C’EST MAGNIFIQUE ! : ENTRETIEN CINÉMATOGRAPHIQUE AVEC CLOVIS CORNILLAC : « Je suis obsédé par la réalisation »

C’est Magnifique ! est un objet cinématographie singulier, une œuvre rare dans le cinéma français. Dans sa nouvelle réalisation, Clovis Cornillac y incarne aussi Pierre, une sorte de Tanguy, amoureux de la nature, des plantes, un magicien qui crée des variations de fleurs extraordinaires et d’une beauté extravagante. À la mort de ses parents, Pierre apprend qu’il a été adopté et se retrouve locataire d’un appartement sur Lyon. Il décide de quitter ses montagnes et de partir à la ville, où il n’a jamais mis un pied, afin de se lancer dans la quête de ses origines. Déboussolé par un monde qu’il ne connaît pas, il se liera d’amitié avec une jeune inconnue, cassée par la vie, Anna (Alice Pol). Ensemble, ils essaieront de régler leurs problèmes personnels.

C’est Magnifique ! : Objet Cinématographique Non-Identifié

Avec C’est Magnifique !, Clovis Cornillac livre une œuvre bouleversante, douce mais surtout unique en son genre. Un film construit pas à pas avec, au départ, une idée générale en tête, comme nous l’explique son réalisateur : « Après Un peu beaucoup aveuglément, qui était ma première réalisation, je n’avais pas d’idées pour le film d’après car je ne savais pas si j’allais aimer réaliser. Mais cela a été une passion, une rencontre incroyable. Cependant, je n’avais pas d’idées préconçues mais je savais que je voulais faire un film avec en toile de fond la bienveillance ». Ce qui fait du film de Clovis Cornillac un projet aussi exceptionnel et étrange à la fois, c’est qu’il a été pensé et conçu avec une véritable envie de proposer au public une expérience inédite : « En parallèle, j’avais cette envie profonde de faire du cinéma. La salle est un endroit où il faut qu’il y ait une dimension du spectacle. Aujourd’hui, il y a de superbes propositions à la télévision, sur les plateformes, mais ce n’est que pour des supports. Si je devais faire des choses avec eux, ça serait uniquement pour eux. Pour le cinéma, il faut faire des films pour le cinéma. J’essaye, même lorsque je réalise Belle et Sébastien 3, d’amener du cinéma. C’est une sorte d’obsession. Je suis porté par ça ».

« On essaie toujours de tout classer. Néanmoins, si vous aimez ce type de films, il n’est pas impossible que vous aimiez C’est Magnifique ! ».

Une obsession qui se traduit à l’image. C’est Magnifique ! oscille entre l’univers coloré et géométrique de Wes Anderson et, celui absurde d’un Albert Dupontel. Il y a dans le film de Clovis Cornillac, un vrai travail dans la composition des cadres, dans le choix de la colorimétrie et même des costumes. Des inspirations fortes, dont il n’avait pas nécessairement conscience à l’écriture du projet : « Quand je fais un film, je pense avoir la naïveté du personnage. Ainsi, je suis sûr de tout inventer. Je serai incapable de penser un plan que j’ai vu. Par orgueil probablement, mais aussi par impossibilité d’être un imitateur. Quand je vois le film, une fois terminé, je regarde et, effectivement, il y a un cousinage. Je pense que j’ai dû remâcher tout ça à ma sauce, et naïvement croire que j’étais en train d’inventer un truc qui a déjà été fait, bien mieux que moi mais différemment par différentes personnes. Moi, ma manière de le faire, c’est la mienne mais elle est absolument sincère ». S’il entend le cousinage, et qu’il reste flatté par la comparaison de ces artistes qu’ils admirent, il soulève une question intéressante quant à la question du genre. Car, en effet, il est difficile de définir C’est Magnifique !, comme il est difficile de qualifier le genre d’un film de Wes Anderson ou d’Albert Dupontel : « On essaie toujours de tout classer. Néanmoins, si vous aimez ce type de films, il n’est pas impossible que vous aimiez C’est Magnifique !. Parce que c’est un cousin. Mais encore une fois, je ne sais pas comment les appeler. Certains disent « conte », « conte fantastique », « comédie fantastique »… On ne sait pas, mais on sait qu’on les aime ». Néanmoins, il prévient : « En revanche, si vous n’aimez pas ce type de films, ne venez pas, car vous serez forcément réfractaire à ce genre d’univers ».

