* SPOILERS *
12 ans après la fin de la série d’M6, Kaamelott revient au cinéma avec ce Premier Volet très attendu par les fans. Un pari risqué pour Alexandre Astier dont l’objectif avec son adaptation sur grand écran était triple : surprendre les aficionados, continuer d’enrichir son univers et conserver malgré tout ce qui a fait le succès de Kaamelott à savoir des personnages hauts en couleur et des situations absurdes et/ou rocambolesques. Est-ce une réussite ? Réponse !
Le Roi Arthur & Guenièvre * Statut Facebook : C’est compliqué *
De ce couple, une certaine tendresse s’est toujours dissimulée. Malgré un mariage forcé pour des raisons politiques, les trahisons, les petites « méchancetés » verbales ou les nombreux refus d’Arthur de toucher et de faire un enfant avec Guenièvre, au fil des années, le couple royal a su nouer une forme de « relation ».
Timidement, Le Roi de Bretagne a même eu des attitudes héroïques et affectueux envers sa femme : il empêche son sacrifice pour apaiser la colère des dieux, il la réconforte – à sa manière – quand elle a peur de l’orage ou en se mettant à la recherche de pâte d’amande pour lui faire plaisir. Des gentillesses qui tentent à prouver qu’Arthur n’a aucune animosité envers Guenièvre, ni même un intense dégoût pour elle. Il fait preuve d’empathie et ses énervements ne seraient-ils pas après tout, le signe d’un refoulement amoureux ?
Mais c’est bien Guenièvre qui a toujours été la plus fidèle envers Arthur Pendragon, notamment dans les livres V et VI. En effet, elle s’occupe davantage de lui, suit l’ancien Roi lorsqu’il décide d’entreprendre des recherches sur sa descendance et le sauve même des griffes de Loth et d’Anna.
Un respect mutuel entre les deux s’établit et même une complicité.
En ce sens, Kaamelott – Premier Volet poursuit et donne même une conclusion à cette histoire faite de reproches, d’engueulades et de trahisons.
Alors qu’Arthur a libéré Guenièvre de la Tour où elle était emprisonnée, la fille de Leodagan souhaite rebrousser chemin pour récupérer une couronne de fleur que le Roi portait lors de leur mariage. Et si ce caprice, au premier abord, sert de ressort comique ou s’apparente pour d’autres à combler des vides scénaristiques dans le récit, il n’en est rien. Alexandre Astier réalise ici une séquence romantique d’une magnifique poésie, où les actes comptent plus que les paroles. C’est en escaladant un côté de la Tour à mains nues et en refusant de prendre les escaliers, qu’Arthur accepte un geste romantique (dont la tentative précédente par un autre protagoniste est utilisé comme un gag) et faire comprendre à Guenièvre que sa nostalgie, son désir de revenir chercher cet objet symbolique n’a pas été vain, l’a touché. Ainsi, Arthur ouvre son cœur à celle qu’il a tant repoussée. Car, c’est dans les épreuves aussi, qu’on reconnaît le véritable amour. Arthur se serait-il remémoré toutes les choses que Guenièvre a faites pour lui à ce moment-là ? Certainement.
Lancelot du Lac se déchaîne
Lancelot du Lac, ancien Chevalier de la Table Ronde et meilleur ami du Roi Arthur, est le grand méchant de ce Premier Volet. Alors qu’il tyrannise la Grande-Bretagne, désormais divisée, le spectateur perçoit les changements au sein du Royaume de Logres, au château de Kaamelott, et les nouvelles alliances. Une plongée au cœur d’une nouvelle dictature où l’on comprend que les temps où Arthur était au pouvoir sont loin, très loin. Le personnage incarné par Clovis Cornillac le signifie : « C’était un grand roi ». Arthur manque, une résistance s’organise, attendant le retour de l ‘élu devenu esclave.
C’est dans cette atmosphère oppressante, parfaitement retranscrite (la Résistance vit sous-terre, la photographie froide au Château…), que le film surprend. Même si le Livre V et VI composaient déjà une ambiance similaire, au travers une colorimétrie moins chaleureuse, jamais Alexandre Astier n’avait été aussi en profondeur dans ces changements tantôt claustrophobiques, tantôt lourds et implacables. C’est toute la beauté de ce Kaamelott – Premier Volet qui conjugue avec brio la comédie, le déjanté et le film d’aventure dramatique, violent et viscéral.
