PLUS BELLE LA VIE : DANS LES COULISSES DES AUTEURS AVEC LA SCÉNARISTE PAULINE ROCAFULL

Ils sont l’âme brûlante de Plus Belle la Vie. Dans l’ombre, ils œuvrent sans relâche depuis presque 18 ans pour offrir aux téléspectateurs les meilleures histoires possibles, les plus belles romances ou les intrigues policières les plus haletantes. Ils sont scénaristes, dialoguistes, ou en charge de la direction et ont entre les mains une quotidienne qui rassemble chaque soir plus de 2.5 millions de téléspectateurs. Pourtant, on ne parle jamais d’eux. Qui sont-ils ? Quels sont les critères pour devenir scénariste sur PBLV ? Comment travaillent-ils ? Qui choisit les intrigues et l’arrivée des nouveaux personnages ?

Pauline Rocafull, scénariste et dialoguiste, se confie sur son travail au sein de Plus Belle la Vie et dévoile les coulisses où œuvrent chaque jour une trentaine d’auteurs.

Vous avez intégré Plus Belle la Vie en 2017 comme scénariste puis, en 2019, comme co-directrice des dialogues. Comment avez-vous rejoint l’équipe de Plus Belle ?
Comme sur les autres quotidiennes, Plus Belle la Vie est une des rares séries à organiser des tests d’écriture pour sélectionner les scénaristes qui vont écrire sur la série. Cela faisait un moment qu’on m’avait proposé de les passer et, il y a 4-5 ans, j’ai décidé de tenter les tests avec mon compagnon Guillaume Desouhant qui venait de se lancer comme auteur. La meilleure école d’écriture étant d’intégrer une quotidienne, on s’est lancé ensemble dans l’aventure. On a passé les tests en binôme et nous avons été reçus. Il a commencé sa formation en écrivant avec moi sur Plus Belle, aux dialogues. C’est une des opportunités qu’offre Plus Belle La Vie, du fait de ces tests, faire entrer de nouveaux talents, en passant outre le copinage ou le réseau. C’est un examen et les meilleurs seront pris. Ça a permis à beaucoup d’aspirants scénaristes, de débuter dans le métier.

Pour les tests dialogues, on nous demande de dialoguer cinq scènes de PBLV. Les cinq scènes sont envoyées en début de semaine et nous avons la semaine pour les écrire. Pour y parvenir, il faut connaître tous les personnages, car on ne sait pas à l’avance sur quels protagonistes nous allons tomber… Imaginez, il y a entre 60 à 80 personnages sur Plus Belle. On a énormément de textes à lire en amont, avant de pouvoir passer ces tests. […] Je ne me souviens plus sur qui je suis tombée. Je me souviens néanmoins que j’avais dialogué des séquences avec Babeth et Yolande, sa mère. On avait d’ailleurs reçu les félicitations par le directeur des dialogues de l’époque. Une fois les tests passés, le plus dur commence. Dans une seconde étape, nous devons dialoguer tout un épisode sans qu’il soit utilisé, on appelle ça « un texte à blanc ». On fait la réunion du lundi, réservée aux dialoguistes, comme si nous étions dans l’équipe et on hérite d’un texte à dialoguer. On le dialogue en entier, dans les conditions réelles avec un délai d’une semaine. C’est une mise en jambe. Puis, dans un troisième temps, nous avons toute une période de formation, où l’on va dialoguer sur plusieurs mois une dizaine de textes qui seront ensuite relus et annotés par le directeur des dialogues. Par la suite, il nous demande de réaliser une deuxième version, ce qu’on appelle une V2. Avec mon compagnon, il nous est arrivé d’être désespérés. Je me souviens notamment du quatrième texte où on avait reçu beaucoup de notes du directeur. On s’était dit qu’on y arriverait jamais. Puis, petit à petit, on a passé le cap.

30 auteurs travaillent sur Plus Belle la Vie. Pourquoi autant de personnes et comment vous répartissez-vous le travail ? Et qui choisit les intrigues ?
Il y a effectivement trente scénaristes qui sont répartis en deux grandes équipes. La première, c’est l’équipe de scénaristes qui gèrent toutes les histoires et leur structuration. La seconde équipe, elle, est composée de dialoguistes. C’est eux qui vont dialoguer les textes structurés par la première équipe. Au-dessus de tout ça, il y a le directeur de collection, Pierre Monjanel. C’est lui qui fixe les grandes orientations de la série, l’équilibre entre les personnages, la tonalité des intrigues, etc… C’est notre grand manitou. Il peut gérer aussi l’arrivée de nouveaux héros, d’une nouvelle famille, s’il le juge nécessaire. Et c’est la première équipe, celle qui gère les histoires et leur structuration, qui doit ensuite lui faire des propositions.

