GLASS : LE MYTHE DU SUPER-HÉROS

LE CAPITAINE CINEMAXX A VU – GLASS * SPOILERS *

Incassable, Split, Glass, M. Night Shyamalan signe une trilogie hors du temps, hors norme, qui, quoi qu’on en pense, ne ressemblera à aucune autre dans l’Histoire du Cinéma, même si elle n’est pas exempt de petits défauts. Revisitant le film de super-héros avec Incassable, le thriller psychologique avec Split, le cinéaste auteur de Sixième Sens conclut, cette année, sa trilogie débutée il y a 19 ans, où le mythe du super-héros va, une nouvelle fois, être remis en cause, avec l’arrivée du personnage de Dr. Ellie Staple, interprétée par Sarah Paulson.
Et alors que la presse et le public semblent unanimes allant jusqu’à considérer Glass comme une production magistrale, un chef d’œuvre, qu’en est-il réellement ? Réponse !

Code couleur et mythe du super-héros

La scène majeure de Glass est incontestablement celle où les trois protagonistes principaux, Elijah Price, Kevin Crumb et David Dunn sont réunis dans la même pièce, autour du docteur Ellie Staple. Une séquence d’anthologie, où elle explique à ses êtres soi-disant hors du commun qu’ils ne sont en réalité que des hommes normaux, ayant des aptitudes et/ou croyances pouvant s’expliquer de manière scientifique, de manière rationnelle. Mais avant de nous concentrer sur sa réflexion psychanalytique des super-héros, analysons la mise en scène et les codes couleurs du décor.
On passe rapidement sur le code couleurs des personnages, qu’on connaît depuis Incassable et Split.
– Le violet pour Elijah.
Une couleur avec trois significations. Le violet est d’abord raccroché à la mélancolie et à la solitude. Deux sentiments qui caractérisent le personnage d’Elijah depuis sa naissance. Une couleur associée également aux rêveurs, aux personnages spirituels, un autre trait de caractère d’Elijah, dont la croyance pour les super-héros est inébranlable.
Enfin, le violet est une couleur apaisante, calme les émotions, réfrène les colères et les angoisses. Et c’est peut-être pour cela que le docteur Staple lui a laissé une tenue en teinte violette, pour continuer à contrôler son hôte, le manipuler en manipulant ses sentiments.
– Le vert pour David Dunn.
Le vert est une couleur instable. Au Moyen-Âge, le vert représentait Satan, le diable, les ennemis de la chrétienté, les êtres surnaturels, et même la Mort. D’ailleurs, ce n’est pas anodin si dans la première apparition de David dans Glass, ce dernier est personnifié comme tel. On ne voit qu’une ombre, sans visage, un être inhumain, un esprit vengeur. Et il n’y a qu’à voir le visage des deux « criminels », où la peur est lisible, une peur que l’on retrouve uniquement face à son Jugement Dernier.
Aujourd’hui, dans la culture occidentale, le vert est une couleur liée à l’espoir ou à la chance. Une couleur parfaite pour un vigilante donc, puisque en tant que super-héros, celui qu’on surnomme Le Superviseur est porteur d’un nouvel espoir, d’une nouvelle chance pour l’avenir. Une contradiction avec mon paragraphe précédent néanmoins, il existe bons nombres de personnages dans les comics, où les héros usent de la violence et de la peur, mais vu comme des symboles d’espoir, par le grand public.
En Inde (pays d’origine du réalisateur), le Patron des Voyageurs, Khidir, est vêtu de vert. Au début de Glass, on évoque des « promenades » que David s’efforce de faire chaque jour pour aider son prochain et traquer la Bête. De là à dire que David Dunn est un saint, il n’y a qu’un pas.
Ironiquement, le vert est aussi associé aux hôpitaux, couleur reprise dans leur logo. Logique alors, que l’homme en vert se retrouve dans un hôpital psychiatrique non ?
– Le jaune pour Kevin. Si Kevin se refuse à la lumière, les autres personnalités ainsi que la Bête l’accueille avec plaisir. Symbole de la puissance, le jaune a des significations négatives telles que la traîtrise, le mensonge, la tromperie, autant d’adjectifs qui correspondent aux multiples personnalités fourbes des personnages incarnés par James McAvoy.
En Inde, le jaune est la couleur de l’immortalité, elle est donc divine, associée à la connaissance. Et que recherche la Bête ? La connaissance, celle de la douleur. Ce n’est donc pas pour rien que ses victimes sont « impures », elles n’ont jamais vécu de tramas importants dans leur vie, tandis que les autres, comme Casey dans Slipt, sont épargnés.