Lorsque Pierre arrive dans le logement que ses parents lui ont légué à Lyon, c’est un tout autre univers dans lequel est plongé le spectateur. Un décor, une fois de plus très Andersonnien, que Clovis Cornillac a réfléchi en pensant à son enfance :

« Pour ce créer décor, j’ai pensé à mon enfance. Ce que je recherchais, c’était les années 70. L’endroit est figé. C’est le orange, les tapisseries qui évoquent quelque chose de rassurant et de pop en même temps. On ne se rend pas compte que nous étions dans une époque pop. C’était ringard. Mais en réalité, non. Tous les objets qu’il y a et les formes de l’appartement, les matériaux et les couleurs, sont liés à l’époque. La circulation, elle, est liée à la mise en scène. Je raconte au décorateur la manière dont je veux filmer, et il me fait ensuite des propositions. Il fallait aussi que la géométrie soit compatible avec l’extérieur. Je voulais faire un extérieur/intérieur qui soit crédible ».

Un sens de la mise en scène qu’il assume et dont il est friand : « J’aime quand il y a du cinéma. J’adore ne pas me poser la question et à la fin de la séance rester bouche bée devant la réalisation d’un film. J’aime me faire embarquer et me dire que j’ai vu un film fabriqué, et non pas une histoire filmée. Ça, tout le monde peut le faire. Il y a beaucoup de films qui se font ainsi. Moi même en tant qu’acteur, j’ai participé à certains d’entre eux. C’est quelque chose qui est triste. Mais quand tu te fais embarquer et que tu t’aperçois de la puissance des plans… Je suis obsédé par la réalisation ».

Le film convoque aussi le genre du fantastique, dans un dernier acte éblouissant de sincérité et d’émotions, de grâce et de poésie. Pourtant, ce n’est jamais évident d’invoquer le fantastique dans une production française et, ce n’est souvent pas le spectateur qu’il faut convaincre en premier : « Avant de faire la tournée, les distributeurs et exploitants de salles voyaient le film et ils l’adoraient. Mais cet aspect fantastique, ils avaient peur que cela fasse fuir leur client. Ils y vont sur la pointe des pieds ». Mais les projections ont donné raison à Clovis Cornillac : « Les gens sont curieux et les salles sont pleines. C’est une première chose très rassurante. Après les projos, les gens planent et sont heureux. Je le vois. Tous, sont en train de prendre conscience que le public n’est pas celui qu’on croit parfois. À force de tout calibrer, de tout segmenter (films pour jeunes, films pour vieux…), le public a peut-être envie de vivre quelque chose d’autre, en simplicité. Il semblerait qu’il ne soit pas contre ce type de projets. Sur la tournée, c’est assez flagrant ». D’ailleurs, à l’écriture, Clovis Cornillac ne se met pourtant aucune limite : « Quand je fais mon premier film, les financiers nous disent que c’est impossible. Ils ont envie d’originalité et, en même temps, nous disent que ce n’est pas possible. Mais la question ne devrait pas se poser, c’est du cinéma ».

Clovis Cornillac & Alice Pol : un duo attachant

Dans le personnage de Pierre, on y retrouve quelques caractéristiques morales et physique de Forrest Gump ou bien de Mark Hogancamp (Steve Carell) dans Bienvenue à Marwenn (Robert Zemeckis) : simplet, naïf, mais profondément gentil et altruiste. Un humain rare dont Clovis Cornillac en a composé le caractère au fil de la préparation du film : « Dans l’écriture, ce sont des situations que nous avons mises en place. Pendant la préparation, nous étions tellement occupés par le film, que le personnage se remplit pendant tout ce temps-là. Après, lorsqu’on commence à définir les costumes, ça nous donne une silhouette donc, on commence à définir la silhouette et cette silhouette t’impose quelque chose, etc… Je n’ai jamais eu un moment à froid en me disant que Pierre serait comme ceci ou comme cela. Ce sont des petites choses qui viennent pendant la préparation et où tu as des déclics. C’est progressif ».
Dans C’est Magnifique !, Pierre fait la rencontre d’Anna interprétée par Alice Pol. Une femme attachante, fraîche et dynamique, dont on découvre une facette tragique au fur et à mesure que le film avance. Une vraie relation se noue entre les deux, en s’aidant mutuellement. Une complicité entre Clovis Et Alice évidente, qui fait aussi le charme de C’est Magnifique !. Clovis Cornillac revient sur sa première rencontre avec Alice Pol et confie pourquoi il a choisi la comédienne pour incarner Anna :

