BIRDS OF PREY : SIMPLE HISTOIRE OU VÉRITABLE ÉMANCIPATION POUR HARLEY QUINN ?

* SPOILERS *

Harley Quinn n’est pas le personnage le plus emblématique de l’univers DC Comics, ni même celui de l’univers du Chevalier Noir. Toutefois, peu à peu, la petite amie et ex-psychiatre du Joker a su tirer son épingle du jeu. Au fil des années, elle s’est imposée comme une super-vilaine maligne, attendrissante et, les nombreux récits sur sa relation sulfureuse avec le Prince Clown du Crime (animée ou comics), ont su la rendre attachante.
Grâce à son apparition dans le long-métrage Suicide Squad de David Ayer et, surtout à son interprète, Margot Robbie, Harley Quinn est devenue une héroïne majeure du DCEU, au point qu’aujourd’hui, on lui accorde son propre film solo (enfin presque…).
Birds of Prey et la fantabuleuse histoire d’Harley Quinn se déroule après Suicide Squad. La demoiselle a pris la décision de rompre avec son Monsieur J., de s’émanciper et devenir, la femme de demain.

Warner Bros a misé gros avec cette production, essai transformé ? Réponse !

L’émancipation selon DC

Birds of Prey and the fantabulous emancipation of Harley Quinn, c’est le titre en VO du film de Cathy Yan. En français, le mot « émancipation » a été remplacé par « histoire ». Une décision stupide, comme si en France on cherchait à minimiser le fait qu’une femme pouvait s’émanciper d’un homme, d’une relation amoureuse ou d’une situation familiale/financière complexe. Néanmoins, après avoir vu le film, force est de constater que ce choix n’est pas si dramatique pour la raison unique que le thème de l’émancipation est partiellement passé sous silence, à peine exploité, trop peu développé.

UPDATE : Après les chiffres calamiteux au box-offce, Warner a rebaptisé son film en urgence. Désormais, Harley Quinn : Birds of Prey. Juste avant la publication de mon article, sympa ! Cela ne changera rien à l’argumentation qui va suivre puisque le thème principal du film reste : l’émancipation.

Harley Quinn et le Joker, qué pasa ?

Première erreur selon moi, avoir introduit la relation Harley Quinn/Joker dans un Suicide Squad anecdotique et prendre comme point de départ dans Birds of Prey, l’émancipation d’une femme amoureuse.
La relation entre Harley et le Joker est terriblement complexe, juste effleurée dans Suicide Squad. Pour traiter l’émancipation d’Harley Quinn, en comprendre les raisons et les enjeux, aurait-il encore fallu que la Warner s’intéresse en profondeur à cette relation -, pourquoi pas dans un film introductif Quinn/Joker, tel qu’il était initialement prévu. On aurait compris, dès lors, pourquoi Harley est tombée amoureuse du Joker, ce qui l’a séduite chez lui, comment le Prince Clown du Crime est rentré dans sa tête, avant de montrer les violences physiques/psychologiques qu’a dû subir Harley au côté du patient le plus célèbre d’Arkham. C’est ce qu’il y a de plus passionnant (à étudier) dans cette relation folle, la perversité du Joker envers Harley et ses répercussions sur la psyché de la jeune femme.
Warner aurait été également précurseur dans un domaine, réaliser un film de super-héros mettant en lumière les violences conjugales ainsi que les manières dont agissent les pervers narcissiques pour briser toute volonté sur leur victime. Un long-métrage préventif, en somme.

Du fait, sans background, l’émancipation d’Harley Quinn dans Birds of Prey paraît fade, vide de sens et, d’ailleurs, le film ne va jamais au-delà de la simple évocation : « le Joker est moi, c’est fini ». Warner traite cela avec légèreté, comme une banale rupture amoureuse, alors que leur relation et les sentiments d’Harley pour le Joker sont plus complexes que ce qui est exposé à l’écran. Tout le propos féministe, s’en retrouve amoindri.

Dinah Lance, la castafiore de Black Mask

Autre émancipation ratée, celle de Dinah Lance. On apprend que l’héroïne à la voix brisante est piégée dans le cabaret de Black Mask, contrainte de chanter pour son public, chaque soirée. Or, à aucun moment, on ne nous explique réellement l’emprise qu’a Black Mask sur sa « canarie ». Et ce n’est certainement pas cette phrase prononcée par Dinah : « il m’a sortie de la rue et m’a donné un travail », qui permet de complexifier la relation entre les deux et d’offrir une sous-intrigue pertinente sur l’émancipation d’une femme apparemment, elle aussi, sous emprise « psychologique ».