Toutefois, on regrettera que la menace « Lancelot » ne soit pas plus omniprésente. Le dictateur stagne dans son château, n’intervient que rarement, semble même évincé de l’histoire. Pourtant, il est l’antagoniste principal du récit. Et si certaines scènes permettent de comprendre la nouvelle situation dans laquelle sont plongés les protagonistes depuis que Lancelot est sur le trône, comme je l’expliquais, un antagoniste plus actif, plus présent dans l’action, aurait permis d’appuyer la tension dramaturgique de l’œuvre.
En outre, quelques questions restent en suspens dont l’accoutrement dans lequel est affublé Lancelot. L’origine de son costume n’est pas évoquée. Un petit point qui devrait être éclairci, non ?
Enfin, déception sur l’affrontement final entre Lancelot et Arthur. Le combat entre les deux hommes, teasé dans la bande-annonce comme un duel épique, n’est pas à la hauteur des attentes. Un combat un peu bâclé, vite expédié, et qui manque là aussi d’une véritable tension pour immerger totalement le spectateur dans cette amitié brisée, aux conséquences douloureuses, mais aussi dans les enjeux du film.
Joyeuse compagnie
Il n’est jamais aisé de réaliser un film choral, qui plus est lorsqu’on aborde les légendes arthuriennes, où pléthores de personnages importants se succèdent. Dans Kaamelott – Premier Volet, pratiquement tout le casting est de retour pour nous faire rire. Alexandre parvient plus ou moins à gérer le temps de parole et d’écran de ses protagonistes mais, on déplorera cependant des petites absences, des traitements pas toujours équitables ou des héros peu exploités et impliqués dans les enjeux.
Lancelot, comme je le disais précédemment, mais également Merlin, les parents de Guenièvre ou encore La Dame du Lac, Le Père Blaise et Bohort qui sont très présents dans la série, sont assez évincés de l’histoire – même si une ou deux scènes leur offrent une nécessité scénaristique pour faire débloquer une situation. Ce sont là les limites à la construction d’une saga en plusieurs parties et sur le long terme : la frustration – souvent liée à l’impatience – de ne pas avoir de conclusion sur telles ou telles sous-intrigues.
Concernant les petits nouveaux, ils assurent. Les enfants d’Alexandre Astier font un joli travail d’interprétation ainsi que les nouvelles têtes comme les trois jeunes gens qui viennent à la rencontre de Perceval et de Karadoc. Et en parlant d’eux…
Les deux « guignols » du Royaume de Logres sont parmi ceux qui sont à l’origine des séquences les plus hilarantes du long-métrage : la scène où Arthur décide de délivrer Guenièvre et celle du Robobroll. Ce duo burlesque fonctionne à merveille, même 10 ans après.
Leurs incapacités à suivre les ordres, leur langage (expressions/inversions des mots), leur faciès, sont les principaux éléments comiques qu’on savoure avec autant de joie et de rire.
Conclusion
Si Kaamelott – Premier Volet n’est pas exempt de petits défauts d’écriture (on ne comprend pas toujours les gestes d’Arthur, la motivation de son retour à son abdication à la fin du film), des flashbacks qui alourdissent le récit – et d’un dernier acte sous forme d’ellipses temporelles et d’un montage hasardeux, le film d’Alexandre Astier surprend et mêle habilement comédie et épopée biblique.
L’histoire se poursuit donc d’elle-même et Astier s’amuse entre parodie mythologique et drame arthurien, livrant en parallèle un long-métrage plus complexe, émotionnellement parlant, qu’il n’y paraît. Amitié(s) perdue(s) ou retrouvé (es), amour sincère, fidélité, frustration, échec, remise en question, tout s’entrelace pour dévoiler un spectacle qui va au-delà de la simple comédie clownesque.
On retrouve aussi, et avec plaisir, cette galerie de personnages loufoques, balourds, débiles mêmes mais attachants. On ressent le bonheur que les acteurs ont eu à ce retour, où les dix années passées ne semblent nullement avoir impacté leurs interprétations. C’est comme si chacun d’entre eux n’avait jamais quitté leur rôle. Les caractéristiques de personnalité, les attitudes, les démarches, les mimiques, les intonations de voix, rien ne s’est perdu. Le succès de la série reposait en partie sur cela, il en sera de même pour le film.
Quant à la réalisation et la musique, Alexandre Astier compose l’image et le son sur le même chemin. Ainsi, chaque situation a sa propre musicalité et les notes retranscrivent de façon juste et précise ce qui se déroule sous nos yeux. Il n’y a pas de trahisons entre les deux, tout se complète. Au point que la musique intervient dans la logistique et le placement des troupes Burgondes, lors de la seconde attaque de Kaamelott. Si ça, ce n’est pas une lettre d’amour à la musique… !
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