Quatre surfeuses, une île maudite, une histoire de démons. Quand le film de genre français croise les références américaines, il en accouche une œuvre diaboliquement cinématographique : Maraé. Plongez au cœur d’une île polynésienne, entre croyance, superstitions, et vérité scientifique, où la pitié n’est qu’un euphémisme face à la colère de bourreaux surexcités.
La société crée le Mal
Quatre jeunes surfeuses entreprennent un voyage vers une petite île polynésienne, dans l’espoir de surfer les vagues d’un spot vierge jamais surfé par l’Homme. Quelques décennies plus tôt, les côtés ont été victimes d’essais nucléaires français. Alors qu’elles sont conduites sur place, le navigateur prévient Sarah : si personne n’y est jamais allé, c’est parce que l’île serait taboue, habitée par des démons… Ignorant les mises en garde, les quatre amies y découvrent un endroit paradisiaque. Mais lorsqu’une d’entre elles profane un Maraé, lieu sacré polynésien, ce qui devait être un rêve va vite se transformer en cauchemar…
Sur une idée de Jacques Kugler, auteur et réalisateur de la série 13ème rue « Marion » et de Jean-Michel Albert, épaulé par Fabien Adda (« Prométhée ») au scénario, « Maraé » s’alimente des codes du genre pour proposer une version singulière entre « Godzilla », « Lost » et « La Colline a des Yeux ». Dans cette histoire basée sur des faits historiques réels (les essais nucléaires), les auteurs ont su trouver des idées originales, séduisantes et pertinentes à la fois pour créer une mythologie entourant ces terres mais également les « démons » qui se nichent dans les entrailles de l’île. Pas évident dans un genre si éculé. Tout le contexte historique appuie alors un propos fort – l’abandon de l’État français sur les conséquences désastreuses du nucléaire sur l’homme – et sert un scénario horrifico-fantastique, une lutte pour la survie, qu’elle soit d’un côté comme de l’autre. En effet, et comme il est souvent coutume dans les films d’horreur, les enjeux ici ne sont pas que la survie des héros/héroïnes, il y a la dimension tragique de ces anciens héros de guerre devenus des « déchets » et, par là, la raison de leur existence remise en cause. Pour eux, cette seconde chance est une opportunité de s’extraire de cette allégorie, afin de s’émanciper pour devenir des êtres « supérieurs ».
Un film où, par ailleurs, la brutalité – née de l’injustice, de l’amertume pour les uns, d’un désir de vivre pour les autres – se mêle à une mise en scène frénétique, sans concession, gore. Si « Maraé » pouvait aller encore plus loin dans sa sauvagerie et son déchaînement de cruauté, le réalisateur Jacques Kugler offre des moments d’intensité, dramatiques et palpitants, ainsi que des morceaux de bravoure aussi excitants qu’haletants.
Des héroïnes braves
Il faut le souligner, parce que c’est assez rare, le casting principal de « Maraé » est composé exclusivement de femmes. Mais un casting ne suffit pas pour avoir de bons personnages, il est surtout essentiel de les caractériser avec finesse et intelligence. Les quatre jeunes femmes sont présentées d’une façon simple cependant, l’exposition leur permet de s’exprimer suffisamment pour que le spectateur cerne et apprécie les différentes personnalités.
Certaines héroïnes ont davantage d’espace, à l’image de Sarah (Adèle Galloy), ancienne championne de surf à la carrière brisée par un accident. Une héroïne authentique dans son ampleur la plus émouvante et dont les traumatismes seront un des éléments émotionnels utilisés dans un tiers, vif et effréné.
Marilyn Lima, Marie Zaubukovec et Vaimiti Teiefitu elles, ne déméritent pas. Le trio livre de belles performances, défend leurs personnages avec beaucoup de vigueur et capte les enjeux du récit afin de retranscrire la frayeur, la colère ou l’émotion au plus près de la vérité. En même temps, avec quatre des comédiennes les plus talentueuses de leur génération, il ne pouvait en être autrement.
Seul le personnage de Sam (Laurent Maurel) ne fonctionne pas dans ce récit horrifique où il semble avoir été évincé au profit des autres protagonistes. Pourtant, de part sa nature profonde et un passé qui le hante, ce héros torturé par des choix douloureux avait des atouts magnifiques à défendre. L’histoire ne fait qu’effleurer, à regret, son background et ses émotions les plus intimes, tout comme le montage qui ne lui rend pas hommage.
Conclusion
« Maraé » est un survival nerveux, plein d’entrain et d’ambitions. S’il y a quelques frustrations de spectateur, sur la narration qui ne laisse pas suffisamment la place à la souffrance des démons, à leur histoire ou à un montage édulcoré sur certains passages, le film de Jacques Kugler a le mérite de s’emparer d’un sujet controversé pour composer un récit d’horreur efficace et divertissant.
Puis, voir de jeunes producteurs comme Mathieu Ageron, Maxime Delauney et Romain Rousseau (Nolita Cinema) prendre des risques et s’essayer à l’horreur, porté par un casting principal 100% féminin qui plus est, est toujours bon signe. Un conseil pour la suite : faire confiance, ne pas se mettre de barrière et pousser au-delà des limites. L’horreur doit être sans compromis !
Mon interview avec la comédienne Marilyn Lima est à retrouver ici.
« Maraé » le 21 juin sur OCS Pulp.
Casting : Adèle Galloy, Marilyn Lima, Marie Zaubukovec, Vaimiti Teiefitu, Aurélien Recoing, Laurent Maurel…
1 commentaire sur “[CRITIQUE] – MARAÉ : FAITES DU SURF, PAS LA GUERRE !”