FESTIVAL DE LA FICTION 2021 – BOOMERANG : UNE FICTION QUI N’EN EST PAS UNE (INTERVIEW AVEC LE RÉALISATEUR CHRISTIAN FRANÇOIS)

Synopsis : Suite à l’agression sexuelle subie par une collègue, Louise Falconetti, ouvrière spécialisée au fort caractère et au parler franc, décide de mettre fin à l’ambiance sexiste et au harcèlement qui règnent dans leur imprimerie depuis des années. Une véritable révolution que Louise et ses collègues féminines vont mener jusqu’au bout.

Interview du réalisateur Christian François

Présenté en compétition au Festival de la Fiction 2021 de La Rochelle, Boomerang est la nouvelle réalisation de Christian François. Le metteur en scène – qui officie notamment depuis 2012 sur Plus Belle la Vie – nous offre ici une histoire puissante, portée par une Corinne Masiero fidèle à elle-même : tendre (à sa manière), sincère et grande gueule.
Christian François nous raconte la genèse du projet : « C’est un sujet que j’avais en tête depuis assez longtemps. J’y pensais même avant Me Too. Je voulais aborder ce rapport entre chasseur et proie mais le traiter en prenant un personnage « normal », qui ne soit pas un violeur en série, pas un type qui soit dérangé. J’avais envie de prendre ces petits dérapages du quotidien, qui créent des gouttes d’eau qui font déborder le vase et mettent en danger le rapport homme/femme. Il était temps que la société change. Puis, m’est venu l’idée du boomerang qu’on doit lancer et qui revient. Symboliquement, c’est ce problème qu’on lance et qu’on n’arrive jamais à résoudre en le rattrapant. Ça me semblait joli qu’à la fin du film, le boomerang revienne enfin, qu’un problème soit presque réglé. Ensuite, ce fût le temps d’écrire le téléfilm, de trouver une production et qu’une chaîne de télévision s’y intéresse. C’est Nolita TV et France Télévisions qui nous ont suivi. ».

Sur l’écriture de Boomerang, Christian Français et son co-auteur Jean-Pierre Hasson ont toujours eu une démarche sincère : « J’avais un parti pris précis. Je me suis posé la question : est-ce qu’on voit l’agression – comme je l’ai fait finalement – ou, on la voit pas et les spectateurs n’ont aucun élément comme les autres personnages. Ça m’a paru moins intéressant, plus manichéen. Pour le reste, je n’ai pas pris de gants pour écrire, nous avons écrit sincèrement . On ne s’est pas posé la question sur la manière de dire telle ou telle chose, on ne s’est pas censuré, ou essayé d’être de bons élèves. Je tiens à préciser, au passage, que Nolita et France Télévisions nous ont laissé une totale liberté sur l’écriture. ».

Pour incarner Louise, le choix de Christian François s’est porté sur Corinne Masiero. Un personnage qui donne une force entraînante au récit et pousse aussi Roxane vers le haut, lui donne cette force nécessaire pour se battre. Une personnalité forte, qui bouscule tout ce petit monde, mais est capable aussi d’une grande tendresse :

« C’était important d’avoir ce personnage-là. J’ai des amies qui ont eu ce genre de problèmes, plus ou moins graves, et souvent on préfère passer l’éponge, se taire parce que c’est trop compliqué ou parce qu’elles n’avaient pas envie de se retrouver dans l’imbroglio d’une justice en laquelle elles n’avaient pas totalement confiance. Il fallait donc qu’en face de Roxane, il y ait une figure à la fois maternelle et syndicaliste qui ne laisse jamais passer les choses et qui a le sens du combat. Et Corinne porte naturellement ça. Corinne est une personne capable de mourir pour une cause, c’est une femme engagée, au sens noble. Je n’imaginais pas une autre personne que Corinne pour interpréter Louise. En prenant Corinne, je savais qu’elle serait porteuse de cette force-là et de cette douceur qu’on lui connaît mal. Elle a beaucoup de tendresse pour le monde et pour les autres. ».

Le côté grande gueule de Corinne Masiero, son franc parler, est ici totalement justifié et offre à l’histoire une véritable authenticité : « J’ai écrit les dialogues pour elle, aux petits oignons. Je sais que tout d’un coup, ça résonne en elle personnellement. Alors, ça se mélange et ça apporte cette conviction et cette sincérité. ».

