[CRITIQUE] – UNE AMITIÉ DANGEREUSE : LA COUR DE LOUIS XIII VUE PAR MARIE DE ROHAN

Mini-série de 4 épisodes, Une amitié dangereuse retrace les premiers pas de Marie de Rohan à la cour du roi Louis XIII, jusqu’à son exil après un coup d’État manqué contre le cardinal de Richelieu. Surnommée Marie des Intrigues par la romancière Juliette Benzoni, dont la série est inspirée, en raison des nombreuses intrigues amoureuses et politiques qu’elle a élaborées, l’histoire est une véritable plongée au cœur des enjeux de l’État, entre passion et diplomatie. Ou quand la beauté d’une femme enjouée, libre et manipulatrice fait trembler le centre du pouvoir étatique… Magnifique !

Marie des Passions

La scandaleuse Marie de Rohan-Montbazon, duchesse de Luynes puis de Chevreuse se lie d’amitié avec Anne d’Autriche, reine de France, délaissée par son mari, le roi Louis XIII, car trop prude et timide. Marie n’aura de cesse de rapprocher le couple royal, désuni depuis trop longtemps, en introduisant rires et jeux galants dans l’atmosphère raide et compassée qu’impose alors le jeune et ombrageux roi de France.

Une amitié dangereuse est fidèle à l’histoire de Marie de Rohan. Si l’exercice de l’adaptation exige des ellipses et que certaines intrigues se résolvent assez vite à l’image (tel que le premier rapprochement sexuel entre Louis XIII et Anne d’Autriche), il n’en demeure pas moins qu’il existe une exactitude dans les faits et dans l’écriture scénaristique, rare dans ce type de séries/films historiques, où les auteurs prennent souvent beaucoup de libertés. Une vérité, une sincérité habitent le récit d’Alain Tasma (également réalisateur), Ève de Castro et Henri Helman, qui portent ici une narration trouble, par le biais d’une compilation des complots menés par la duchesse de Chevreuse dans la première moitié du XVIIᵉ siècle, au sein desquels se révèle une femme libre, d’esprit et de corps, dont les intrigues semblent être l’unique moteur d’une vie épanouissante.

Au-delà de la rigueur historique, Alain Tasma déploie un soin méticuleux dans la réalisation. La fresque est narrée à la fois avec ambition et un sens du détail proche de la perfection, où la mise en scène épouse la photographie de Virginie Saint-Martin dans une farandole de plans majestueux qui rendent grâce aux décors somptueux de Bourgogne et du château de Fontainebleau. Le travail de l’intime est une constante dans la filmographie de Virginie Saint-Martin. Que ce soit avec Une Sirène à Paris, Une mère parfaite ou Marie-Line et son juge, la directrice de la photographie parvient toujours à trouver le cadre et la lumière idéals pour renforcer la fragilité des sentiments humains ou la férocité de l’âme.

Avec le réalisateur, séduction et jeux de pouvoir se conjuguent dans une intensité saisissante qui ébranle les fondations du royaume de France.

L’architecte à la décoration de Loïc Chavanon brille, lui, par sa capacité à influencer la caméra d’Alain Tasma.
L’image capte le moindre élément, accessoire, fourni par le décorateur et infuse de la vie à des lieux parfois trop statiques ou impressionnants par leur démesure. Il crée des plans évoquant la nature morte ou l’expressionnisme, épurés de tout superflu pour concentrer l’attention sur une émotion ou une scène.

Côté costumes, Florence Clamond, habituée aux productions historiques (Kaamelott : Premier Volet, Versailles, La Dame de Monsoreau…), sublime la cour tout en donnant du caractère à ses créations. Chaque tenue est le fruit d’une réflexion approfondie sur la personnalité des personnages, le contexte ou les rencontres. Par exemple, les robes claires de Marie de Rohan suggèrent une innocence feinte et une pudeur trompeuse, traduisant son côté séductrice, jusqu’à sa dernière tenue, sombre et révélatrice, à l’image de Milady, où elle assume pleinement sa part d’ombre.

Un remarquable travail est également accompli sur le mouvement et l’expression corporelle. Marie de Rohan, femme passionnée, déploie des jeux de séduction d’une sensualité intense, sublimés par le regard pénétrant et la démarche assurée de son interprète Kelly Depeault. Cette série sobre privilégie le pouvoir d’attraction de la duchesse plutôt que sa sexualité. En effet, Une amitié dangereuse propose très peu de scènes explicites avec Marie de Rohan, privilégiant la suggestion, le réalisateur cultivant ainsi le mystère qui entoure la comploteuse.

Kelly Depeault dans la Cour des Grands

Jérémy Gillet, récompensé au Festival Series Mania pour sa prestation dans le rôle de Louis XIII, incarne donc le régent sans une fausse note. Dans son regard bleu azur, il y a toute la grandeur et la force d’un roi et, parallèlement, toutes ses fêlures, ses faiblesses et ses frustrations.

Si le reste du casting est extraordinaire de justesse, c’est Kelly Depeault qui sublime l’écran à elle seule. Elle interprète une Marie de Rohan espiègle, virevoltante, audacieuse et présomptueuse avec une telle générosité, une telle facilité qu’elle nous charme au-delà du réel. Aussi par la grâce de ses gestes, de sa posture ou de sa voix, tantôt envoûtante, tantôt ferme. Révélée grâce à la série L’Échappée, puis au cinéma dans La Déesse des Mouches à feu d’Anaïs Barbeau-Lavalette et Noémie dit oui de Geneviève Albert, Kelly Depeault fait partie de cette génération d’actrices au naturel éclatant, dont l’interprétation est davantage tournée vers la sobriété, l’abandon de soi et le dépouillement d’une forme de fugacité éreintante.

N’oublions pas Stéphanie Gil. Dans le rôle d’Anne d’Autriche, elle impose un style entre la froideur de l’autorité et la libération du devoir au contact de son amie Marie de Rohan. On retrouve la même énergie que dans le jeu de Kelly Depeault, à savoir ce besoin d’harmonie dans le rythme, cette envie de crédibilité qui ne se fait jamais au détriment de prouver quelque chose à ce métier, mais pour l’unique vérité, celle que le spectateur ressentira.

Conclusion

Une amitié dangereuse est une chronique ambitieuse qui offre un point de vue unique sur les coulisses du pouvoir sous le règne de Louis XIII. Vue par le prisme d’une femme, et plus précisément de Marie de Rohan, la série d’Alain Tasma séduit par sa réalisation précise, son écriture fidèle à l’Histoire et à la langue de l’époque, ainsi que par la beauté de ses acteurs et actrices inspirés, qui délivrent un récit peu connu d’une période importante de l’histoire française.

Mon interview avec Kelly Depeault est à retrouver ici.

« Une amitié dangereuse » dès le le 18 juin sur France 2.

Casting : Kelly Depeault (Marie de Rohan), Stephanie Gil (Anne d’Autriche), Jérémy Gillet (Louis XIII), Stanley Weber (Duc de Chevreuse), Arthur Dupont (Duc de Luynes), Clémentine Poidatz (Louise de Conti), Raïka Hazanavicius (Elen), Grégoire Colin (Le Cardinal Richelieu), Jack Laskey (Comte de Holland), Freddie Dennis (Duc de Buckingham), Loup Pinard (Comte de Chalais), Florian Lesieur (Gaston d’Orléans).

Avec la participation de Marie Bunel (Madame de Montmorency),  Patrick d’Assumçao (Ornano) et Maya Sansa (Marie de Medicis).

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