[SIRÈNES] : ALICE POL ET SHIRINE BOUTELLA À LA POURSUITE D’UN SERIAL KILLER, UNE FABLE FÉMINISTE D’ADELINE PICAULT

Pour son nouveau film, la réalisatrice Adeline Picault lance deux héroïnes à la poursuite d’un serial killer : Alice Flesh (Alice Pol), flic extravertie, survoltée et délirante, et Leïla Balani (Shirine Boutella), timide mais redoutablement intelligente et méthodique. En plein cœur de Nice, ce duo de flics improbable se retrouve à devoir travailler ensemble pour traquer un tueur impitoyable, découvrir ses véritables intentions, tout en affrontant le regard et la misogynie crasse d’un commissariat, où les hommes ont le pouvoir. Une comédie d’action drôlement efficace, qui se joue des codes du genre, portée également par la scénariste Carine Prévost, autrice sur deux séries à succès que sont Family Business et 3615 Monique. Avec Adeline Picault, elles nous offrent à réfléchir, au travers de bonnes tranches de rire.

Un duo féminin exaltant

Fraîchement débarquée à Nice pour une période d’essai au cours de laquelle Leïla Balani devra faire ses épreuves pour obtenir le grade de lieutenant de police, cette jeune policière introvertie à l’esprit logique rencontre sa co-équipière Alice Flesh, une mère de famille aux manières grandiloquentes, véritable feu-follet qui n’a pas froid aux yeux. Alors que tout les oppose, elles sont plongées au cœur d’une enquête effrayante : des hommes sont froidement assassinés, des cartes de tarots déposées sur leur corps. Pourquoi ces hommes sont-ils assassinés ? Qui leur en veut ? Ont-ils tous quelque chose en commun ? Un véritable jeu de piste démarre alors sous la supervision d’Alice Flesh et de Leïla Balani, deux héroïnes fortes, à l’humanité éclatante : « Nous les avons construites en opposition pour créer un décalage comique. Chacune d’elles a des problèmes à gérer, familiaux ou phobiques. C’est une source inépuisable de conflits et donc, potentiellement, de comédie. Surtout, cela permet de les voir évoluer ensemble, de les voir devenir amies. […] Nous les avons travaillées en opposition jusque dans leurs tenues. L’une s’habille comme elle veut, comme elle le sent et l’autre, qui se contraint dans ses tenues et se conforme beaucoup » confie la cinéaste Adeline Picault.
Des tenues mais aussi des accessoires qui habillent les personnages. Que ce soit la voiture d’Alice ou le dictaphone de Leïla, les objets ont leur importance : « La voiture est un personnage du film. Puis, ça habille bien le personnage d’Alice, un personnage qui fonce. Elle ne se pose pas de question, elle trace. Une voiture à son image. Esthétiquement, c’est comme le dictaphone de Leïla. Ce sont des tenues pour les actrices, des éléments de caractérisations très forts pour nos personnages. »

De cette rencontre naît une amitié. Et au-delà de la comédie, le film s’envole, par moment, vers l’émotion. En sortant du cadre de l’humour pour voguer dans une dimension plus pure, Adeline Picault et Carine Prévost développent un nouvel imaginaire pour leurs deux héroïnes et créent des attaches émotionnelles pour le spectateur. Alice, maman d’un petit gars futé, doit faire face à tout ce qu’une mère divorcée doit subir comme pression et, de son côté, Leïla doit affronter ses peurs les plus intimes et parvenir à atteindre ses objectifs professionnels. Se dévoilent ainsi deux protagonistes féminins romanesques et sensibles : « Elles sont reliées par une pudeur sur leur vie personnelle et un certain rapport à la tendresse. Cet aspect m’importait beaucoup. Nous souhaitions qu’elles trouvent leur point d’équilibre entre une vive énergie et une certaine douceur. »

