[CRITIQUE] – LA NUIT SE TRAÎNE : UN THRILLER D’ACTION SAISSISANT

Avec « La nuit se traîne », le cinéaste Michiel Blanchart nous précipite dans une nuit cauchemardesque et brûlante dans laquelle un jeune serrurier se retrouve mêlé à une affaire de banditisme. Alors que la capitale bruxelloise s’embrase au rythme des manifestations, Mady survivra-t-il aux ténèbres qui semblent s’épaissir à mesure que la course-poursuite s’intensifie ? Un film percutant et poignant !

On ne touche jamais le fond, on continue de couler encore et encore…

Être au mauvais endroit, au mauvais moment, peut vous compter la vie. Mady (Jonathan Feltre), serrurier de nuit, voit sa vie basculer lorsqu’il est appelé pour une urgence. Arrivé sur place, Claire (Natacha Krief), lui demande d’ouvrir la porte d’un appartement. D’abord soupçonneux, car la jeune femme n’a ni argent, ni pièce d’identité à lui fournir, il finit par accepter de forcer l’ouverture de la porte. Prétextant sortir les poubelles avant de le régler et lui monter sa carte d’identité car elle ne parvient pas à remettre la main sur ses papiers, elle s’enfuit avec un sac contenant de l’argent. Débarque alors un truand venu lui aussi récupérer les billets. Mady se débat, et tue son assaillant. D’autres complices surgissent et Mady est kidnappé. Yannick (Romain Duris), le patron, lui donne un ultimatum : s’il ne retrouve pas la trace de Claire et de l’argent avant la tombée de la nuit, il sera accusé du meurtre de l’homme qu’il a abattu.

Michiel Blanchart a le sens du rythme ! Et pour un film comme celui-ci, le rythme est une constante essentielle. Dans cette histoire où les heures sont comptées et défilent à une vitesse impressionnante, où retrouver une fille dans une ville de plusieurs millions d’habitants est un défi presque impossible à réaliser, le cinéaste constitue non seulement une chasse grande nature d’une maîtrise scénaristique implacable aux dialogues énervés, mais surtout riche en rebondissements, en action. En effet, la cadence effrénée de la narration est également due aux nombreuses scènes de courses-poursuites – le film n’en est pas avare malgré un budget relativement serré qui confirme l’exploit -, accentuant la tension d’un récit, où la pression de Mady transpire au-delà de l’écran.

© 2024 – DAYLIGHT INVEST – FORMOSA PRODUCTIONS – QUAD FAM – GAUMONT – FRANCE 3 CINEMA – A PRIVATE VIEW – RTL BELGIUM – VOO

La caméra immersive de Michiel Blanchart porte le poids du serrurier sur nos propres épaules : on souffre, on a peur, on se bat, on court en même temps que lui, on ressent toutes les sensations qui le traversent. C’est l’autre atout de « La nuit se traîne », sa capacité à transposer les perceptions et les émotions de ce héros directement au spectateur.
Le film est aussi placé dans le contexte des manifestations du « Black Lives Matter ». Si là encore, cela donne un souffle « épique » au film et engendre un stress palpable à l’ensemble, les protestations de la rue permettent de souligner en parallèle le destin tragique de ceux qui essaient de s’en sortir honnêtement, de ceux qui subissent le racisme et les préjugés sans avoir la possibilité de prouver leur valeur. Et lorsque l’on voit Mady, embrigadé dans cette mésaventure au goût de sang et, tenter jusqu’au bout d’être fidèle à ses convictions, sincère à ses idéaux, être confronté à quelques violences policières, l’injustice nous émeut.

Jonathan Feltre, révélation récente avec « Les Rascals » de Jimmy Laporal-Trésor, offre une performance vive et profonde, comme l’ensemble du casting d’une justesse remarquable. Il y a dans le regard du jeune comédien une détresse touchante qui évolue, au fil de la nuit, en une volonté insatiable de s’extirper de sa condition et des événements imposés. Le regard d’un authentique acteur, capable de dévoiler une palette de jeu immense au sein d’un même film. Et l’histoire s’en trouve imminemment renforcée dans son crédit et son intensité.
De son côté, « La nuit se traîne » est une confirmation, s’il en fallait une, que Romain Duris peut être un grand méchant de cinéma.

© Mika Cotellon © 2024 – DAYLIGHT INVEST – FORMOSA PRODUCTIONS – QUAD FAM – GAUMONT – FRANCE 3 CINEMA – A PRIVATE VIEW – RTL BELGIUM – VOO)

Froid, le visage dur, les paroles sèches, l’interprète d’Athos a un charisme délicieusement mortel. Tout le pouvoir de l’acting dans un second rôle à l’image d’une Épée de Damoclès, prête à vous donner la mort à n’importe quel moment, sans que vous ne vous y attendiez.

Conclusion

Récit puissant et haletant, le nouveau film de Michiel Blanchart est un thriller d’action comme il en faudrait davantage dans le paysage cinématographique français. Si la course-poursuite d’un homme en sursis est un genre souvent éculé au cinéma, le réalisateur réussit à imposer sa patte et accorde à son film une identité qui lui est propre. À travers une mise en scène rythmée, incisive et émouvante, une photographie soignée et millimétrée ainsi qu’une direction d’acteurs d’une vérité remarquable, « La nuit se traîne » est un petit bijou du genre !

. Vous pouvez retrouver mon interview avec le réalisateur Michiel Blanchart et le comédien Jonathan Feltre ici.

« La nuit se traîne » le 28 août au cinéma.

Casting : Jonathan Feltre, Romain Duris, Natacha Krief, Jonas Bloquet, Sam Louwyck, Thomas Mustin, Claire Bodson, Nabil Malla…

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