Un exécutant pour le grand banditisme fait face à un tueur en série, surgi de son passé. Le chasseur, désormais chassé, livre son ultime combat pour espérer changer de vie auprès de son grand amour. Un thriller rigoureux, où le réalisme se mêle à une forme de mysticisme inquiétant. Et si l’allégorie du Mal prenait vie et finissait par vous consumer totalement ? C’est la promesse du nouveau film de Jean-Luc Herbulot…
Traquer ou être traqué
Frank (Joey Starr), assassin pour le compte d’une grande famille du banditisme, s’apprête à accomplir une dernière mission avant de prendre le large à Marseille avec la femme qu’il aime (Asia Argento). Sur la route des Ardennes, entourée de forêts mystérieuses, une femme ensanglantée et un sociopathe (Joaquim Fossi) croisent sa route. Bien qu’en apparence aucun lien ne les unit, les deux hommes ont pourtant bien plus en commun qu’ils ne le pensent. Traqué par cet individu maléfique mais aussi par les hommes de son employeur César Falcone (Michele Riondino), le road trip de Frank jusque dans le Sud de la France s’annonce mouvementé…
Au cinéma, les nuits d’hiver sont parfois sinistres et l’immensité des forêts d’une étrangeté préoccupante. C’est dans cette ambiance froide et glaciale, et sur cette route presque interminable, que le film de Jean-Luc Herbelot démarre. Les ténèbres, rien que les ténèbres. Et dans cette obscurité, entrecoupées de quelques éclairages secondaires, que le thriller prend ses formes, que s’installe une atmosphère menaçante où la réalité s’oppose au fantastique. Au volant de son 4×4 noir, il roule à vive allure, accompagné d’un étudiant au premier abord timide et introverti. Entre les deux genres, la frontière s’amincit à mesure que les kilomètres défilent sous les yeux de Frank, imperturbable et pourtant si fragile, d’autant plus lorsque le jeune homme se dévoile, se révèle sous sa véritable nature, authentique individu malsain et obsédé par son interlocuteur. Une bascule dans l’horreur, dans un imaginaire impensable, que le cinéaste Jean-Luc Herbelot maîtrise au cœur d’une narration qui évoque les questions de la seconde chance, de la rédemption, de la recherche d’un idéal, par le biais d’un soupçon de surnaturel. Des thématiques chères au cinéaste. Ainsi, en mettant en parallèle des sujets très terre-à-terre au paranormal, Jean-Luc Herbulot peut non seulement appuyer la rudesse de la vie humaine, ses faiblesses, la vanité des hommes, créer un climat singulier et ajouter un caractère épique à ses œuvres.
Afin de renforcer la puissance de son récit et son propos, le réalisateur choisit là encore un anti-héros pour explorer ses obsessions. Frank, fidèle boucher, est sur le déclin et traverse une période de crise existensielle. Son amour pour Anna et son envie de changer radicalement de vie l’ont peut-être « affaibli », rendu plus empathique. Malgré un passé fait de barbaries et de sang, il reste chez ce anti-héros une humanité, une lumière qui résonne avec une introduction éclairée par les seules phares d’un véhicule et de lampes torches. Parce que la cruauté devient un fardeau, Frank se décide donc à se laisser une chance, une chance de bâtir un avenir aux couleurs de la vie.
Et c’est à ce moment-là, comme une douce ironie du destin, que le hasard se mêle à la fatalité. C’est sa gentillesse, celle d’amener à ses côtés un parfait inconnu à sa destination, qui va le faire plonger au cœur de la folie. Cet inconnu, incarné par un Joaquim Fossi perturbant, calculateur et déterminé, présente petit à petit toutes les caractéristiques d’un mal profond, un mal qui vous ronge, s’insinue en vous comme un poison, au point de vous faire perdre le contrôle. Enveloppé d’une aura sombre, d’une façon de s’exprimer fanatique, il remet en question les espoirs de Frank. Lentement, Virgil, puisqu’il se présente ainsi, bouleverse les certitudes de sa proie dans un seul but : corrompre ce qui lui reste d’humanité, broyer son âme et être son digne héritier, l’héritier du Mal pur.
Ce n’est pas faute d’essayer de se débarrasser de lui, de cet assassin morbide, de lutter, pourtant, à mesure que Frank poursuit sa route, Virgil revient sans cesse, le met à l’épreuve dans une série de tests éprouvants. Une ritournelle infernale, une traque jusqu’à l’acceptation et la renaissance en un être luciferien ?
Joey Starr campe cet ancien bourreau avec une force, une violence et une intelligence de rare intensité et comme lui seul sait le faire. Il donne, par son physique bourru et sa démarche épuisée et vieillissante voulue pour l’interprétation du rôle, une dimension tragique à ce personnage que même la mort semble rejeter. Dans le regard de Joey Starr, sublimé par la caméra de Jean-Luc Herbelot, il y a toute la détresse, toute la peur et toutes les désillusions de cet anti-héros que la rencontre avec Virgil a su distiller en lui. Une belle performance dans un registre, celui du thriller ésotérique, où l’ex-rappeur excelle.
Quant à Joaquim Fossi, il tient peut-être là un rôle qui va lui ouvrir de nouvelles portes. Habitué aux comédies, il interprète parfaitement ici cette entité métaphorique et symbolique insaisissable.
Conclusion
Le réalisateur franco-congolais Jean-Luc Herbelot signe un thriller funèbre d’une efficacité redoutable. Si, au départ, le manque de budget est à l’origine de plusieurs système D (photographie), cette débrouillardise ingénieuse, disons-le, apporte néanmoins à la production un aspect hors norme (à son image finalement), notamment dans toutes les scènes en forêt et sur la route, au début du film, éclairée à la lampe torche et aux phares de voiture. Une façon de travailler anticonformiste séduisante, laquelle donne aussi toute sa générosité au film.
Il y a également tout un travail plaisant sur les costumes des personnages, que ce soit les hommes de main de Falcone avec leur long manteaux beige, et celui de Frank, plongeant davantage le spectateur dans un monde cauchemardesque et irréel.
« Jour de colère », le 18 septembre au cinéma.
Casting : Joey Starr, Joaquim Fossi, Asia Argento, Michele Riodino, Michaël Abiteboul, Bérangère McNeese, Camille Pistone…