FIRST MAN : LE PREMIER FAUX PAS DE DAMIEN CHAZELLE ?

LE CAPITAINE CINEMAXX A VU – FIRST MAN * SPOILERS *

First Man est un projet qui remonte à 2003, lorsque Clint Eastwood (encore lui !) et la Warner Bros. acquèrirent les droits de la biographie de Neil Amstrong, First Man : The Life of Neil A. Amstrong, écrite par le professeur d’histoire à l’université Auburn en Alabama, James R. Hansen. Quelques années plus tard, c’est finalement Universal Pictures qui reprend le projet en main et, en novembre 2015, le jeune cinéaste Damien Chazelle est annoncé au poste de réalisateur, tandis que Ryan Gosling est choisi pour interpréter le premier homme à avoir marché sur la Lune.

J’attendais énormément le prochain film de Damien Chazelle, comme beaucoup d’entre vous, j’imagine. Après deux énormes succès, Wiplash et La La Land, le réalisateur oscarisé en 2017 continue dans cette filmographie composée de drames intimistes, en mettant cette fois-ci en scène la vie du pilote d’essai Neil Amstrong, devenu l’homme que l’on connaît aujourd’hui, de son intégration au programme spatial de la NASA en 1962, jusqu’au lancement de la célèbre mission Apollo 11 en 1969, tout en nous dévoilant l’impact de ses missions sur sa vie familiale. Et là, cela relève du sentiment strictement personnel, j’aurais souhaité que la quatrième production de Damien Chazelle nous parle d’autres choses. Non seulement parce que la vie de Neil Amstrong ne me passionne pas plus que ça, tout comme les films de ce genre. Néanmoins, j’affectionne tout particulièrement le travail de Chazelle alors, peut-être qu’une bonne surprise était à envisager.

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Premier constat, First Man est une production propre, soignée, bien léchée. La réalisation, la mise en scène, la photographie, Damien Chazelle affirme une fois encore son talent de cinéaste avec des compositions d’images extrêmement réfléchies, mais également très immersives. En effet, toutes les séquences où Amstrong pilote (seul ou non) un avion ou un module spatial, ont ce caractère immersif grâce à un cadrage intimiste en plan serré sur le.s personnage.s et un mixage son aussi bruyant et agressif, qui nous plonge immédiatement à la place des protagonistes. Le procédé est identique lorsque Neil et son équipe contemplent le vide spatial, le spectateur est aussi confronté à ce silence abyssal, angoissant et infini.
Quant à la scène où Apollo 11 décolle, c’est certainement la plus belle d’un point de vue artistique, une réalisation à la hauteur de l’évènement. La succession des plans – gros plan sur les propulseurs, la montée de la fusée en vertical sous plusieurs angles, filmée donc, à plusieurs endroits proches ou éloignés -, sous une image grisâtre oppressante, reflète l’état d’esprit des astronautes, à l’avenir incertain.

Là où je suis plus mitigé, c‘est sur le contenu du scénario. Habituellement, c’est Damien Chazelle qui écrit les scripts de ses propres longs-métrages, mais, First Man étant produit par des studios plus imposants comme Amblin Entertainment, DreamWorks et Universal Pictures, des scénaristes lui ont sûrement été imposés. Je ne remets absolument pas en cause le talent de Josh Singer (Spotlight, Pentagon Papers), ni celui de Nicole Perlman (Thor, Les Gardiens de la Galaxie) toutefois, les transitions « NASA » / vie de famille, si elles ont une cohérence, une logique scénaristique, elles ne mettent jamais en valeur l’aspect que devait avoir le long-métrage initialement : la vie privée de Neil Amstrong.
Outre le fait qu’on assiste la plupart du temps à de nombreuses séquences de deuils qui suivent, comme je viens de le dire, une cohésion sur le fil conducteur du film, il n’y a pas vraiment de moments forts, sans parallèle avec son travail, omniprésent jusque dans sa vie de famille.
Inévitablement, tout est lié, je le conçois, mais le scénario débutant avec la perte de sa fille, First Man aurait dû mettre l’accent en grande partie sur ce drame, moteur de l’ambition d’Amstrong d’aller sur la Lune, un objectif à atteindre pour faire son deuil. De plus, lorsque l’on passe sur les scènes privées, il y a peu de séquences marquantes (sauf celle de la réunion, la soirée de son départ), tout s’enchaîne très vite à travers de multiples ellipses temporelles et les enjeux de Neil, les conséquences de ses choix, passent alors au second plan, sont survolés et, nous ne nous sommes jamais investis émotionnellement à 100 % dans sa douleur, ses peines, ses regrets. Heureusement, l’interprétation de Ryan Gosling inverse la vapeur et, la dernière scène, par exemple, celle où il laisse s’envoler le bracelet de sa fille sur la Lune, est suffisamment poignante pour y comprendre les sentiments qui habitent Neil à cet instant précis. Un acte symbolique par ailleurs, celui de l’acceptation du deuil.

First Man (2018)
En conclusion, First Man n’est pas un faux pas, Damien Chazelle étant irréprochable sur la réalisation et la mise en scène, mais la construction personnelle de Neil Amstrong est assez maladroite et ne met pas suffisamment l’accent sur ce moment qui a bouleversé sa vie, la mort de sa fille et donc, l’impact psychologique qu’elle a sur ses choix de carrière et progressivement sur sa vie de famille, qui ne connaît que peu de rebondissements.
Le drama intimiste de First Man passe alors au second plan, au détriment du projet spatial de la NASA, alors que le propos du film était l’acceptation du deuil, au travers une motivation profonde. Bien sûr, cette obsession se retranscrit à l’écran, le personnage de Neil exploitant tout son temps libre au travail, mais, une façon plus subtile de le montrer, aurait permis des séquences dramatiques (conflits, engueulades) entre Neil et sa femme, qui auraient donc amené plus joliment l’acceptation et la réconciliation, avec davantage d’émotions. Il faut cependant se féliciter du jeu de Ryan Gosling et Claire Foy, dont les interprétations comportent assez de sincérité pour nous toucher, malgré tout, en plein cœur.
Mention spéciale au compositeur Justin Hurwitz, dont la musique, éloquente, envoûtante, flottante traduisent parfaitement les émotions d’une image, d’un plan, d’une scène, mais également des personnages.

Enfin, je conclurais sur une séquence qui m’a particulièrement marqué, c’est celle où on peut y voir une manifestation, composée de personnages de couleurs, se demandant quel est l’intérêt de dépenser des milliards de dollars dans des investissements qui n’ont pour objectif que de satisfaire l’ego de politiques et de scientifiques. Encore aujourd’hui, les sommes attribuées pour la conquête spatiale sont pharaoniques, alors qu’avec autant d’argent, mieux redistribué et des gens aussi compétents, se souciant plus de notre planète plutôt que des planètes, l’inquiétude pour la sauvegarde de notre planète et l’avenir économique et sociétal des peuples du monde entier auraient pu, depuis bien longtemps, devenir de l’histoire ancienne.

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