[CRITIQUE] – FURIES (NETFLIX) : DEVENIR UNE FURIE

Marina Foïs et Lina El Arabi, duo explosif pour la nouvelle production française estampillée Netflix : Furies. Co-créée par Yoann Legave et Jean-Yves Arnaud, la série offre une descente meurtrière et sanguinolente au cœur du crime organisé parisien. En quête de vengeance après la mort de son père, une jeune femme va devoir se faire une place dans ce milieu où l’Ordre et le Chaos convergent vers un dénouement tragique, et découvrir la vérité sur l’identité de l’assassin qui a détruit sa famille. Entre mensonge et trahison se succèdent les révélations, lesquelles pourraient bien remettre en cause toute son existence…

La vengeance est un plat qui se mange au sang

Étudiante, Lyna (Lina El Arabi) mène une vie paisible. Bien qu’éloignée de sa famille dont elle connaît les affaires, elle décide pour son anniversaire d’accepter de les revoir. Une décision qui fera basculer son destin puisque c’est à ce moment précis que des tueurs passent à l’action et abattent froidement son père. Dans sa quête de représailles, elle est recrutée par la Furie (Marina Foïs) qui l’aidera à se faire justice tout en maintenant l’équilibre des Six Familles du crime organisé parisien, équilibre fragile, et peut-être menacée par les mêmes hommes qui ont assassiné le père de Lyna.
Plus qu’une histoire de vengeance, « Furies » s’harmonise autour d’un drame familial puissant, où s’agrémente doute, regret, dilemmes moraux et choix cornéliens. Outre l’action, la série dilue intelligemment les repères, brouille les pistes, s’autorise plusieurs détours afin de perdre le spectateur sous une montagne de mensonges et de contre-vérités, prend toujours les devants pour ne jamais donner les clés de la compréhension au public. Les dénouements de l’intrigue se dévoilent lorsqu’elle le désir, la série explique ses éléments narratifs lorsque cela lui semble nécessaire, au même rythme que son héroïne, parfois perdue dans ce vaste monde dont elle-même ignorait tout quelques jours auparavant. Puis, il y a la caractérisation des personnages. Le manichéisme est proscrit, au détriment de l’ambiguïté ou d’un déterminisme virulent que la morale ne séduit plus. À l’image de la Furie, manipulatrice, froide et sans pitié, de Driss (Mathieu Kassovitz), protagoniste malin, sûr de lui, qui semble toujours avoir un coup d’avance ou de cette flic (Eye Haïdara), obsédée par le mystère entourant les Six Familles. Qui est vraiment La Furie ? Quel est son rôle dans ce grand tout ? Pourquoi est-elle si attachée à Lyna ? Quel est l’objectif de Driss ? Quel lien entretient-il avec les Six Familles ? Avec la Furie ? Autant de questions savoureuses, alléchantes, qui maintiennent un suspens constant et donnent une cadence folle au récit.
Lyna, bien qu’elle subisse le récit, est aussi une héroïne intéressante. Suiveuse mais pas que. Sous les traits de la comédienne Lina El Arabi, qui vient davantage du cinéma d’auteur, l’actrice transcende son personnage en une force résiliente et tragique. Elle lui offre ainsi une dimension rare dans les séries ou films d’action, une envergure dramatique quasi-théâtrale, grâce à un jeu sincère et des émotions toujours justes.

La série parvient également à créer une vraie mythologie. « Furies » développe tout un imaginaire, s’extirpant de ses références, « John Wick » notamment, afin de bâtir sa propre identité entre réalité et fiction. De la naissance de la première Furie, à la puissance des Six Familles sur des générations, les créateurs ont construits une véritable bible, aux codes bien définis, et auxquels chaque membre se plie. Cela permet, en outre, une plongée plus authentique et crédible dans cet univers fictionnel, où Paris devient le terrain d’une guerre sanglante. La capitale qui, par ailleurs, est savamment exploitée, aussi bien pour les lieux où les Six Familles ont leurs repaires, les adresses où elles tiennent leurs réunions secrètes, et les endroits où sont détenus leurs trésors les plus inestimables.

En image, trois réalisateurs (Cedric Nicolas-Troyan, Samuel Bodin, Laura Weaver). Ils positionnent Paris dans une grandeur indéchiffrable, insaisissable, enveloppent la capitale d’un mystère immuable et occulte. Chaque lieu a été déterminé par sa force de caractère et, à travers un cadrage presque irréel, une lumière voilée, entre l’ésotérisme et le romantisme, les trois cinéastes renforcent la narration de la série dans cette bulle énigmatique. Les secrets sont à la fois à l’image, dans les regards des personnages, que dans les silences. Un tour de force remarquable, quand on sait que Paris a été mille fois éculée au cinéma. Pourtant, « Furies » promet de voir la métropole sous un nouveau jour.

Les chorégraphies d’action, elles, sont parfaitement orchestrées. « Furies » s’octroie toutes les extravagances, toutes les folies, avec une générosité et une rigueur que la France met au service d’un public en attente, s’inscrivant alors dans la lignée de ce qui se fait de mieux ces dernières années chez nous (Farang, Balle Perdue, Pax Massilia…). Il faut dire que pour sa production, Netflix s’est doté des meilleurs cascadeurs et coordinateurs de cascades sur le marché français. Sous la direction de Jude Poyer (Gangs of London, Ip Man 4, Kingsman : Services Secrets…), on retrouve nos frenchies : Olivier Sa (Spectre, Jason Bourne, Mission Impossible : Fallout…), Émilien Bergeret (Farang, Le Règne Animal, BRI…), Olivier Fornara (Lupin, D’Argent et de Sang, 66.5…) mais aussi Claudia Heinz, doublure de Lina El Arabi, qui a notamment participé au film Marvel Studios « Black Widow », « Matrix Ressurections » ou encore « Fast and Furious 9 ».

Ce mélange de talents se ressent dans les scènes d’action, ultra-millimétrées, dynamiques, viscérales, sublimées par une réalisation immersive et surtout lisible. L’environnement est aussi habilement mis à profit avec quelques idées assez novatrices dans le genre. Néanmoins, quelques facilités scénaristiques au goût répétitif : lorsqu’un protagoniste (souvent antagoniste) est braqué par un personnage principal, ce dernier est sauvé in extremis par un personnage extérieur, avec les mêmes ficelles de mise en scène à savoir des gros plans, une suspension du temps pour créer du suspens, et un tir providentiel. Un peu trop simpliste, notamment dans l’épisode 7 qui en abuse un peu trop.

Conclusion

Série jouissive et divertissante, « Furies » se donne les moyens de ses ambitions. Avec une histoire complexe, pesante et intime, écrite dans le plus grand soin, des acteurs et des actrices investis, ainsi que des chorégraphies superbement réalisées, « Furies » n’a rien a envier aux séries d’actions américaines. Une réussite !

« Furies », dès le 1er mars sur Netflix.

Synopsis :
En quête de vengeance après la mort de son père, une jeune femme se retrouve prise dans la toile de la Furie, gardienne de l’ordre au sein du crime organisé parisien.

Casting : Lina El Arabi, Marina Foïs, Jeremy Nadeau, Mathieu Kassovitz, Steve Tientcheu, Quentin Faure, Sandor Funtek, Eye Haïdara…

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