[INTERVIEW] – LES GOUTTES DE DIEU/LES ESPIONS DE LA TERREUR, RENCONTRE AVEC FLEUR GEFFRIER : « Quand j’ai lu le scénario, je me suis sentie proche de Camille, je suis donc restée fidèle à ce que je suis pour l’incarner »

Source photo : https://www.reddit.com/r/FleurGeffrier/comments/10kydca/fleur_geffrier/

Fleur Geffrier est de ces actrices précieuses qui, dès lors qu’elle incarne un personnage, sublime un rôle, lui dessine une couleur unique. Dans « Les Gouttes de Dieu » et « Les Espions de la Terreur », Fleur Geffrier est au-delà de l’interprétation, elle vit ses héroïnes. Pleinement. Intensément. Deux prestations belles et fortes, où elle navigue entre plusieurs états émotionnels, et révèle alors toute la puissance de son jeu.
Pour la diffusion de la série « Les Gouttes de Dieu » sur France 2 et « Les Espions de la Terreur », actuellement disponible sur M6 +, Fleur Geffrier se confie sur son travail, la manière dont elle a appréhendé le monde du vin et celui du judiciaire, et dévoile quelques coulisses de tournage.

« Je me suis beaucoup entraînée pour acquérir des gestes précis »

Dans « Les Gouttes de Dieu », vous incarnez Camille Léger, héritière d’Alexandre Léger, son père, grand œnologue. C’est une adaptation du manga éponyme. Quel est votre rapport avec le manga ? Est-ce que vous lisez ou regardez des animés ?
Je continue de regarder des animés mais plutôt des longs-métrages comme ceux des Studio Ghibli. Je n’ai pas lu beaucoup de mangas même si j’ai regardé quelques séries animées adolescentes comme « One Piece » ou « Naruto ». Le tout premier film d’animation que j’ai vu devait être « Akira ». C’était très marquant, particulier. […] J’avais commencé pendant le tournage à lire le manga « Les Gouttes de Dieu », parce que j’étais curieuse de découvrir un manga sur le vin. J’ai lu le premier tome et c’est différent de notre scénario. Il y avait par exemple des révélations qui arrivaient dans le tome 1 que nous dévoilons nous, bien plus tard. C’était perturbant donc j’ai préféré m’arrêter.

De quelle manière vous êtes-vous préparée pour ce rôle, à la fois pour l’appréhension de l’univers du vin et les différentes langues étrangères que votre personnage parle, dont le japonais ?

Pour le vin, nous avions un consultant sur le tournage, un sommelier qui s’appelle Sébastien Pradale. Il a donné aux acteurs principaux une leçon de sommellerie. Nous avons goûté des vins, il nous a expliqué les différentes étapes de dégustation de vins, nous a conté l’histoire du vin en France et dans le monde. Ce fut très instructif. Je me suis beaucoup entraînée pour acquérir des gestes précis, à la fois pour tenir mon verre correctement mais aussi pour ouvrir les bouteilles de la bonne manière. Dès que j’avais un dîner avec des amis ou de la famille, c’était moi qui étais prédisposée à l’ouverture des bouteilles (rire).

Pour les langues, nous avions un coach d’anglais sur le tournage et pour le japonais, ça s’est fait à l’oreille. Ayant vu des animés dans mon enfance, j’étais déjà habituée à la langue, je connaissais certains mots. Je me suis rendue compte que ce n’était pas si difficile. Il a fallu, bien entendu, un peu d’entraînement. J’ai reçu des vocaux de phrases que je devais dire et je les répétais.

Est-ce que la langue change l’interprétation, vos intonations ou intentions de jeu ?
Ça peut oui. Néanmoins, c’est plus une sensation intérieure. Lorsqu’on parle une autre langue, on rajoute un masque sur notre visage. Toutefois, comme on ne parle pas sa langue maternelle, on est moins en train de se regarder, de s’écouter. Il y a, quelque part, plus de libertés à jouer dans une autre langue.