À partir de là, Pierre les valide ou non, avant qu’elles ne soient présentées à la chaîne, qui tranche. Si elles sont validées par la chaîne, les arches (les histoires) partent en développement.
On travaille en 3 axes : les arches A, qui sont les intrigues principales, les plus fortes, les arches B, moins fortes et les arches C, qui sont des histoires plus humoristiques. Une fois qu’une arche est déployée en scène, elle passe à l’équipe des dialoguistes, qui structure chaque séquence et pose les dialogues. Et c’est un nouveau gros travail sur les textes.

Image : la scénariste Pauline Rocafull

Enfin, pourquoi 30 scénaristes ? Parce que c’est un travail extrêmement lourd. On écrit et produit 21 minutes chaque jour. C’est une très grosse machine et ça demande du monde, tout simplement.

Sur quelles grosses intrigues avez-vous travaillé ?
Sur ces 4-5 dernières années, j’ai pu travailler sur beaucoup d’intrigues. Parfois par petit bout. Il y a des intrigues que je n’ai pas finies ou que j’ai terminées. C’est pour cela que cette méthode de travail peut occasionner des petites erreurs. Souvent, dans les passages de relais il peut y avoir une déperdition d’informations. Mais il y a aussi des erreurs indépendantes de notre volonté, sur les tournages notamment. Dernièrement, on nous a reproché le fait que le personnage de Noé dise « Monsieur » à Roland. Je ne sais pas ce qui s’est passé car ce n’était pas écrit ainsi dans les textes.

[…] J’ai une préférence pour les intrigues qui parlent de la société. J’ai été touchée par l’intrigue sur ce couple avec un enfant qui perdait la vue. J’avais aussi beaucoup aimé l’intrigue autour du braquage de banque avec Luna, Mirta et les Fedala. C’était très amusant. J’adore les sujets comédies, également.
Certains primes m’ont marquée aussi. Le prime avec le papa de Riva était très beau, très émouvant. Il y a pas mal de thématiques qu’on retrouve dans Plus Belle la Vie et qu’on ne voit pas ailleurs. Ça a toujours été la force de cette série.

Vous parliez de comédie. Un personnage récemment intégré fait un carton, il s’agit de Bilal, interprété par Kjel Bennett. Il est au cœur d’une intrigue humoristique qui séduit tous les spectateurs de la quotidienne. Avoir un acteur avec un sens pareil de la comédie, ça peut inspirer les scénaristes ?

Il y a des surprises qui arrivent au moment d’un casting, qui va révéler et ouvrir des horizons. C’est arrivé régulièrement sur Plus Belle d’avoir des personnages pour des intrigues courtes et qui, au final, ont été intégrés de façon récurrente à la série. C’est évident que va donner des idées aux scénaristes. De continuer sur la comédie mais peut-être, par la suite, pourquoi pas de l’emmener vers du drame, vers quelque chose de plus sombre, afin de le mettre dans une position différente.  Au directeur de collection et à l’équipe de production, de décider !

Image : Kjel Bennett et Florian Lesieur sur le prime Black Out

Pour rester sur ce sujet. Les personnages de Patrick Nebout et Jean-Paul Boher, par exemple, sont au cœur de toutes les intrigues. On a alors la sensation que certains personnages sont plus inspirants que d’autres. Est-ce le cas ?
il n’y aucune volonté de privilégier un personnage plus qu’un autre. En interne, on fait des études qualitatives pour voir, au travers un panel de personnages, les héros préférés de la série ou ceux qu’on peut mettre davantage en avant. Dans un second point, en fonction des histoires qui peuvent être proposées par les scénaristes, en fonction des sujets de société, et de quelle façon les personnages de PBLV peuvent être en accord avec ces sujets-là. C’est plus par rapport à des tendances qu’on analyse. Toutefois, on peut se tromper. Si on regarde Twitter, nous devrions mettre plus en lumière les personnages de Charles Frémont (Alexandre Fabre), Céline Frémont (Rebecca Hampton) et Jeanne Carmin (Stéphanie Pareja). Mais si on regarde d’autres études, c’est Luna ou Boher qui reviennent un peu plus. Ce sont des choix éditoriaux, en fonction de ce qu’on juge bon pour la série.