La pièce où cette réunion a lieu est peinte en rose. Une couleur peu commune dans un hôpital psychiatrique. Ce choix n’est pas anodin. Pour deux raisons. La première, c’est que le rose est une couleur dont la propriété est d’apaiser les émotions, de glisser vers la tendresse et la douceur. Un bon choix pour mettre les personnages à l’aise, face à une situation délicate, où les tensions peuvent surgir assez rapidement. D’ailleurs, les dialogues se font pour la plupart de manière sereine, notamment avec la voix suave et envoûtante du docteur Staple, qui est là dans une opération de séduction, afin de convaincre de ses théories psychanalytiques. Et puis, contrairement à l’agressivité du rouge, le rose ouvre des perspectives nouvelles dans le domaine des relations d’amitié, aère une situation lourde, comme c’est le cas ici, et pousse vers le laisser aller, ce que souhaiterait le docteur Staple.
En somme, elle crée les conditions favorables pour manipuler les émotions de ses personnages, les faire douter avec une forme de sensualité artistique et une posture séductrice. 

Revenons désormais à ses propos. Pour elle, les super-héros ne doivent pas exister, car ce sont eux qui créent le chaos et le désordre. Une réflexion pas si insensée. Nous percevons toujours les super-héros comme des êtres parfaits, porteurs d’espoir et dont la seule préoccupation est notre sécurité. Pourtant, que ce soit dans les comics ou les films, des exemples tendent à prouver le contraire.
Batman, par exemple, donne vie à son Némésis (voir Killing Joke), le Joker et, est donc responsable indirectement des atrocités commises par ce dernier, depuis plusieurs décennies.
Dans Iron Man 3, si Tony Stark n’avait pas été si arrogant, il n’aurait jamais, dix ans plus tard, été obligé d’affronter Aldrich Killian et ses intentions malsaines.
Enfin, dans la saison 3 d’Arrow, il y a également cette réflexion faites par l’inspecteur Quentin Lance, qui confie alors à Oliver que l’arrivée massive de super-criminels à Star City est de son fait. Et il est vrai que Deathstroke ne serait jamais débarqué en ville pour se venger, si ce dernier avait fait les bons choix sur Lian Yu.
Des exemples, il en existe des milliers d’autres. Est-ce que Superman se soucie un seul instant des victimes et des dégâts commis à Métropolis lorsqu’il affronte le Général Zod dans Man of Steel ? Ainsi, Bruce Wayne (dans Batman v Superman) et le docteur Staple (dans Glass) en arrivent à la même conclusion, il faut neutraliser la « menace », avant qu’elle ne fasse de dégâts majeurs, malgré les bonnes intentions, qui semblent les habiter.
Le docteur Staple souligne leur propre contradiction. Les super-héros n’existent que pour affronter leurs échecs, ceux nés de leurs arrogances, de leurs croyances ou de leurs propres peurs.
Concernant la séquence en elle-même, cette intrusion psychologique est d’une grande qualité, jusqu’à nous faire douter des dons de chacun des « héros » présents. Toutefois, cette intrusion à ses limites puisque la scène suivante met en scène des personnages sans doute réel sur leurs capacités ou croyances (sauf Kevin, mais cela a duré l’espace d’une tirade), venant alors briser le flou qui aurait permis à la production de jouer davantage sur la suspicion de leur réalité et la naissance d’une fiction, éclot de leur imagination. Et pour nous spectateurs, nous aurions continué à être conduits sur un chemin semé d’incertitudes.
Il y a également un souci de maîtrise sur ce huit-clos.
Adapte des huit-clos en tous genre, j’ai trouvé que celui-ci manquait de panache, mais surtout d’un caractère haletant, poignant. Les séquences d’enfermement n’ont définitivement pas cet aspect étouffant, anxiogène, qu’on peut et doit ressentir dans ce type de films. Ainsi, le caractère psychologique voulu par Night Shyamalan s’en trouve diminué et n’a pas l’influence cérébrale qu’elle aurait dû avoir sur nous. 

