LA BELLE ÉPOQUE : L’AMOUR MISE EN ABYME

LE CAPITAINE CINEMAXX A VU – UN AMOUR INTEMPOREL * SPOILERS *

Le cinéma français se porte bien. Cette année, nous avons eu la chance d’avoir de très belles productions. De l’ambitieux Chant du Loup d’Antonin Baudry à la comédie inventive de Mon Inconnue d’Hugo Gélin en passant par le dramatiquement touchant Hors Normes d’Eric Toledano et Oliver Nakache à l’animé exceptionnel J’ai perdu mon corps de Jérémy Clapin, le cinéma français a su s’imposer comme essentiel, important, dans un monde où les blockbusters américains règnent en maître. Toutefois, 2019 n’est pas encore terminé et il reste quelques pépites à découvrir dont La Belle Époque de Nicolas Bedos.

SYNOPSIS :

Victor, un sexagénaire désabusé, voit sa vie ébranlée le jour où Antoine, un brillant entrepreneur, lui propose une attraction d’un genre nouveau : mélangeant artifices théâtraux et reconstitution historique, cette entreprise propose à ses clients de replonger dans l’époque de leur choix. Victor choisit de revivre la semaine la plus marquante de sa vie : celle où, 40 ans plus tôt, il rencontra le grand amour…

Revivre le passé, pour mieux accepter le présent

Le film s’ouvre comme une mélodie cynique. Le personnage de Victor nous est présenté comme un dessinateur râté, oublié de tous, un vieux bougon aigri par le monde qu’il entoure et, particulièrement, par les avancées technologiques, l’un des plus grands drames de cette nouvelle époque, selon lui. Ce désamour entre Victor et la technologie sera donc le point de départ du film, mais également de la rupture entre lui et sa femme, Marianne, adepte elle, de la modernité et de l’ouverture.
Dans une interview pour Allociné me semble-t-il, Daniel Auteuil avait déclaré que Victor n’était pas nostalgique d’une époque sans technologie, plutôt de la période où il a rencontré sa femme. Et je ne suis pas totalement convaincu par cette affirmation. En effet, dans la scène où Victor arrive dans les studios de l’année 1974, on peut sentir une réelle émotion dans la manière dont il reprend rapidement ses marques à l’Hôtel Bellevue et la façon qu’il a de redécouvrir les sensations du dessin avec des instruments et des matériaux d’antan. Cette étincelle dans les yeux de Victor est synonyme d’une profonde nostalgie. Bien-sûr, la véritable nostalgie réside dans sa première rencontre avec Marianne, mais plus le film avance, plus on comprend qu’il est finalement nostalgique d’un caractère, d’une folie, d’une insouciance, d’une fraîcheur, celle de la jeune Marianne. L’intransigeance, la froideur, l’incompréhension que dégage la Marianne du présent, est aussi la raison de leur rupture. Désormais, chacun avance. Victor se laisse embarquer par la proposition de son fils et rejoint son entreprise. Ce dernier s’ouvre alors au monde, aux autres, à la technologie même, tandis que Marianne comprends, peu à peu, que la vie paraît bien fade sans cette contradiction au quotidien que représentait son mari. Marianne prend ainsi conscience qu’elle avait besoin de cette candeur, cette insolence, caractérisées par Victor, qui lui rappelaient inconsciemment sa jeunesse perdue. Revivre le passé, s’éloigner du présent, est alors pour eux un moyen de s’accepter l’un l’autre et de comprendre ce qui manquait à chacun pour être complétement heureux à l’avenir.
Le faux est toujours l’extension d’une certaine vérité et, cette vérité, Victor la trouve dans cette fausse reconstitution du 16 mai 1974. En se confrontant à des illusions, il ouvre enfin les yeux, sur lui-même et sur sa relation avec Marianne, il retrouve alors de l’espoir, de l’envie, du désir, du plaisir et… son amour.

Sinon, le porte du casque n’est-il pas déjà obligatoire en 1974 Monsieur Bedos ?

Cette mise en abyme du cinéma dans le cinéma aurait d’ailleurs pu être excluant pour le spectateur. Excluant d’un point de vue émotionnel. En effet, difficile d’être ému lorsque l’on sait que tout est faux. Le personnage de Victor le souligne lui-même. Néanmoins, Nicolas Bedos arrive à créer une ambiance si romantique, si charmante, qu’on en oublie – comme Victor, malgré ses quelques remarques sur le déroulement de la soirée – les caméras, le faux plafond, les faux décors, les faux acteurs et, on s’émeut devant le couple Auteuil/Tillier, de la frivolité de leur « premier rendez-vous » au mensonge de leur « rupture ». L’interprétation des deux acteurs ainsi que l’écriture ciselée de Bedos sont aussi des éléments importants dans le cheminement mélancolique du film et donnent au spectateur ces sentiments romanesques qui les bouleverseront.

La conclusion du Capitaine Cinemaxx

Nicolas Bedos aime le cinéma. La Belle Époque transpire de cette amour pour le 7ème art et rappelle à certains égards le Once Upon A Time In Hollywood de Quentin Tarantino, où l’on traverse diverses époques du cinéma avec humour et poésie, questionnement et raisonnement, à la fois sur l’évolution de l’humanité au fil des décennies, sur notre perception de l’Humain ou de l’Amour. La Belle Époque, c’est de l’émotion pure, une sincérité authentique, une succession de plans aussi mécaniques qu’acrobatiques, lesquels transportent le spectateur dans un ballet infernal où se côtoient fiction et réalité, au sein d’un même labyrinthe déroutant et dérangeant.
En somme, Nicolas Bedos, ingénieux, offre à son film un romantisme moderne, au-delà de toute caricature, une vraie comédie romantique originale au caractère bien trempé, à l’image de son réalisateur.

Enfin, Daniel Auteuil excelle dans ce rôle de looseur romantique au côté de la flamboyante Doria Tillier – laquelle apporte suffisamment d’hystérie et d’honnêteté pour transcender le rôle de la simple comédienne – et de l’irrésistible Fanny Ardant, qui interprète à la perfection, la garce au grand coeur.

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