« J’ai tenté d’amener beaucoup de douceurs, notamment lorsqu’elle essayait de comprendre un vin »

C’est une série sensorielle, synaptique, visuelle. À travers l’image, on ressent toute la beauté et l’ampleur d’un vin, son odeur, son goût, comment il a vécu. De quelle façon êtes-vous parvenue à retranscrire ça entre votre jeu et la réalisation ?

Faire passer une sensation à travers l’écran, ça passe par l’émotion. Les goûts, par exemple, activent l’émotion et les souvenirs. En jouant avec la musique, le montage et la réalisation, on peut parvenir à ressentir tout ça. Dans « Les Gouttes de Dieu », nous avons, par exemple, travaillé sur l’univers mental de Camille. Il y a des séquences dans ce qu’on appelle sa « bibliothèque mentale » où sont rangés tous ces souvenirs liés au goût. Puis, vous avez aussi des scènes où lorsque Camille goûte pour la première fois du vin après plusieurs années, elle se retrouve attaquée de couleurs, de fumée, on sent que c’est un mélange de goûts et de sensations qui explosent dans son cerveau et qu’on rend visibles à l’écran.

En tant que comédienne, je travaille sur ce que ça va me procurer physiquement et émotionnellement. J’ai essayé de me connecter à mes souvenirs ou me demander ce que cet arôme va procurer chez Camille, ce que l’ensemble de ces sensations lui procure, et essayer de le retranscrire. J’ai alors tenté d’amener beaucoup de douceurs, notamment lorsqu’elle essayait de comprendre un vin. Nous avons travaillé là-dessus.

J’en doute mais, aviez-vous le droit de boire/goûter du vrai vin sur le tournage afin de vous aider à aller chercher ces émotions ?
C’est arrivé rarement. C’était davantage pour épauler la caméra sur la mise en scène. Avec d’autres boissons, nous nous rendions compte à l’écran que ce n’est pas du vin. Si le plan était trop serré sur le verre, nous ne voyions pas les larmes du vin ou la couleur ne matchait pas. Pour le jeu, nous nous débrouillons avec notre imaginaire.

« Sa fragilité et sa passion me plaisent, elle ne lâche rien »

La série comporte aussi une histoire familiale forte dans laquelle Camille va passer par plusieurs étapes émotionnelles à mesure que les épreuves avancent. Où va t-on puiser les émotions qu’elle ressent dont la colère ou le ressentiment ?
Ma manière de travailler est de me raccrocher à l’histoire du personnage. J’essaie de me glisser dans sa peau et de ressentir ce qu’elle ressent. Les émotions que j’ai sont des émotions du personnage. Bien sûr, il y a de moi à l’intérieur, mais je ne vais pas puiser dans mes souvenirs ou m’abîmer. Je suis dans son histoire. […] Quand j’ai lu le scénario, je me suis sentie proche de Camille, je suis donc restée fidèle à ce que je suis pour l’incarner, notamment dans mon énergie. Fleur et Camille se ressemblent un peu. Je l’ai rapprochée de moi ou l’inverse.
Sa fragilité et sa passion me plaisent, elle ne lâche rien. Son histoire de vie, ses rapports familiaux, m’ont émue. Elle est touchante et profondément humaine. Elle a des failles et elle les montre, elle est sincère avec ses émotions. C’est tout ceci également, qui m’a donné envie de porter ce personnage à l’écran.

« Je rêvais de partir depuis longtemps au Japon »

Vous avez tourné dans plusieurs pays dont l’Italie et le Japon…
Nous sommes restés en Italie pendant une semaine, c’était magnifique. Nous avons tourné au Nord de l’Italie à la frontière avec l’Autriche. La région des Dolomites est somptueuse ! Il y a des vignobles partout, des lacs, des montagnes. Nous étions en période de COVID et ce fut assez étrange de voyager alors que tout le monde était confiné. Un voyage enrichissant. Des vignerons italiens nous ont fait goûter leur vin.
Je rêvais de partir depuis longtemps au Japon. C’était un grand moment, un rêve éveillé ! J’étais comme une enfant une fois sur place. Je regardais partout autour de moi. C’était largement à la hauteur de mes attentes, même si je n’ai tourné là-bas qu’une semaine. Durant cette période compliquée, nous avons eu une autorisation et nous avons pu tourner une semaine, ce qui n’était pas du tout sûr. De fait, nous avons aussi tourné des séquences en Thaïlande.