Sur les réseaux, plusieurs internautes soulignent une baisse de qualité des scénarios depuis juin 2021. Est-ce que c’est difficile de parvenir à renouveler une série avec une telle longévité ?
17 ans de quotidienne, ininterrompus, 21 minutes chaque jour, c’est énorme. En terme d’intrigues, à l’heure actuelle, nous sommes à 80 protagonistes, avec des personnages qui ont connu des totales révolutions comme celui de Samia (Fabienne Carat), qui a débuté petite flic et a terminé Conseillère Municipale, en couple avec un député. On arrive, je crois, à trouver de très belles évolutions à nos personnages. Sur la qualité des scénarios, pour ma part, j’ai deux tendances. Soit j’ai des gens qui se plaignent parce que les intrigues sont trop longues – et il ne faut pas l’ignorer – et d’autres qui sont ravis des intrigues en cours, je pense notamment celle avec Baptiste et Jacob, la saga de l’été, où je reçois des messages vraiment positifs. J’ai toujours eu des retours supers forts. Ce que j’ai noté, en revanche et je suis en total accord, c’est qu’il y a plus d’erreurs, des incohérences scénaristiques mais sur la qualité en elle-même, je ne saurais pas dire. Ce qui est invariant, c’est que des internautes sont déçus de l’invisibilité de certains personnages. Je le comprends.

Vous parliez de Fabienne Carat, comment on gère le départ de personnages emblématiques ? Ces derniers temps, vous avez subit quelques départs importants : Myra Tyliann, Grant Lawrens, Avy Marciano…

Ce n’est pas évident. Déjà, nous en tant que scénariste/dialoguiste, on s’attache aux personnages. Le départ de Samia, aussi bien à l’écriture que pour la production, ce fut un coup dur. C’était un personnage totalement emblématique de Plus Belle, une grande partie de la série reposait sur ses épaules, on peut le dire. Samia était une femme inspirante aussi. Comme les fans, on essaie de faire le deuil, de se projeter sur d’autres histoires, d’autres personnages.
Le plus difficile, c’est lorsque nous n’avons pas le temps de préparer le départ d’un personnage. Il y a des acteurs qui ont quitté la série, du jour au lendemain, sans que nous ayons réellement le temps de concevoir, de consolider une histoire. Et donc, nous n’avons pas de vraie sortie pour le personnage.

Image : Grant Lawrens, Myra Tyliann, Avy Marciano et Fabienne Carat

Un mot sur la baisse des audiences. À quoi est-elle due selon vous ? Le confinement a-t-il eu un impact ?
Cette baisse d’audience est due à plusieurs facteurs : une concurrence accrue, la longévité du programme et un changement des usages car, désormais, on consomme la série différemment (PLUZZ, SALTO…). Est-ce que le streaming est comptabilisé dans les chiffres ? Il faudrait se renseigner sur ce point. Il y a un flou concernant SALTO.
N’oublions pas également que nous sommes en face du JT de 20h, de TPMP, ou encore de Quotidien… Quand nous étions à 20h40, nous n’avions pas le journal. Aujourd’hui, on est pris en sandwich. Et plus l’actualité est puissante, comme en ce moment avec l’Ukraine ou il y a quelque temps avec Gilets jaunes, plus les JT sont regardés, et moins on fait d’audience. C’est comme ça. Notre mission reste d’offrir une fenêtre sur la fiction et de faire la meilleure audience possible. Pas sûre qu’un autre programme ferait aussi bien.

En coulisses, personne ne se prépare à l’arrêt de Plus Belle la Vie. Dans l’ombre, les scénaristes ainsi que les dialoguistes, sont au travail. Plus motivés que jamais, à continuer l’aventure avec vous…

– Interview de Horya Benabet, ici.

– Interview de David Ban, ici.

– Interview de Sacha Tarantovich, ici.

Plus Belle la Vie est diffusé du lundi au vendredi sur France 3, dès 20h20.

Une pétition, organisée par Elodie Léger, contre l’arrêt de la série est d’ores et déjà en ligne. Vous pouvez la signer en cliquant ici.

L’équipe choc de la saga de l’été : Caroline Riou, Rebecca Hampton et les nouveaux mistraliens : Prudence Leroy, Simon Ehrlacher et Kjel Bennett.

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