Jeune actrice québécoise promise à un grand avenir, Kelly Depeault s’apprête à devenir, sans aucun doute, la nouvelle coqueluche du public français. Mystérieuse et renversante dans Les Déesses des Mouches à Feu, bouleversante et intense dans Noémie dit oui, elle charme aujourd’hui en incarnant une Marie de Rohan libre et excessive dans la nouvelle série de France Télévisions : Une Amitié Dangereuse.
À seulement 23 ans, la comédienne offre déjà des performances artistiques raffinées et pleines de vérité. Sa volonté d’authenticité se manifeste dans la subtilité de ses émotions, la finesse touchante de ses gestes et la profondeur de ses regards, transformant chacun de ses rôles en une expérience unique.
À l’occasion de la diffusion de Une Amitié Dangereuse, elle revient sur ses débuts, ses premières expériences cinématographiques et télévisuelles, entre rencontres marquantes et plaisir de jeu.
Qu’est-ce qui vous a donné l’envie d’être actrice ?
Je suis devenue actrice par hasard. Au départ, j’ai été recrutée dans la rue pour faire des pranks dans une émission qui s’appelait Les Enfants Roy. Chaque semaine, nous devions piéger des gardiens d’enfants, et je jouais une des enfants qui faisait des mauvais tours. Nous avions des écouteurs dans les oreilles et on nous disait quoi faire. Suite à cela, je suis rentrée dans une agence, et tout a démarré ainsi. Il est vrai que cette fibre artistique, je l’ai depuis l’enfance. Je faisais beaucoup de peinture, du piano, mais aussi des sketchs pour le plaisir. Je me déguisais, j’apprenais des textes. Toutefois, je n’avais pas conscience que je voulais être actrice. […] Le film Matilda, de Danny DeVito, a été marquant pour moi : j’apprenais toutes les répliques par cœur. Pourquoi ce film en particulier ? Peut-être parce que c’était une enfant incomprise, qui a des pouvoirs magiques, et se réfugie dans des endroits chaleureux. Son histoire résonnait avec moi, plus jeune.
À la maison, la télévision n’était pas au centre de nos activités, alors je n’ai jamais vraiment développé l’habitude de m’asseoir pour regarder un film ou consommer des œuvres de manière passive. Avec mon hypersensibilité, certaines œuvres m’ont déjà profondément marquée, au point où l’expérience devenait presque trop intense pour être agréable. Ça m’amène aujourd’hui à avoir certaines appréhensions avant de visionner des films, surtout seule.
Il y a aussi le chant…
Je chante depuis toute petite. Un jour, nous sommes allés chercher ma sœur à sa chorale, et je me suis installée à côté de la pianiste, puis je me suis mise à chanter. Ils m’ont donné un solo la semaine suivante, pour un concert.
Ensuite, j’ai participé à des festivals, gagné quelques concours et chanté dans des festivals de country. J’aimerais vraiment refaire ça. C’est si chaleureux. Puis, nous avons fait l’école catholique avec ma sœur, à Trois-Rivières. Là, nous chantions dans la chorale, les dimanches à l’église.
Je recommence à faire de la musique aujourd’hui, j’adore créer quand j’ai des pauses de tournage. J’ai très hâte de sortir mes morceaux.
« On s’abandonne tellement dans certains rôles… que la frontière devient floue »
La première fois que je vous ai vue, c’était il y a 8 ans, dans le clip musical « Don’t Stop » de Lennikim (vidéo-ci dessous)…
Oh mon dieu ! (Rire) J’ai eu la chance de le croiser par hasard dans un centre commercial, où son équipe était présente ce jour-là. Quelques temps plus tard, mon agent de l’époque m’a informée qu’il y avait une possibilité pour moi de jouer dans son clip – j’ai accepté avec joie. C’était une expérience super fun. J’avais 14 ans à l’époque, et j’en garde encore aujourd’hui de très beaux souvenirs. Je félicite Lenni Kim d’ailleurs !
Votre première expérience télévisuelle, c’était dans la série L’Échappée. Parlez-nous de cette expérience et de ce que vous avez appris…
J’ai appris la technique : comment se déplacer dans l’espace, le fonctionnement des différents postes et des départements qui permettent le bon déroulement d’une production. Cela m’a permis d’évoluer dans ma vie, en incarnant un personnage qui évolue lui aussi. J’ai aimé pouvoir grandir avec ce personnage. Surtout, je crois que c’est à ce moment-là que j’ai pris conscience de l’opportunité que représentait le fait de tourner pendant sept années consécutives. Et puis, il y a eu la reconnaissance.