Quand on voit toute cette vie bouillonnante autour de soi, on arrive soi-même à se poser, à être calme pour ne pas que l’hyperactivité se répercute sur le jeu ?
Ça m’avait fait ça quand je suis arrivée à Bangkok parce qu’on a vraiment la sensation d’être en vacances. Mais non ! Alors, il faut se concentrer et travailler (rire). Il y a un petit temps d’adaptation.

Parmi vos partenaires de jeu, il y a l’acteur japonais Tomohisa Yamashita, que beaucoup de jeunes connaissent aujourd’hui grâce à la série Netflix « Alice in borderland ». Une relation très touchante naît entre vos deux personnages. Comment s’est déroulée votre collaboration ensemble ?
À merveille ! Tomohisa est quelqu’un de très généreux, très calme, très sympathique. Nous avons mis du temps à nous apprivoiser. Il faut savoir que nos personnages nous ressemblent à l’un et à l’autre. Moi, je suis plutôt expansive, lui, c’est l’inverse. Je ne voulais pas être trop intrusive et lui laisser de l’espace. Au fur et à mesure, nous nous sommes rapprochés et nous sommes devenus amis. Je suis heureuse de le retrouver pour la saison 2.

La France et le Japon jouent-ils la comédie de la même façon ou avez-vous vu des différences ?
On s’aperçoit qu’on joue la comédie pareille. Nous avons une culture différente, ça paraît à l’écran mais c’est la réalité, une réalité qui donne une meilleure expérience d’immersion à la série. Nous sommes connectés à nos émotions, nous sommes humains, donc nous nous ressemblons et nous nous comprenons. Je n’ai pas senti de différence là-dessus.

« Nous avions la volonté d’être proche de la vérité dans l’interprétation de nos personnages »

Dans le même temps, vous êtes à l’affiche d’une autre série événement « Les Espions de la Terreur », déjà disponible sur M6 +. Vous souvenez-vous de l’émotion qui vous a traversée le 13 novembre en apprenant l’horreur des événements ? Et, est-ce qu’on se sert de ces émotions personnelles pour les mettre dans son personnage ?
Une sidération totale et un choc terrible. C’est quelqu’un qui m’a prévenue par téléphone car je n’étais pas au courant. J’étais chez moi, et lorsque j’ai appris le drame qui se déroulait, je faisais des allers-retours entre ma fenêtre et la télé. J’entendais les hélicoptères au-dessus de Paris. La nuit a été longue.
On se sert de nos émotions personnelles malgré nous. Comme nous l’avons tous vécu, nous n’avions pas besoin de jouer, l’émotion était déjà présente.

Dans la série, vous jouez la Commandante Lucie Kessler. Incarner un personnage fictif dans un récit inspiré d’une histoire vraie, est-ce que ça vous a aidé à prendre de la distance et avoir une certaine liberté de création ?
Comme nous racontons aussi des tranches de vies, nous sommes dans la fiction donc, oui. Toutefois, nous avions la volonté d‘être proche de la vérité dans l’interprétation de nos personnages. Certains agents de la DGSI ont été consultants pour l’écriture et certains sont venus sur le tournage, nous avions alors à cœur de ne pas les décevoir, de leur rendre hommage. Nous avons essayé d’être humbles, simples et humains, d’être le plus sincère possible.