Pour créer les personnalités d’Alice Flesh et Leïla Balani, Adeline Picault et Carine Prévost se sont inspirées de plusieurs buddy-movies américains, aussi bien masculins comme « L’Arme Fatale » que féminins : « Notre référence, assumée, était Les Flingueuses de Paul Feig, avec Melissa McCarthy et Sandra Bullock, un film avec une énergie folle et un humour corrosif. Nous voulions avoir le même dynamisme dans notre duo. J’ai été très marquée aussi par Thelma et Louise dans un tout autre registre et nous avons placé une référence à la fin du film avec cette dernière image, où Alice et Leïla roulent en décapotable. »

Nice, décor de rêve

Bien que la comédie d’action est un genre très éculée au cinéma et notamment dans les années 80/90, où une flambée de buddy-movies inonda le 7ème art, « Sirènes » possède de belles idées et une mise en scène relevée qui laisse exister un humour vivant, coloré et organique. Adeline Picault est d’ailleurs consciente du challenge et dévoile la façon dont elle s’est attelée à la réalisation du film : « Il faut se faire confiance. Quelque part, toutes les histoires ont été écrites. Avec ce pas de côté qu’est la comédie, on va réussir à porter quelque chose. J’ai tendance à foncer en me remémorant ça. Et aussi relier tout ça avec un peu de poésie, de presque enfantin. Je pense au mur d’enquête sur le sérial killer que façonnent Flesh et Balani en LEGO. Ça me relie à ma propre enfance et c’est une manière de s’amuser avec les codes. Des murs d’enquêtes sur des serial killer, nous en avons vu énormément et, la question ici, était de savoir comment on peut faire différemment ? Finalement, en y ajoutant des jouets d’enfants, ça donne plus de gravité à ce mur qui vient donc de l’innocence. »
Adeline Picault conçoit ses films au fil de ses envies et de ses désirs. La réalisatrice s’autorise tout ! « Sirènes » transpire l’amusement, un doux parfum d’outrance, d’extravagance et d’enthousiasme : « Je garde un contact fort avec l’idée qu’un plateau de cinéma ou une scène de théâtre est une grande chambre d’enfant où l’on fait tout ce que l’on veut pourvu que ce soit ludique. On peut être ludique et grave, ludique et léger… Je pense mon travail de réalisatrice de cette façon. Tout ce qui me plaît, je le fais (rire). J’adore les chiens, par exemple, alors nous avons fait l’anniversaire d’un chien dans le film. Ça m’amuse. »

La cinéaste parlait de poésie et si, à la réalisation, la production Prime Video profite de ce lyrisme, elle s’invite jusque dans l’étalonnage du film. Il faut dire que Nice, son soleil, et ses couleurs naturelles profitent au cadre d’une caméra qui tente de chatoyer, de sublimer sa propre colorimétrie et de mettre en lumière des personnages flamboyants : « Le film est outrancier au niveau des couleurs. […] D’un point de vue photographique, je trouvais que ça faisait sens de travailler sur des tons très solaires, avec des curseurs très hauts, très puissants. C’est aussi ce que m’évoque cette région de Nice. C’est une ville où les couleurs prennent beaucoup de place. C’est le soleil quoi ! Placer nos personnages hauts-en-couleur dans un environnement qui l’est, ça fait sens. »

Nice, un cadre idyllique pour tisser le décor d’une ville déjà très cinégénique. En jouant avec les clichés de la Riviera, de son aspect sexy, entre les tons magnifiques de la mer et du ciel, « Sirènes » permet aussi de traiter le clivage Paris/Nice dans un réjouissant festival de caricatures. Nice devient alors aussi le théâtre de conflits territoriaux comiques, où se disputent la froideur du Nord et la beauté chaleureuse du Sud.

Vous pouvez retrouver mon interview carrière avec Shirine Boutella ici.

« Sirènes » le 15 mars sur Prime Video.

Synopsis :
Alison Flesh, capitaine de police rebelle et incontrôlable est forcée par son supérieur le commissaire Djiba à travailler en binôme avec Leïla Balani, experte en criminologie mais nulle sur le terrain. Sur la piste d’un serial killer à Nice, Flesh et Balani vont devoir faire équipe quitte à retourner toute la Riviera.

Casting : Alice Pol, Shirine Boutella, Ramzy Bedia, Natacha Lindinger, Serge Hazanavicius, Jérémy Gillet, Medi Sadoun…

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