[CRITIQUE] – ZÉNITHAL : LA MASCULINITÉ TOXIQUE N’AIME PAS LES FEMMES

Jean-Baptiste Saurel est-il un génie ? Avec son histoire de sexe géant greffé, de destruction des cycles menstruels des femmes, et d’affrontements idéologiques hommes/femmes, le réalisateur nous plonge au cœur d’une histoire aussi absurde, rocambolesque que philosophique sur une époque où la domination masculine est de plus en plus oppressante. Une comédie d’action à la frontière du zénith, entre le sociétal et le sentimental.

Le sexe de l’homme à ses raisons, que la raison ignore

Ti-Kong (Thévada Tek) est un ancien acteur porno reconverti en star influenceur/coach de vie personnelle, dont le sexe greffé mesure plus d’un mètre. Francis et Sonia, eux, sont en couple depuis 10 ans, mais ne se comprennent plus. Alors qu’ils essayent de sauver leur couple, Francis se retrouve accusé du meurtre de son ancien rival Ti-Kong. Fuyant la police, il tombe entre les griffes d’un chirurgien en roue libre, prêt à tout pour défendre la domination masculine. Sonia passe alors à l’action pour secourir Francis, son couple, et rétablir la paix entre les sexes.

« Zénithal » fait partie de ces films au concept totalement délirant et dangereux. Délirant par ses idées folles, ses innombrables gags, rarement vus au cinéma et sa narration qui assume tout, ne se pose aucune limite. Dangereux parce qu’avoir un concept fort est un piège dont il est difficile de s’extirper, parvenir à se renouveler sur la durée est un défi. Pourtant, Jean-Baptiste Saurel (accompagné par Élodie Wallace, Amaury Ovise), arrive à tenir son concept du début à la fin, avec clarté, intelligence et chambarde son récit avec des trouvailles scénaristiques et scéniques particulièrement croustillantes. Comment des producteurs ont-ils pu accorder leur confiance à un tel projet, je ne saurais le dire car, sur le papier, l’histoire est surréaliste.

Néanmoins, dans ce grand tout absurde et déjanté, la comédie est en place, et le cœur du scénario toujours alimenté par un drame auquel nous sommes touchés et qui nous fait remettre en question notre vision du couple et de la définition même de ce qu’est être un homme tant au niveau moral que sexuel. À travers une histoire d’amour, et deux héros du quotidien interprétés par Franc Bruneau (Francis) et Sonia (Vanessa Guide), « Zénithal » réfléchit à cette guerre des sexe qui perdurent depuis des millénaires.

En effet, sous cette farce hilarante, le film évoque et dénonce le phénomène de plus en plus présent sur les réseaux sociaux des masculinistes : des hommes persuadés de leur supériorité et qui considèrent les femmes, disons-le clairement, comme des êtres inférieurs (la femme à la cuisine), et parfois même comme de simples objets sexuels. Jouant sur la détresse d’hommes « frustrés », timides ou persuadés que le féminisme détruit l’identité de l’homme, ces masculinistes poussent à une virilité malsaine et en totale contradiction avec le vrai désir des femmes. Des gourous stupides qui, sous couvert de vouloir aider ces hommes, s’enrichissent à coups de formations à leur image, idiotes, ou confortent les autres dans leur mentalité abjecte, démodée et dépassée.

Pour incarner le chef de cette secte – car c’en est une – la révélation de ces dernières années : Xavier Lacaille (« Le Parlement »). Il incarne le Docteur Machiavélique, dont l’objectif est d’anéantir les cycles menstruels des femmes (je vous laisse découvrir comment) et ainsi les contrôler pour assouvir les envies des hommes sans connaître la frustration. Une prestation de haute volée pour l’un des comiques les plus doués de sa génération. Avec l’aide de Francis, sorte d’élu « sexuel », cet antagoniste perdu dans sa propre pensée va tenter de remodeler le monde tel qu’il devrait être selon lui. Une course-poursuite pour sauver l’avenir des femmes démarre. Dès lors, Sophia, Marion (Rébecca Finet) et Ninon (Anaïde Rozam) vont tout faire pour abattre les projets fous du tyran, achevant de saupoudrer le récit d’une tension romanesque à la fois belle et drôle. Et quel plaisir de voir le destin des femmes entre les mains de femmes et non de héros masculins, comme aurait pu l’être Marcus (Cyril Gueï), par ailleurs souvent inutile dans les moments de danger.

Le film s’octroie même des chorégraphies d’action (avec ce sexe géant) complètement dingues, mais d’une originalité et d’une précision rares, parfois mieux cadrées et mises en scène que dans certains films d’action. La séquence finale, où se confrontent Francis, Sonia et le Docteur Machiavélique, outre son allégorie visuelle d’une guerre des sexes, apporte un véritable souffle épique à cette conclusion qu’une petite comédie sans prétention n’avait jamais atteinte. Ce sont dans ces instants-là qu’on comprend que la réussite d’une comédie repose sur autre chose que du simple travail. Il faut avoir un grain de folie, une imagination débordante, et un sens du gag et du rythme inégalés. Tout ce que possède « Zénithal ».

Conclusion

Peu de films sont capables de proposer un scénario si surprenant et dévergondé, frontal et absurde. « Zénithal » divisera à coup sûr, de par ses propositions comiques et ses partis pris humoristiques, mais également par ce que cela dit de nous en tant qu’hommes. Film totalement aberrant ou sorti tout droit du cerveau d’un génie, à vous de juger ! Pour ma part, avec « Zénithal », il me semble qu’une nouvelle aube pourrait se lever sur la comédie française.

. Vous pouvez retrouver mon interview avec le réalisateur Jean-Baptiste Saurel ici.

« Zénithal » le 21 août au cinéma.

Casting : Vanessa Guide, Franc Bruneau, Cyril Gueï, Xavier Lecaille, Rébecca Finet, Anaïde Rozam, Bruno Gouery, Thévada Dek…

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