De quelle manière vous êtes-vous glissée dans la peau de la Commandante Kessler ?
J’ai énormément travaillé le texte parce qu’il y a beaucoup de tirades d’enquêtes, de réflexions, de discussions autour des enquêtes. Ce fut le challenge principal, pour rendre les dialogues le plus naturel, le plus quotidien disons. Ce sont des échanges qu’ils ont tous les jours. Même s’il y a une urgence, une émotion forte, il y a ce côté « c’est leur travail ». Il fallait trouver l’équilibre entre le choc de l’évènement et le retour au « quotidien » d’une enquête. J’ai discuté avec des agents qui m’avaient raconté la manière dont ils avaient vécu le 13 novembre et nous avons collé à cela.

Était-ce difficile, comme pour « Les Gouttes de Dieu », de s’approprier les termes techniques et le vocabulaire liés aux enquêtes, aux judiciaires ?
Quelques-uns oui. Le vocabulaire de l’univers du vin était plus évident que celui du judiciaire. Il y avait des mots dans « Les Espions de la Terreur » que je ne connaissais pas. Sur « Les Gouttes de Dieu », j’étais un peu familière du monde du vin, ce fut plus facile. Il y avait néanmoins des cépages que je ne connaissais pas donc j’ai dû apprendre par cœur.

« Quand on prononce les noms de Salah Abdeslam ou ceux des autres terroristes, c’est étrange »

Les scènes d’interrogatoire étaient-elles les plus difficiles à tourner, car elles demandent souvent une grande intensité de jeu ?

Oui, elles étaient intenses notamment celles avec Belek Abdelmalek (Anis Bahri). C’étaient, par ailleurs, les scènes que j’aimais le plus dans l’écriture. De fait, j’avais à cœur qu’elles soient bien faites, bien interprétées.
D’autres séquences furent aussi techniques comme la fusillade, par exemple. Ce sont des scènes pas si faciles : il y a plein de choses à gérer en même temps, il faut être crédible dans tout ce qu’on fait, surtout dans les gestes, que l’on tienne un pistolet ou sur la façon de couvrir une zone.

Légende : Face à face tendu entre la Commandante Kessler et Anis Bhari.

[…] Le tournage de cette scène de fusillade est comme vous la voyez à l’écran, ça n’arrêtait pas de tirer. Il y a des artificiers sur place, des petites choses dans les murs pour que ça pète, c’était hyper impressionnant.

Il y a une séquence où vous interrogez Salah Abdeslam. Même si cela reste de la fiction, puisqu’incarné par un acteur, est-ce que ça reste un moment fort où la fiction rejoint la réalité ?

Oui, complètement. Quand on prononce les noms de Salah Abdeslam ou ceux des autres terroristes du 13 novembre, c’est étrange. Une sensation bizarre vous parcourt. Comme vous dites, la fiction rejoint d’un coup la réalité. Nous sommes là pour raconter ce qui s’est passé et, en même temps, nous incarnons des personnages de fiction, nous naviguons entre les deux. […] Sur le moment, cette séquence était forte à jouer. Pour tout le monde, acteurs comme techniciens. C’était calme dans la pièce. Il régnait une grande concentration.

Légende : La Commandante Kessler et son collègue interroge Salah Abdeslam.

« Les Gouttes de Dieu » actuellement en diffusion sur France 2.

Synopsis :
Le monde de la gastronomie et du savoir-boire est en deuil : Alexandre Léger, créateur du célèbre Guide des vins Léger et figure tutélaire de l’œnologie, vient de s’éteindre à 60 ans dans sa demeure de Tokyo. Il laisse derrière lui une fille, Camille (29 ans), qui vit à Paris. La jeune femme se rend à Tokyo. Lors de la lecture du testament, elle découvre que son père a rassemblé la plus grande collection de vins au monde. Sauf que pour prétendre à cet héritage, Camille devra affronter un jeune et brillant œnologue, Tomine Issei (29 ans également), qu’Alexandre a formé et qu’il qualifie, dans son testament, de fils spirituel.

Casting : Fleur Geffrier, Tomohisa Yamashita, Stanley Weber, Diego Ribon, Gustave Kervern, Cécile Bois, Antoine Chappey, Tom Wozniczka, Luca Terracciano, Makiko Watanabe, Azusa Okamoto…

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