AILLEURS SI J’Y SUIS : UN PAMPHLET CONTRE LE TRAVAIL ?

François Pirot continue de filmer les frasques de la vie, les intimités, les angoisses du monde et des personnages en souffrance. Avec Ailleurs si j’y suis, le scénariste et réalisateur interpelle sur un thème majeur : la place du travail dans notre vie. Métro, boulot, dodo, que reste-t-il de notre vie ?

Synopsis :
Alors que sa famille et son métier le mettent sous pression, Mathieu, sur un coup de tête, s’enfonce dans la forêt devant chez lui. Et y reste. Face à cette démonstration de liberté, ses proches s’interrogent… Sur lui, sur eux-mêmes, sur le sens de leur vie… Et s’il avait raison ?

À l’heure où la notion de « travail » est remise en question depuis la crise COVID et une réforme des retraites qualifiée d’injuste par des millions de français, Ailleurs si j’y suis sonne comme une réflexion philosophique autour de ce thème. A travers trois générations de personnages, François Pirot dépeint une société malade, aliénée par le travail, l’effort et l’abandon de soi : Mathieu (Jérémie Renier), chef de chantier en plein divorce, qui ne pense qu’au travail au point d’oublier tout forme de vie personnelle, son meilleur ami Stéphane (Samir Guesmi), qui enchaîne les petits boulots sans objectif de vie et Guy (Jean-Luc Bideau), entrepreneur de presque 70 ans, qui a sacrifié toute sa vie pour bâtir une compagnie, et qui fait partie de cette vieille génération pour qui le travail est la clé de toute réussite sociale. Autour d’eux, gravitent les femmes leur vie, Catherine (Suzanne Clément), la femme de Mathieu, qui souhaite changer radicalement de vie et Béatrice (Gwenn Berrou), la compagne de Stéphane, dont le souhait est d’avoir un enfant.
Lorsque Mathieu abandonne tout pour partir vivre dans la forêt, c’est tout leur univers qui est bousculé. En retrouvant une liberté totale de corps et d’esprit, une forme de lucidité et de joyeuseté, Mathieu bouleverse les certitudes de tout son entourage. Et si la véritable clé du bonheur se trouvait là, dans une forêt, à l’abri des nuisances sonores d’un monde complètement fou ? Ainsi, tout le monde va entreprendre le même chemin, Catherine et Stéphane en tête. Mais s’oublier totalement, abandonner tout matérialisme et tout confort, est-ce si évident ? François Pirot interroge aussi ses héros sur la perception d’un capitalisme ambulant mais néanmoins confortable, sur cette prison qu’est aujourd’hui la société moderne, où l’individu est dépendant de toute technologie et de toute construction sociétale qui lui est inculquée depuis des millénaires. Le retour en arrière est-il possible ? Vivre à l’ancienne est-ce si aisé ? Rien n’est certain, mais la beauté d’une forêt, la délicatesse du chant des oiseaux et la tendresse d’un bain dans un étang offrent des possibilités infinies sur l’avenir. Encore faut-il avoir le courage de sauter le pas.

La nature comme source de méditation. Un concept mille fois éculé au cinéma et pourtant, François Pirot adopte une posture singulière, à la fois à l’image (en changeant de format d’image) et dans l’écriture. En effet, la progression des personnages ne se fait pas via des débats houleux sur le travail et son importance, ses bienfaits ou ses méfaits, ni par le biais d’une confrontation frontale avec l’environnement (à l’exception de Mathieu), mais par l’intermédiaire d’une narration d’échecs sentimentaux et amoureux, en lien avec le travail. Parce que le travail impacte forcément les rapports amoureux, met à rude épreuve la stabilité d’un couple, obnubile la plupart de nos discussions à la maison.

François Pirot fouille ainsi les relations humaines à travers la question de l’engagement, l’engagement envers les autres (et la nature), l’engagement sur le long terme. Et quoi de mieux que d’être sûr de ses sentiments, de nos engagements qu’en prenant la route, qu’en se perdant sur les chemins verts, qu’en se délivrant du poids du monde pour quelques instants.

Tous ces éléments, François Pirot les filme sans gravité mais au contraire, une forme de légèreté et d’insouciance, en parsemant son récit de quelques scènes comiques croustillantes et d’un humour noir particulièrement pertinent. Il ne s’agit pas là de donner une quelconque leçon de morale aux spectateurs mais au contraire, de lui faire comprendre que, par moment, prendre soin de soi est une source libératrice pour nous-mêmes et pour les autres.

Conclusion

Ailleurs si j’y suis est un écho à une réalité brutale où le travail est devenu le pilier de notre vie, notre unique « loisir ». En s’affranchissant des codes, Mathieu découvre une autre voie et nous invite à une nouvelle vie. Mais est-ce que tout ceci ne serait pas un leurre, un simple instant de répit avant de repartir ? Ou bien une prise de conscience, au contact de nature, s’opérera-t-elle ?

Ailleurs si j’y suis sortira le 29 mars au cinéma.

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