EN ATTENDANT BOJANGLES : DANSER OU SE LAISSER MOURIR

Présenté en sélection du Festival International du Film de la Roche-sur-Yon, En attendant Bojangles est le nouveau film du réalisateur Régis Roinsard (Populaire, Les Traducteurs…) adapté du roman du même nom d’Olivier Bourdeaut paru en janvier 2016 aux Éditions Finitude.

Synopsis : Camille et Georges dansent tout le temps sur leur chanson préférée Mr Bojangles. Chez eux, il n’y a de place que pour le plaisir, la fantaisie et les amis. Jusqu’au jour où la mère va trop loin, contraignant Georges et leur fils Gary à tout faire pour éviter inévitable coûte que coûte.

« Si la réalité est banale et triste, inventez-moi une belle histoire »

Dès l’ouverture, En attendant Bojangles n’a qu’un objectif : séduire et entraîner le spectateur dans le tourbillon d’une idylle naissante.
Roman Duris, le sourire carnassier, rieur et coquin, débarque face caméra. Dans un montage intelligent, l’acteur virevolte au grès des rencontres. Georges, le personnage qu’il interprète avec brio, vogue de mensonges en mensonges au sein d’une soirée mondaine à laquelle il n’a jamais été convié. Et c’est ici, dans ce lieu truffé de personnalités influentes qu’il va rencontrer Camille (incarnée par la sulfureuse Virginie Efira). Un coup de foudre et une passion immédiate, rythmés d’un tango endiablé, où la personnalité des deux jeunes amants va se révéler au public. De suite, Régis Roinsard capte son auditoire par cette introduction romanesque et enivrante. On sait, grâce à cette entrée en matière vive et colorée, que cette épopée sentimentale sera peu banale, quelle folie et quelle frénésie vont animer le récit du film.

La narration est à l’image de cette scène d’exposition. Tout va très vite. Les deux héros passent rapidement d’un état à l’autre, ce qui maintient le long-métrage dans une ardente intensité, gardant ainsi le spectateur captivé par cette histoire d’amoureux hors-normes.

Puis, il y a ce basculement.
La santé mentale de Camille se dégrade. Son passé, les nombreuses identités qu’on lui a accordées, les histoires qu’elle et son mari se sont inventées au fil des années, tout se mélange dans sa tête. Le récit devient alors plus froid, plus tragique. Mais dans sa réalisation, Régis Roinsard garde un lyrisme pétillant. Que ce soit l’évasion de l’hôpital psychiatrique ou leur cavale en Espagne, le cinéaste conserve une chaleur, une joyeuseté dans sa mise en scène mais également dans certaines joutes verbales, afin de raccrocher ses héros à un espoir.
Un espoir, une lueur qui s’accompagnera et passera toujours par la danse.

Danser pour se libérer du monde

C’est dans la danse (et la musique) que chacun s’évade, que Camille et Georges s’harmonisent. Ils louent la vie et leur rencontre, à chaque minute passée ensemble. Un rêve éveillé, une danse infernale qui ne s’arrête jamais, au-delà même de la mort. Cette volonté de danser inlassablement, d’organiser des soirées dansantes, est un moyen pour eux d’échapper au réel, à la monotonie de la vie et de son slogan : métro, boulot, dodo. Parfois, Georges parvient à se convaincre des bienfaits d’un rythme de vie quotidien. Il est conscient des problèmes. Il est en quelque sorte le pilier du couple. Cependant, les traumas de sa femme le pousse à agir différemment. Ça sera un de ses regrets. C’est un ballet incessant qui se déroule dans sa tête, un jeu d’équilibre entre le devoir, celui de protéger sa famille aussi bien financièrement que moralement, et l’envie de tout abandonner pour retrouver sa fougue qu’il laisse chaque matin au bas de sa porte. Toute la dramaturgie se joue là, dans cette chorégraphie amoureuse entre un père de famille souciant et insouciant, et une mère tendre mais dépressive.

Danser, c’est aussi un « délicat refus de se prendre au sérieux » pour citer Cyrano de Bergerac (même si le contexte est différent). Vivre pleinement est leur devise. Danser, c’est refuser cette vie oppressante, c’est refuser une mort lente et douloureuse. Le mensonge, les histoires racontées, ne sont pas des péchés, c’est une expression de leur caractère profond, cette envie d’embellir la vie et les tracas du quotidien. S’extraire du poids du monde, contraignant et brutal. C’est pour cela qu’ils n’ouvrent jamais leur courrier. Pour ne jamais se confronter au réel. Néanmoins, ça ne suffit pas toujours. On est souvent rattrapé par cette foutue réalité terrestre, qu’elle soit matérielle ou physique.

Lorsque Camille parle de sa maladie à combattre comme une guerre à engager, en l’imageant avec des solutions guerrières, elle refuse une réalité mais transforme ses peurs en une poésie réjouissante pour offrir à son fils un espoir. C’est là que réside sa force, également. Ce désir de donner le bonheur que mérite sa famille. Et elle aussi, dans sa tête, il y a cette lutte incessante, cette rythmique intérieure entre le devoir, la soif de danser éternellement et la maladie.

[SPOILERS]
Danser ou se laisser mourir, donc.
Le dernier acte du film est viscéral. Il y a un enchaînement, un flot de sentiments bouleversants qui nous traverse. Et tandis que les larmes parcourent notre visage, on imagine nos héros danser pour l’éternité au son de Mr. Bojangles… Et nous sourions.
[FIN SPOILERS]

Conclusion

Régis Roinsard livre une adaptation forte et poignante de En attendant Bojangles. Il y a une beauté insondable dans cette histoire d’amour que retranscrit le réalisateur avec authentique beauté. Oui, le film est beau. Tout simplement beau. Et il est porté par deux comédiens époustouflants. Virginie Efira continue de s’imposer comme la meilleure actrice de sa génération et enchaîne les projets sans fausse note, tandis que Romain Duris confirme son indéniable talent.

Un vrai moment de cinéma !

Vous pouvez retrouver mon interview du réalisateur Régis ROINSARD ici.

En attendant Bojangles sortira en salles le 5 janvier 2022.

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