« J’ai croisé Alice sur un de ses premiers films, Bernard JeanJean. Il me dit que c’est une actrice formidable. Elle avait une fraîcheur et je n’ai pas été donné que ça décolle pour elle. Alice est venue rapidement dans mon esprit quand nous avons commencé à réfléchir au casting. Je l’ai prévenu que j’allais l’emmener ailleurs. C’est une bosseuse. Je ne bosse qu’avec des gens exigeants. Je suis très exigeant, toujours sympathique, jamais dans la tyrannie mais tant que je n’ai pas ce que je veux, j’essaie de nourrir au maximum pour obtenir ce dont j’ai en tête. Que ce soit sur les plans, les acteurs, les costumes, le son… Je suis très impliqué. Si tu prends des gens talentueux et que tu es à l’écoute et qui écoute l’endroit où tu les emmènes, leur talent fait le reste ».

C’est Magnifique ! est un film sur la bienveillance. Le personnage d’Anna est d’ailleurs étonné lorsqu’elle rencontre Pierre, un homme généreux et peu formel. Elle prononce alors cette phrase : « Les gens sympas sont en voie de disparition ». Clovis Cornillac est-il aussi pessimiste ? : « Non mais je pense que les gens cabossés comme son personnage au début du film, sont confrontés à beaucoup de violence. Il y a énormément de personnes qui n’ont pas de chance dans la vie et, dans la société dans laquelle on est, si tu n’as pas de bol et qu’en plus tu as des enchaînements de merde qui se succèdent, que tu es abîmé, il n’y a pas beaucoup de mains qui se tendent. Donc, tu deviens méfiant, donc tu perds confiance en toi, donc tu rentres dans un cercle qui n’est pas vertueux. Elle va retrouver de la force parce que ce mec là lui dit « pourquoi je ne serai pas sympa ? ». Ça n’a aucun sens pour lui. Et je le crois aussi vraiment. Ce sont des vérités toutes simples mais ça te met un coup de pied au cul. Si, on peut faire les choses gratuitement. Par gentillesse ».

Clovis Cornillac & La Nature

« J’aime beaucoup tout ce qui est puissant et violent comme la mer. Elle me plaît énormément. Je peux la regarder pendant des heures ».

Pierre est un vrai amoureux de la Nature, sensible au sort des plantes et crée des multitudes de combinaisons avec les fleurs. C’est une partie importante du film, puisque cet aspect compose en grande partie toute la poésie de C’est Magnifique !, son lyrisme, là où il tire sa force émotionnelle. Cette sensibilité à la Nature, Clovis Cornillac nous la dévoile dans une confession très personnelle :

« J’ai un rapport intime avec la Nature. Ce sont des moments très forts. Plus on vieillit, notamment quand on est citadin, plus il y a quelque chose qui est lié à du sacré ou, en tout cas, lié à l’essentiel. Le rapport que j’ai avec la Nature est difficilement racontable mais j’ai un truc avec les arbres. Ils peuvent me bouleverser, me faire du bien. […] J’aime beaucoup tout ce qui est puissant et violent comme la mer. Elle me plaît énormément. Je peux la regarder pendant des heures. Pareil avec la montagne. J’ai davantage de mal avec le bocage, avec la campagne. J’adore y travailler, y faire des films, réfléchir, aller voir des amis. Mais je ne peux pas y vivre. La campagne me rend mélancolique. C’est comme dans Tchekhov, c’est la forêt de boulot.

Ça me fout le bourdon et ça m’atteint. Si je dois aller quelque part, ça sera toujours face à la mer. Et là je suis bien, réellement bien. Il peut faire un temps horrible, y avoir de la tempête, j’aime toutes les météos. Je n’ai aucun problème avec ça ».

« Pierre est fascinant, comme tous les super-héros ».

Cependant, Clovis Cornillac n’a absolument pas la main verte comme son personnage : « Je fais mourir toutes les plantes. C’est terrible. […] Toutefois, Pierre va encore plus loin. Lui, il invente, il crée. C’est un magicien. Ce n’est pas un Marvel, mais c’est un Marvellous. Il a un super pouvoir qui est la bienveillance et un autre, son rapport aux plantes, au miel. Il est fascinant, comme tous les super-héros ».

C’est Magnifique ! sortira le 1er juin au cinéma. 

1 commentaire sur “C’EST MAGNIFIQUE ! : ENTRETIEN CINÉMATOGRAPHIQUE AVEC CLOVIS CORNILLAC : « Je suis obsédé par la réalisation »

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *