont rapidement rattrapés par la farandole de mensonges établis et la rivalité entre deux autres passagers… Brillant et désopilant !
Un sacré coup monté !
Franck (Daniel Auteuil), patron de son entreprise, confie 14 000 euros à sa collaboratrice (Sandrine Kiberlain) avec pour mission de lui organiser un week-end en amoureux. Elle y voit, avec son mari Albin (Denis Podalydès), l’occasion de renflouer leurs finances ainsi que celles de leurs amis. Bien qu’eux-mêmes escroquent « gentiment » leurs copains. Afin de réduire les coups, les économies sont faites sur le moyen de locomotion, la nourriture, la boisson, les escales et chacun devra tenir un rôle : commandant de bord, matelot, éclusier, vendeuse de produits locaux… D’autant que tout sera bon pour soutirer davantage d’argent à Franck.
Un périple romantique qui se transforme donc en une immense arnaque. Les situations, aussi grotesques que burlesques, s’agglutinent sur cette pénichette sur laquelle la discrétion est difficile, les messes basses un danger permanent, la jalousie une bombe à retardement. Les personnages marchent sur des œufs en permanence. La peur d’une boulette, omniprésente chez chacun d’entre eux, rendent alors la comédie surpuissante, hilarante, cocasse. On se demande comment le dénouement de cette histoire va se résoudre, tellement la supercherie semble de plus en plus manifeste et ridicule. Et c’est là tout le génie de Bruno Podalydès. Alors que toutes les comédies suivent une structure narrative bien définie à savoir un second acte où les vérités explosent, où le drame prend le pas, avant de se conclure par une réconciliation et un happy-end, le réalisateur a opté pour un contre-pied laissant Franck se muet dans le silence (après qu’il ait compris la supercherie) ainsi qu’une fin ouverte, suscitant l’imagination des spectateurs comme il le confirme : « En général, le propre de la comédie est de casser les codes. Quand je vois à quoi on attribue les synonymes de comédies décalées ou de comédies loufoques, ça me paraît un pléonasme. Nous faisons toujours un pas de côté dans la comédie. Le principe même de la comédie, c’est que ça ne passe jamais comme prévu. La fin est ouverte parce que je crois que les gens peuvent imaginer la suite. Je préfère qu’on sorte du film en rêvassant un peu, qu’un film où il y ait les points sur les i. Tout comme il n’y avait pas besoin d’un second acte où le personnage de Daniel Auteuil se fâche en découvrant les mensonges. Il préfère se taire pour profiter de ce moment ».
« La petite vadrouille » est une comédie atypique, qui ne ressemble à aucune autre, aussi grâce à la caractérisation de ses protagonistes secondaires. Dans leur écriture, un véritable travail d’orfèvre. Il y a dans l’élaboration de leurs personnalités une recherche vivifiante, tout comme dans leurs passions ou leurs talents foireux hors du commun : Rosine (Florence Muller) en hypnotiseuse sans compétence ou Caramel (Jean-Noël Brouté) en gardien de musée exposant ses propres œuvres. De par leur singularité, tous apportent quelque chose à la narration du film et aux actions qui s’y déroulent.
Pour la conception de ses héros et de ses héroïnes, Bruno Podalydès n’a pas vraiment de recettes miracles : « Un personnage de fiction c’est la moitié d’un acteur et la moitié d’une écriture. Il y a un énorme apport du comédien et, avec cela, des costumes et tout le travail que l’on conçoit pour créer un personnage (accessoire, maquillage…). J’oublie les protagonistes que j’imaginais avant de les confier à un acteur. Je n’écris pas en pensant à eux. Je prends parfois des comédiens très différents de ce que j’ai écris afin qu’il y ait des contradictions, que ce soit nourrit par la confrontation de ce qui est écrit et l’acteur. Mais la création d’un personnage est toujours une mixture un peu mystérieuse pour moi ».
Environnement & Logistique
Le film a été tourné en Bourgogne, sur le canal du Nivernais. Un canal historique de 176 km, comportant 116 écluses, et dont les travaux ont eu lieu de 1784 jusqu’en 1842. Un cadre et un environnement magnifique qui offre à « La petite vadrouille » un charme authentique. Avec la lenteur du bateau, cette comédie en est presque contemplative. Un regard sur la nature au rythme de la plénitude qui y règne en contraste total avec la vie humaine, hyperactive et énervée ; à l’image du personnage de Franck, lui-même exaspéré par la lenteur de la pénichette (et des évènements). Ça sera d’ailleurs un des nombreux running-gag du long-métrage. Bruno Podalydès examine parfaitement la nature environnante, colorée et enivrante, et l’inclut à l’image en épousant sa beauté, sa structure et ses sons, au cœur d’un contexte de comédie qui ignore trop souvent ses paysages. Parce que la nature raconte toujours quelque chose de l’Homme… et d’un réalisateur. Car l’auteur de « La petite vadrouille » est un vrai amoureux des décors de notre monde, il réalisait des plans durant les repérages : « Je m’étais fait un stock d’images de paysages par pur plaisir ».
