LOIN DU PERIPH (NETFLIX) : ENTRETIEN AVEC LE COORDINATEUR DES CASCADES MICHEL BOUIS ET SON ASSISTANT OLIVIER FORNARA

* Attention, il faut avoir vu le film avant de lire l’interview *

Avec « Loin du Periph », le réalisateur Louis Leterrier s’offre une véritable suite à l’américaine. Et qui dit film d’action à l’américaine, dit ingrédients bien spécifiques : bastons sur-dimensionnées, courses-poursuites nerveuses et grosses explosions. « Loin du Periph » a tout ceci, dont plusieurs affrontements à mains nues. Parmi ceux-ci, une séquence de MMA, un face-à-face féroce entre les personnages interprétés par Omar Sy (Ousmane Diakité ) et David Ban et une scène d’arts martiaux à la John Wick.

Pour la sortie du film ce 6 mai sur Netflix, Michel Bouis, coordinateur des cascades et Olivier Fornara, assistant coordinateur, reviennent ensemble sur la manière dont ils ont conçu et chorégraphié chacune de ces trois séquences.

Séquence 1 : Le MMA

Le film s’ouvre avec Omar Sy qui tente d’interpeller un suspect pratiquant le MMA dans des combats souterrains illégaux. Une scène où l’acteur délivre une performance physique impressionnante et des qualités jusqu’à là insoupçonnées.

Quel a été le travail préparatif sur cette séquence ?
Olivier Fornara, assistant coordinateur : Le comédien qui se bat avec l’adversaire d’Omar Sy avant que celui-ci n’arrive dans la cage, est un vrai combattant de MMA. Nous avions une journée de répétitions, de créations de chorégraphies, une seconde journée d’entraînement avec les doublures et les rôles, et une dernière journée avec Omar. Nous le suivons et l’entraînons depuis Lupin. Dès lors, ça va assez vite. Et, avec l’expérience, nous savons quels mouvements marchent bien à la caméra, ceux qui sont impactant et les chutes qui paraissent impressionnantes à l’écran. Nous réfléchissons aux mouvements, nous nous inspirons de certains combats, nous avons regardé pleins de vidéos pour voir ce qui peut être percutant au visionnage. Puis, nous avons gagné du temps parce que nous avons travaillé, comme je le disais, avec des gens issus du MMA et parce qu’Omar est une personne très physique, qui mémorise rapidement les mouvements. C’est assez dingue. Nous lui montrons les chorégraphies en amont avec sa doublure, lui observe. Il apporte aussi des choses. Souvent, il était force de proposition. Il adapte ses coups par rapport à sa manière de bouger, à son personnage. Nous, nous essayons que la chorégraphie colle à son personnage mais celui qui le connaît le mieux c’est lui. Il nous a beaucoup aidé. Sur le tournage, 90% des cascades ont été réalisées par Omar. Il est très impliqué physiquement. Omar a des méthodes à l’anglo-saxonne.

Séquence II : La Discothèque

Dans cette séquence, notre flic tout terrain, Ousmane Diakité, affronte un redoutable agent de sécurité raciste, incarné par David Ban, au sein d’une discothèque. Une scène brute, violente, au ton très différent.

Comment avez-vous travaillé cette scène en amont ?

Michel Bouis, coordinateur des cascades : Après lecture du scénario, le réalisateur Louis Leterrier nous a indiqué ce qu’il souhaitait à savoir un affrontement style combat de rue. Nous avons ensuite été faire un repérage des lieux, afin de savoir précisément ou été situé le bar, le podium, avoir une idée plus globale de la façon dont les éléments sont disposés pour imaginer ce que l’on peut rajouter ou ce que nous devions enlever. De là, nous créons une chorégraphie en prenant en compte toutes nos observations. Louis est venu pendant les répétitions, et il a apporté des modifications. C’est un travail d’équipe, en constante évolution.

Une fois la chorégraphie calée, Omar Sy et David Ban viennent répéter avec nous et les doublures sur une journée. Notre travail évolue encore dans cette phase, puis qu’eux aussi apportent des choses. Là aussi, nous avons seulement 2-3 jours de travail. Cependant, David Ban est très bon en combat, assidu et, comme le disais Olivier, Omar a une mémoire folle et capte tout ce qu’on lui dit ou montre vraiment vite.

Comment avez-vous composé avec cet environnement ?
M.B : C’était assez intéressant de travailler dans cet environnement et de trouver des idées pour utiliser le décor. C’est de la création chorégraphique. Ça donne une contrainte supplémentaire mais le décor peut, au contraire, donner un autre aspect à notre travail, un nouvel élan, nous aider à trouver de meilleures idées. Nous nous adaptons. On va aller chercher ça. Il y a une barre de pole dance, nous l’utilisons. Nous trouvons la chorégraphie par rapport à ça. Pareil pour le bar ou la banquette.