Black Mask : une menace inexistante

«  […] plus réussi est le méchant, plus réussi sera le film », Alfred Hitchcock soulevait déjà en son temps une des plus grandes problématiques du 7ème art : la place du méchant et son exploitation. Et plus les blockbusters se succèdent au cinéma, plus la question se pose.
Dans Birds of Prey, Black Mask n’agit en aucun cas comme un méchant. Il ne s’impose jamais comme une menace réelle pire, il est totalement absent, inexistant, au sein d’un récit où, pourtant, il tient les rennes.
Avez-vous vu la cinématique du jeu-vidéo Batman : Arkham Origins, celle où Batman affronte Deathstroke et, où apparaît Black Mask quelques secondes en fin de vidéo ? Cette apparition est plus terrifiante que l’interprétation de McGregor en 1H48 de film. Le problème réside-là. Black Mask ne provoque aucun frisson, n’inspire aucune once de frayeur, ni aux protagonistes, ni au public. Son côté faussement dandy est ridicule et le port du masque * est aussi futile qu’Harley Quinn en salopette jaune. On ne ressent que très peu l’inquiétude, la terreur qu’il est censé incarer, faire peser sur les héroïnes du film, ni même son emprise psychologique sur Dinah Lance.

* L’histoire autour de son masque a, elle aussi, été totalement supprimée du scénario. Pourtant, un vilain ne choisit pas de porter un masque par hasard. Pourquoi évincer du récit une chose essentielle dans la construction psychologique d’un personnage ?

. Zsasz est une farce, une comédie sadique, sans le sadisme. Même la série Gotham a mieux géré le traitement de ce personnage, que Birds of Prey. On en vient au second problème du film : l’humour. Volontairement (ou pas), le scénario de Christina Hodson édulcore deux personnages au passé sombre, douloureux et qui forgea, en quelques sortes, l’inhumanité de leurs personnalités. Ces choix scénaristiques ont un impact : en attribuant trop d’excentricités à des personnages sans scrupule, on se retrouve avec une surcharge d’humour pénible, qui décrédibilise les méchants, leurs paroles et leurs actes, lesquels ne sont alors jamais pris au sérieux. Difficile de faire à la fois un film décalé et un film à la carrure R-Rated, d’où cette volonté d’effacer Black Mask de l’équation et d’en faire un élément narratif basique, faussement comique.
A contrario, Deadpool gérait à merveille l’ambiance décalée de son récit et la violence de l’action (R-Rated). Ainsi, on nous présentait un héros un peu foufou, fun, touchant à quelques instants, limite gore dans ses affrontements et dans ses blagues/allusions sexuelles. De l’autre, des méchants vraiment méchants (sans être exceptionnels, je vous le concède).

Enfin, conclure cette seconde partie sur la relation entre Black Mask/Zsaz. Rapidement, on constate une certaine ambiguïté dans leur relation. Décidemment, assumer, prendre des choix radicaux, se positionner, la Warner a décidément du mal.
Soit Black Mask et Zsaz sont deux hommes hétéros, soit ce sont deux hommes homosexuels, qu’importe, mais laisser planer le doute est agaçant. Aussi agaçant que de voir deux personnages féminins s’embrasser à la fin de Star Wars : Les Derniers Jedis.
D’autant qu’il y avait un coup à jouer pour amplifier la menace Black Mask. Si leur couple avait été officialisé, et lorsque Zsaz est tué, Mask aurait pu devenir le méchant tant attendu en déchaînant toute sa fureur sur les Birds of Prey dans un dernier acte destructeur. Une occasion manquée d’étoffer deux super-vilains sous-exploités.

Chad Stahelski : le sauveur

Une des réussites du film, c’est sans doute l’action. Pas étonnant, lorsque l’on fait appel à un des meilleurs chorégraphes d’Hollywood : Chad Stahelski, l’homme derrière le succès de John Wick.

Les scènes d’action de Birds of Prey sont savoureuses, astucieuses, les chorégraphies, dynamiques, à l’image d’Harley Quinn, redoutables, amusantes, folles. Et Cathy Yan les filme parfaitement. Les combats et autres affrontements sont lisibles, la caméra, éloignée, nous permet d’apprécier le spectacle dans son ensemble et la globalité des mouvements du corps, des pieds à la tête.
Cependant, petite réserve sur la dernière séquence. La scène dans le parc à thèmes est plus brouillonne, moins aboutie que celle du commissariat. L’action y est basique, la gestion de l’espace maladroite et l’utilisation du décor assez pauvre.

La conclusion du Capitaine Cinemaxx

Une virée colorée au sein d’un Gotham cartoonesque, poussiéreux, brumeux, Birds of Prey est une jolie réussite. Malgré un thème et des propos féministes bâclés, parfois oubliés, au détriment d’une narration décousue, le film de Cathy Yan pétille la bonne humeur, transpire la folie Quinnesque.

Les scènes d’action sont agréables, techniquement soignées et découpées, tout comme le montage du film, souvent ingénieux (cf. la mini-scène de comédie musicale). Toutefois, les flashbacks alourdissent le récit et cassent parfois le rythme du film. Je pense notamment à ceux du commissariat. Il est dommage d’y avoir introduit un flashback, au moment où Harley Quinn commence à dégommer du flic à coup de fusil à pompes, alors que le spectateur commence tout juste à rentrer dans la folie de l’action proposée.

Margot Robbie, you are my love !

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