J’ai beaucoup déménagé pendant cette période de ma vie. Quand j’ai commencé à tourner L’Échappée, je venais d’arriver dans une nouvelle ville. À chaque fois, je devais retrouver une stabilité, me refaire des amis, etc. Et la série m’a permis d’extérioriser beaucoup de mes émotions. C’était comme une bulle protectrice, une expérience stable à un moment de ma vie où tout ne l’était pas. Comme une seconde famille, que je retrouvais, avec laquelle je me sentais bien. Mais je ne me suis jamais plainte. J’ai toujours vu la chance que j’avais de pouvoir travailler.
Au cinéma, vous avez joué des rôles dramatiques très puissants, notamment dans La Déesse des Mouches à Feu et Noémie dit oui. Le premier se déroule dans l’univers des années 90, où votre personnage rebelle teste ses propres limites ; le second aborde le monde de la prostitution juvénile. Deux rôles très intenses…

La Déesse des Mouches à Feu a été, là aussi, une expérience très thérapeutique, apaisante et remplie d’amour. Le personnage que j’y incarne m’a permis de voir quelque chose en moi que je ne percevais pas encore, et cela m’a profondément aidée dans mon propre cheminement.
Anaïs Barbeau-Lavalette a été une réalisatrice incroyable, mais aussi une humaine que je chéris encore aujourd’hui – autant dans mon cœur que dans ma vie. Je suis immensément reconnaissante d’avoir eu la chance d’interpréter ce rôle, et très heureuse d’avoir pu porter à l’écran l’adolescence punk des années 90 au Québec.

Pour Noémie dit oui, j’ai été approchée par la réalisatrice Geneviève Albert, qui m’avait découverte dans Les Déesses des Mouches à Feu et pensait à moi pour incarner le rôle de Noémie. Elle m’a envoyé le scénario et, après l’avoir lu, j’ai pris le temps de réfléchir avec délicatesse et conscience.
C’est un sujet qui me touche profondément. Ce que je trouvais essentiel, c’était de faire un film où la nudité ne soit pas centrée sur le corps de la jeune fille, mais plutôt sur le regard – celui des clients, des adultes – et sur la violence systémique qui se cache derrière tout cela. Je savais que je voulais incarner ce rôle avec le plus de justesse et de respect possible.
Pour les scènes les plus délicates, j’ai proposé que toute l’équipe porte des oreilles de lapin. Cela a permis de créer une distance, une sorte de fausse réalité : quand la réalisatrice disait « Action », j’entrais dans une forme de transe, et quand on coupait, je relevais la tête comme si je me réveillais dans Alice au pays des merveilles. J’étais vraiment reconnaissante que l’équipe ait accepté ce geste-là.
Ce rôle m’est resté dans le corps pendant trois ans – et parfois encore aujourd’hui. J’ai énormément d’empathie pour les jeunes qui vivent des réalités semblables. Avec le temps, j’ai appris à faire un peu plus la part des choses, et j’ai trouvé des outils pour revenir de tout ça. Mais le cerveau, parfois, ne distingue pas ce qui est réel de ce qui ne l’est pas – ce qui me fascine, d’ailleurs, dans ce métier. Il m’arrive encore de rêver de châteaux forts, par exemple, depuis Une amitié dangereuse. On s’abandonne tellement dans certains rôles… que la frontière devient floue. Mais j’adore pouvoir vivre toutes sortes de fausses réalités à chaque projet. Quelle chance.
« Je ne planifie jamais mes mots ni mes gestes »
Dans chacun de vos rôles, vous allez puiser des émotions fortes avec beaucoup de justesse. Comment parvenez-vous à jouer toutes ces émotions ? Où allez-vous les chercher ?
Je crois que je vais les chercher dans ce que je ressens en moi, dans ce que j’ai déjà vécu ou observé, du haut de mes 23 ans.
Quand je lis une séquence, j’arrive à l’associer à une émotion. Ensuite, je fais comme un collage intérieur. Mais je ne planifie jamais mes mots ni mes gestes. Je reste très libre dans mon jeu, je laisse beaucoup de place à l’instinct. Et puis, il y a aussi l’énergie des autres acteurs. On ne sait jamais exactement comment une scène va se dérouler à l’avance… et c’est ce que j’aime.
Dans Une amitié dangereuse, vous incarnez la Duchesse de Chevreuse, Marie de Rohan…
C’était la première fois que je partais seule pendant trois mois et demi pour un tournage. Mais j’ai décidé, aussi bien pour le voyage que pour ce premier rôle historique inspiré de faits réels, de transformer autant que possible la peur et le stress en excitation, en énergie positive. J’étais surexcitée à l’idée de jouer ce rôle, surtout dans des décors aussi incroyables. C’est vraiment magnifique, chez vous !