Bruno Salomone interprète un rôle à contre-emploi : Quentin, l’agresseur de Roxane. Il aura fallu des discussions avec le réalisateur Christian François et de la confiance entre les deux hommes, avant que le comédien n’accepte le rôle : « Bien-sûr qu’il a eu quelques réticences. Ça s’est joué dans le rapport entre lui et moi. J’avais tellement envie et tellement de plaisir à vouloir travailler avec lui, qu’il a finalement été embarqué par notre enthousiasme. […] Il ne voulait pas jouer qu’un « gros porc » et donc, il y a sa fille, ces femmes qui le rattrapent et lui permettent de changer. Il comprend quelque chose. Bruno n’était pas inquiet, le mot est fort, mais il avait besoin d’être convaincu à la fois par le texte et par moi. On a travaillé ensemble en amont du tournage, à la table et après plusieurs lectures et d’échanger avec les autres comédiens et comédiennes, ça nous a permis d’arriver hérités de ce travail préparatoire. ».

Pour Roxane, Tiphaine Daviot fut choisie par un simple casting. Christian François nous en raconte les coulisses : « Je participe à mes essais. Je ne laisse jamais un casting faire et m’envoyer les vidéos. C’est très important pour moi d’être là. Je n’avais pas d’idées préconçues pour Roxane. Quand j’ai présélectionné Tiphaine, je l’ai fait jouer un bout de scène avec Bruno car, c’est comme en sport, il ne faut pas prendre le meilleur joueur, mais celui qui joue le mieux ensemble. Et ensemble, ils jouaient bien. Puis, Tiphaine est très drôle. On ne s’en rend pas compte mais c’est une fille pleine d’humour et une bonne camarade de jeu. ».

Avis

Faire face à ses démons

Il y a chez Boomerang, une force insoupçonnable qui traverse à la fois les personnages et les spectateurs. Une rage aussi. Une envie de vaincre. Cette puissance que le téléfilm dégage, on la doit à Corinne Masiero. Son personnage (Louise) et sa révolte, entraînent, tirent tout le monde vers le haut. Elle ose. Sans limites. Si elle prend Roxanne sous son aile, jamais elle ne la laissera dans une zone de repli, lui laissera le temps de souffler. En affichant ouvertement sa colère, Louise sera le déclencheur de sa lutte, de son envie de se battre, de ne pas renoncer et d’aller jusqu’au bout pour obtenir justice. C’est dans ce type de récit que le franc parler de Corinne Masiero trouve toute son utilité. Pour tirer vers le haut des personnes abusées comme Roxane, confronter les hommes à leurs dérives, dénoncer des actes oppressants que subissent les femmes de l’entreprise au quotidien.

Elle est également l’élément motivateur de l’histoire. Sans Louise, les employés de l’imprimerie seraient aussi restés dans un confort, dans une ambiance sexiste déraisonnable.
Louise est une force de la nature, touchante. Elle n’hésite nullement à aller au front, au devant des problèmes, quitte à tout perdre. La sincérité de Corinne Masiero bouleverse. On connaît le passé de la comédienne. Et elle ne triche pas. Ne camoufle jamais son jeu, son interprétation pour livrer une parodie. C’est de la que provient son succès, son authenticité. Avec Boomerang, elle poursuit une carrière sans faute et à son image.

Si le réalisateur Christian François s’appuie sur Corinne Masiero pour imposer un rythme dense à son récit, il n’oublie pas ses autres comédiens et comédiennes pour autant. Que ce soit Tiphaine Daviot, Bruno Salomone ou Laurent Batto, chacun offre une prestation juste, pertinente et crédible, bien que certains personnages se retrouvent dans quelques situations très clichées (cf. le patron couchant avec sa secrétaire). On pardonnera ces petites erreurs, qui n’entachent en rien la qualité de l’intrigue et la profondeur du récit.

Une fiction qui n’en est pas vraiment une, reflétant malheureusement la banalité de ce que vivent certaines femmes au quotidien, dans leur entreprise ou ailleurs. Christian François filme son œuvre avec beaucoup de simplicité, sans caricaturer ou forcer le trait à un fait divers, un parmi tant d’autres. Cependant, la fin divisera sûrement les téléspectateurs.

Boomerang, bientôt sur France Télévisions.

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