Les écluses sont également exploitées avec une grande intelligence, que ce soit d’un point de vue comique ou esthétique. Elles n’ont jamais été choisies au hasard : « Je cherchais les écluses les plus belles possibles pour l’esthétisme du film. Notre parcours s’est réparti sur 60km environ. C’est un joli réseau car il est manuel alors que la plupart aujourd’hui sont automatisés. Il y a des caméras qui déclenchent les écluses à distance. À chaque passage, nous avons inventé une situation de comédie ».
La quasi totalité du film se déroulant sur une pénichette, l’organisation a été rondement menée grâce à l’aide de plusieurs acteurs :
« Autant un trafic de voiture, nous pouvons le détourner parce qu’il y a toujours des chemins bis. Là, nous ne pouvons pas bloquer un canal. Les bateaux n’ont pas d’autres endroits où passer. Il nous a fallu trouver un endroit à l’abri du plus gros du trafic. Heureusement, nous avons eu toute la complicité des gens des canaux navigables de France. Nous étions, par exemple, prévenu bien en amont de l’arrivée d’un bateau. Il y a eu une belle collaboration entre les différents partenaires, que ce soit les communes, la région, le département. Nous avons fait en sorte que ce soit fluide. Ce fut plus délicat avec les écluses car il faut les vider d’eaux et la remplir pour la mettre au niveau du bateau arrivant, sortir le notre, la remettre. Nous pouvions perdre du temps de tournage mais c’est arrivé très rarement ».
Casting
Pendant leur petite vadrouille, ils feront la connaissance d’un petit groupe de jeunes engagés voguant sur un voilier au grès de leurs envies. Leur nom : ÉPILOGUE. Un mot fort, qui marque la fin d’une ère (dans leur esprit, l’ère du patriarcat et du capitalisme) et le début d’une nouvelle à la fois pour le film, son récit, mais aussi pour les personnages. À leur sujet, Bruno Podalydès exprime un regret : « J’aurais bien aimé réaliser un film de 2h30 afin de me consacrer à eux, développer leur propre histoire. Cependant, le sujet de mon film était l’équipage de la pénichette. Néanmoins, je tenais à ce qu’il y ait une ouverture, un horizon, que ces jeunes soient dans la poésie et la prise de conscience politique, tandis que les gens plus âgés se renferment un peu sur leurs certitudes et leurs égoïsmes ». Il laisse toutefois une porte ouverte : « J’aimerais pour un prochain film, être du côté de la jeunesse. Il n’y a qu’eux qui puissent ébranler les choses pour ne pas qu’elles continuent ainsi. Il faut accepter d’être dérangé puisque c’est ça qui nous sauve. Je voudrais montrer ça ».
Quant au casting, Bruno Podalydès s’est entouré de gens extrêmement talentueux, des comédiens/comédiennes avec qui il a déjà travaillé par le passé : Sandrine Kiberlain (troisième collaboration), Florence Muller, Jean-Noël Brouté, Denis Podalydès ou encore Isabelle Candelier.
À cette bande s’ajoute des petits nouveaux tels que Dimitri Doré alias Ifus, faux matelot aux mimiques exhubérantes et véritable révélation comique du film. Peu axé sur le dialogue, ce personnage burlesque a pourtant un côté tragique touchant, notamment dans le regard. Lorsqu’il rencontre une des jeunes femmes du voilier, l’envergure dramatique et poétique d’Ifus prend alors toute sa splendeur : « C’est un super acteur, que l’on verra beaucoup. Il est aussi bon dans le tragique que dans le comique. Il manie l’art du muet et de l’acrobatie, le cirque, il est bourré de talents » confie le réalisateur à son propos.
Daniel Auteuil interprète de son côté Franck, le riche entrepreneur un poil égocentrique avec des idées très arrêtées, qui organise un voyage pour sa bien-aimée avec l’aide de (Sandrine Kiberlain). Sur les deux acteurs, Bruno Podalydès affirme : « Lorsque j’ai vu que mon personnage pouvait être antipathique, j’ai fait appel à un acteur non seulement rompu à la comédie mais aussi plein délicatesse, avec un peu de mystère. Ce qu’incarne parfaitement Daniel Auteuil. Je savais que son personnage ne serait pas accablé mais en sortirait peut-être grandi. Il a une capacité d’enthousiasme assez touchante. Sandrine, elle, joue la comédie avec beaucoup de sérieux, ce que j’apprécie ».
« La petite Vadrouille », le 5 juin au cinéma
Synopsis :
Justine, son mari et toute leur bande d’amis trouvent une solution pour résoudre leurs problèmes d’argent : organiser une fausse croisière romantique pour Franck, un gros investisseur, qui cherche à séduire une femme.