Et puis, j’ai adoré jouer en costume. D’autant que, petite, j’avais une grande énergie masculine, alors le contraste me faisait beaucoup rire. Je suis encore choquée d’avoir eu la chance de vivre ça ! Comme je le disais, je rêve encore de vos châteaux… Alain et son équipe ont fait un travail titanesque sur le scénario. Nous avons eu de longues discussions sur le personnage et sa vision. De mon côté, j’ai regardé quelques vidéos pour me plonger dans l’Histoire, mais j’ai surtout fait confiance à Alain pour me guider.
On avait une certaine liberté dans le jeu, mais j’ai beaucoup aimé la précision de ses indications, notamment sur les émotions.
Il y a un rapport au corps omniprésent dans la série. Marie s’en sert par exemple comme une arme de séduction, elle a conscience de son charme. Je sais que vous faites souvent des photos artistiques, où la présence et le corps sont indispensables. Il faut être à l’aise avec soi-même. Est-ce que cela vous a aidée sur les scènes dénudées ou plus intimes ?

Je n’ai jamais fait le rapprochement ni analysé ça vraiment. Mais j’aime me sentir libre. Ce sont toujours des séquences vertigineuses, surtout que sur cet aspect-là, Noémie dit oui m’a particulièrement marquée. Néanmoins, je sais aujourd’hui ce dont j’ai besoin pour que tout se passe bien, pour que je sois à l’aise et en sécurité. Nous avons aussi eu des réunions d’équipe autour de ces scènes, car je n’aime pas la nudité gratuite. Pour moi, ces scènes doivent être justifiées. […] Nous avions une coordinatrice d’intimité sur le plateau, qui a été géniale. C’est vraiment important et révolutionnaire. Cela va aider toute une nouvelle génération de jeunes actrices et acteurs à mieux appréhender ces scènes.
Si son corps est un atout, il y a aussi son regard et sa voix qui séduisent. De quelle manière avez-vous travaillé vos jeux de regards et votre voix ?
Je ne l’ai pas conscientisé. D’ailleurs, je ne parviens pas à décrire la façon dont je joue. Je crois que je me suis juste amusée. Ce qui, finalement, correspond parfaitement à l’attitude de Marie de Rohan. Elle s’amuse. Pour elle, tout cela n’est qu’un jeu. Je l’ai aussi pris ainsi et suivi cette énergie.
Dans tous ces rôles que nous avons évoqués, il y a des points communs. Qu’est-ce qui vous plaît tant chez ces héroïnes que vous avez incarnées ?
J’aime leur côté fragilement fort, les amplitudes d’émotions qu’elles portent et dégagent. Ce sont des personnages complexes, entiers, et émotionnellement chargés – et c’est un vrai plaisir, en tant que comédienne, de pouvoir naviguer dans toutes ces nuances, ces intensités, ces silences aussi. J’aime interpréter leurs failles, raconter leur histoire à l’écran, leur donner voix et corps avec le plus de respect possible. J’ai aimé défendre chacun de ces rôles.
Et surtout, j’écoute mon cœur et le courant de la vie. J’essaie, autant que possible, de carburer au plaisir. Quand on me propose un casting ou un projet, je prends toujours le temps de ressentir s’il me fait vibrer. Et si c’est le cas… je fonce.
« Une amitié dangereuse » dès le le 18 juin sur France 2.
. Ma critique de la série est à retrouver ici.
Synopsis :
La scandaleuse Marie de Rohan-Montbazon, duchesse de Luynes puis de Chevreuse, libre de corps et d’esprit, se lie d’amitié avec Anne d’Autriche, reine de France, délaissée par son mari, le roi Louis XIII, car trop prude et timide. Marie n’aura de cesse de rapprocher le couple royal, désuni depuis trop longtemps, en introduisant rires et jeux galants dans l’atmosphère raide et compassée qu’impose alors le jeune et ombrageux roi de France.
Casting : Kelly Depeault (Marie de Rohan), Stephanie Gil (Anne d’Autriche), Jérémy Gillet (Louis XIII), Stanley Weber (Duc de Chevreuse), Arthur Dupont (Duc de Luynes), Clémentine Poidatz (Louise de Conti), Raïka Hazanavicius (Elen), Grégoire Colin (Le Cardinal Richelieu), Jack Laskey (Comte de Holland), Freddie Dennis (Duc de Buckingham), Loup Pinard (Comte de Chalais), Florian Lesieur (Gaston d’Orléans).
Avec la participation de Marie Bunel (Madame de Montmorency), Patrick d’Assumçao (Ornano) et Maya Sansa (Marie de Medicis).