O.F : Nous nous inspirons aussi de l’histoire. Dans le film, le personnage de David Ban est censé être plus résistant qu’Omar. Forcément, dans la création, nous y pensons. Il faut que les réactions des coups s’adaptent aux deux profils. […] Nous voulions quelque chose de sale, de brutal, le plus réaliste possible. Nous ne souhaitions pas aller vers une scène trop chorégraphique. Nous ne devions pas sentir la chorégraphie, que les mouvements ont été appris.

Il y a ce moment où Omar Sy traverse un faux mur. Racontez-nous les coulisses de cette séquence…
M.B : Omar a tenu à faire cette cascade lui-même. Le faux mur a donc été conçu par l’équipe des effets spéciaux, qu’ils prédécoupent. La difficulté de traverser, c’est de penser qu’il faut s’enfoncer fort mais en réalité, on s’aperçoit qu’on passe à travers quelque chose qui n’est pas solide. Le mur se brise très facilement. On se retrouve rapidement dans « le vide ». Pour réaliser la scène, on s’occupe aussi de toutes les questions de sécurité. Nous sécurisons l’environnement, nous calons les protections où il faut sur Omar, et on le met en condition. Lui, ça l’amuse. Il est très adroit et habile. À l’écoute des conseils et des recommandations. […] Il n’est pas tiré pas des câbles. Il traverse lui-même le faux mur avec un élan. Le film a été tourné il y a un an et demi donc, je ne me souviens plus exactement mais oui, nous avons eu plusieurs répétitions et tourné plusieurs prises.

Séquence III : Izïa versus Omar

Alice se révèle. Elle joue finalement double jeu. Pour stopper Ousmane, elle décide de le neutraliser. Un duel à mains nues s’engage entre eux.

Quelles ont été les directives pour la création de ce combat ?
O.F : Pour la chorégraphie, Louis Leterrier souhaitait quelque chose de très rapide, pour que le spectateur se sente impressionné par ce qui arrive. Car nous n’imaginons pas que cette flic sache faire ça. Nous nous sommes donc inspiré des films asiatiques.

M.B : Au départ, nous avions aussi une différence de gabarit. Omar est très grand. Nous sommes donc partis sur un style art martial, sur du pied/poing aérien, où Omar esquive les coups car lui, ne veut pas se battre. On a travaillé cela en salles. Pour Izïa, il nous fallait déjà une doublure qui maîtrisait déjà les arts martiaux, c’était important, afin de montrer à la comédienne comment réaliser les mouvements. Izïa a bossé pour arriver à ce résultat-là. C’est toujours agréable de travailler avec des comédiens ou des comédiennes de la sorte, qui sont en demande et se prêtent au jeu. Nous, nous sommes là pour les embellir.

Est-ce que vous avez rencontré des difficultés particulières sur la préparation ou lors du tournage ?
O.F : Les difficultés, on les trouve par rapport aux lieux, qui sont à la fois un avantage et une contrainte. Pour reprendre l’exemple de la discothèque, même si nous avions fait un repérage, le jour du tournage, nous pouvions nous retrouver avec moins de lumière ou avec des éléments de décors qui venaient de s’ajouter pour l’environnement plus vivant. Puis, tourner la nuit implique de prendre en considération la fatigue, qui amènent souvent à moins de vigilance et donc, à plus de blessures. Cependant, nous, nous avons la chance de connaître Omar et nous savions comment s’orienter, quoi lui apporter. Et inversement. Ça, encore une fois, ça nous a vraiment aidé.

Ce qui est intéressant, c’est que ces 3 scènes-là offrent 3 styles de combats différents. J’imagine que pour vous, c’est jouissif d’avoir à travailler sur plusieurs aspects du combat…
O.F : Exactement. Souvent dans un film, nous devons conserver l’esprit des styles de combat. Sur Loin du Periph, c’est que nous avons pu travailler sur trois styles de combats différents, trois manières de chorégraphier, trois manières de se battre. Pour nous, c’est un vrai bonheur ! Ça nous évite aussi de tourner en rond, de créer et de travailler les mêmes mouvements.

M.B : C’était super de pouvoir jongler et de passer du catch au pied/poing et une scène très chorégraphique. Il y avait ce panel sur lequel nous avons pu jouer et c’était très agréable.

Loin du Periph, actuellement sur Netflix.



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