Autre point, à souligner. Nous dire qu’Elijah a une intelligence supérieure est un fait indéniable, ne pas expliquer la façon dont il perçoit son environnement pour s’évader la nuit pour ses sorties nocturnes, c’est avouer au public qu’on est un peu flemmard sur les bords ou lui dire qu’il n’est pas assez intelligent pour comprendre. À moins que ce ne soit le réalisateur qui n’ait aucune idée sur la manière dont Elijah s’échappe de sa cellule à la nuit tombée. Une petite déception, alors que le reste du plan d’Elijah est dévoilé et brillamment exécuté.

Une fin mitigée

Si les 2/3 du film de Shyamalan sont assez maîtrisées, la fin elle, est plutôt confuse, parfois décevante.
Si j’ai adoré le concept de l’organisation secrète, dont l’objectif est de faire disparaître les super-humains pour éviter, comme évoqué précédemment, le conflit et le chaos, et le plan machiavélique d’Elijah, avec ce rebondissement inattendu, pour faire tomber cette société et révéler au monde les héros qu’ils méritent. Si j’ai été conquis par cette conclusion, où aucun des protagonistes principaux ne survit, évitant le cliché du héros triomphant ainsi que la fin en cliffhanger, pour laisser sous-entendre qu’une suite sera possible dans les années à venir. Et si j’ai apprécié que Shyamalan casse les codes du film de super-héros en s’abstenant d’un affrontement final aux yeux du grand public, à base d’explosions fracassantes, j’ai cependant quelques réserves sur ce dernier tiers.
La mise en scène du duel entre David Dunn et la Bête est, par exemple, un peu simpliste à mon goût, manque d’ambition artistique dans sa composition scénique et d’ampleur émotionnelle. En effet, cette scène, censée être le point d’orgue de la saga, n’a pas l’intensité de son enjeu, provoquant une sorte de frustration, alors qu’on nous vendait un affrontement épique entre l’homme et la Bête.
Enfin, l’interaction entre les personnages secondaires et principaux est très brouillonne. On exclut certains seconds couteaux de l’image, car trop gênants puis, reviennent lorsqu’on a besoin d’eux et cela ne me paraît pas très ordonné ou clair dans la structure scénique et scénaristique. J’entends déjà sur les réseaux que cette fin fait débat, mais le cinéma, c’est aussi cela, des sensations et des interprétations diverses. Et le cinéma de Night Shyamalan est un des rares qui ne laisse jamais indifférent ou insensible, la preuve.

En conclusion, Glass n’est pas le chef d’œuvre annoncé, mais loin d’être un mauvais film pour autant. Beaucoup de qualités, une réflexion intelligente sur la mythologie des super-héros, une mise en scène soignée, un James McAvoy sensationnel et un Samuel L. Jackson imperturbable et énigmatique, bien loin des interprétations médiocres de ces dernières années, auxquelles il nous a habitué avec sa parodie énervante dans Kingsman ou ses caricatures de vilains bas de gamme dans XxX ou King Kong : Skull Island. Même Bruce Willis retrouve ici des couleurs en reprenant le rôle de David Dunn, après des passages foireux au cinéma avec G.I Joe, Red 2, Death Wish et j’en passe.
A contrario, un huit-clos peu haletant et une fin en dents de scie.


1 commentaire sur “GLASS : LE MYTHE DU SUPER-HÉROS

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